Une enquête administrative a été ouverte par le ministère de l'Intérieur sur la défaillance de gestion du Fichier national des empreintes génétiques (FNAEG) après la mise en examen d'un délinquant sexuel dimanche à Paris pour le meurtre d'une étudiante suédoise.
La ministre de l'Intérieur Michèle Alliot-Marie a annoncé que l'enquête devrait déterminer pourquoi l'empreinte génétique de ce suspect, Bruno Cholet, 50 ans, ne figurait pas dans ce fichier judiciaire et policier créé par une loi de 1998. La défaillance pourrait avoir eu de lourdes conséquences. La ministre a évoqué des problèmes de fonctionnement. "Le fichier est effectivement aujourd'hui encombré car nous enregistrons de plus en plus d'empreintes. Il est nécessaire d'avoir de nouveaux moyens pour le faire et c'est inscrit dans la future loi d'orientation et de programme pour la sécurité intérieure", a-t-elle dit après le conseil des ministres.
"Nous devons moderniser nos matériels", a-t-elle ajouté, expliquant que les nouveaux moteurs pour gérer les fichiers avaient "effectivement besoin d'être plus puissants". Condamné à plusieurs reprises depuis les années 70, notamment à 18 ans de réclusion pour viols en 1989, Bruno Cholet aurait dû être fiché au FNAEG à ce titre, ce qui n'a pas été fait.
Il a vu son empreinte prélevée en 2006 lorsqu'il a été arrêté pour une autre affaire d'attaque à main armée. Selon une source proche du dossier, l'empreinte n'a pas pu être entrée dans le FNAEG pour un problème technique lié à un code à barres. Le prélèvement a donc été renvoyé à la police, sans suite. L'absence de Bruno Cholet du fichier signifie qu'une chance de l'interpeller avant l'affaire Zetterberg a peut-être été perdue, s'il a commis d'autres faits avant le 19 avril, où ont été retrouvées des traces ADN, hypothèse qui est envisagée.
Les policiers enquêtent sur l'enlèvement et le viol d'une autre jeune Suédoise à Paris le 23 février dernier, dans des circonstances similaires à l'affaire Zetterberg. D'autres dossiers sont rouverts, comme celui du meurtre de la directrice d'une agence bancaire, Elodie Kulik, dans la Somme en 2002.
Autre défaillance du Fijais ?
L'absence de saisie de l'empreinte de Bruno Cholet dans le fichier n'est pas forcément surprenante, en raison du manque de crédits et d'un fonctionnement matériel encore insatisfaisant. Le FNAEG, créé par une loi en 1998, né en 2000 et développé surtout depuis une autre loi de 2003, rassemble aujourd'hui les empreintes de 177 728 condamnés, de 425 000 mis en cause et 30 000 traces inconnues prélevées sur des scènes de crimes. C'est encore loin par exemple du Royaume-Uni, où le chiffre est de plusieurs millions.
"L'administration et l'Etat veulent donner une image de marque, mais le fonctionnement du fichier n'est pas satisfaisant", a dit à Reuters un scientifique spécialiste de ces questions, qui n'a pas souhaité être identifié. Outre les retards administratifs dans les saisies, aucune procédure de collecte des empreintes de personnes condamnées n'existe, l'alimentation se faisant plutôt au gré des procédures, hormis des campagnes dans les prisons, dit-il.
Malgré ces difficultés, ce fichier s'avère précieux car il a déjà permis depuis sa mise en service en France 10 000 rapprochements entre une trace et un individu, donc autant d'affaires résolues ou de pistes nouvelles, ainsi que 2 500 rapprochements entre deux traces inconnues. Une autre défaillance administrative a été relevée dans l'affaire Zetterberg, le fait que l'adresse parisienne de Bruno Cholet ne figurait pas dans le fichier des délinquants sexuels (FIJAIS) censé favoriser leur suivi.
Cet autre problème n'a pas été expliqué dans l'immédiat par la place Vendôme. Faute là encore de moyens matériels, le suivi des criminels sexuels libérés pose problème. En particulier, le bracelet électronique mobile, qui permettrait de suivre leurs déplacements par satellite, n'est pas opérationnel en France.
Thierry Lévêque, avec Sophie Louet, pour Reuters
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