Le journal burkinabé Le Pays, indépendant, proche de l’opposition et réputé pour ses éditoriaux, a publié cette semaine (sous la plume de Cheick Beldh’or Sigue) un sujet sur notre voisin le journaliste Guy-André Kieffer.
Disparu depuis le 16 avril 2004 (plus de 1400 jours) alors qu’il avait rendez-vous sur le parking d’un supermarché d’Abidjan avec un beau-frère de Mme Simone Gbagbo, l’épouse du chef de l’Etat, GAK n'a jamais été retrouvé. Ni vivant ni mort. Et, à l'approche des quatre ans de sa disparition, sombre dans l'oubli, sauf pour ses parents, ses frères, son épouse, ses enfants (sa fille du 20e et son fils d'un précédent mariage) et ses proches.
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La Première dame de Côte d'Ivoire serait « un des personnages centraux » dans la disparition de notre voisin, voici près de quatre ans. L'enquête piétine.
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Dans son sujet, le directeur-général adjoint des éditions du Pays estime que l’affaire Kieffer est en passe de faire les frais du vent de normalisation qui souffle sous les relations entre Paris et Abidjan. Un texte un peu plus explicite que l’encadré figurant hier sous ce sujet.
Après avoir plusieurs fois buté contre l'incompréhension, voire le refus de collaborer des autorités judiciaires et militaires ivoiriennes, le juge français chargé de l'enquête sur la disparition du journaliste franco-canadien Guy-André Kieffer vient d'être autorisé par le tribunal militaire d'Abidjan à auditionner deux gendarmes ivoiriens.
A présent, on a envie de croire que l'Etat ne fera pas obstruction à l'enquête, qui piétinait jusque-là. Mais pourquoi maintenant ? Tant d'eau a-t-elle coulé sous les ponts, pour que Abidjan en vienne à penser que le courant a emporté tout ce qui pourrait servir d'indice pour l'éclatement de la vérité ? Y a-t-il eu des garanties suffisantes pour l'interrogatoire des pandores ? Paris et Abidjan sont à présent dans une phase de normalisation.
L'enquête judiciaire fera-t-elle alors les frais du rapprochement franco-ivoirien ? Abidjan a-t-elle décidé de réchauffer le dossier pour édulcorer une réalité tout de même embarrassante à la fois pour elle et pour Paris ? Et, dans ce cas, à quels résultats tangibles faut-il s'attendre ? Certes, Nicolas Sarkozy avait promis à la famille Kieffer de faire toute la lumière sur l'affaire. Mais jusqu'où peut-il aller face à une affaire aux relents d' « affaire d'Etat » ? Sarkozy a-t-il les moyens de faire ce que Chirac n'a pas osé faire, malgré sa promesse de rupture dont on peine toujours à trouver des réalisations sous les tropiques africains ? Assurément, on peut craindre que la soif de vérité de la famille Kieffer soit sacrifiée in fine sur l'autel des intérêts bien compris de Paris et d'Abidjan.
Et que la vérité, pour des années encore, se fasse attendre, rien n'indiquant que ceux qui succéderont tôt ou tard à Gbagbo feront leur affaire de ce dossier. Faut-il alors, comme Max Planck, croire que « la vérité ne triomphe jamais, ce sont ses ennemis qui finissent par mourir » ? En tout état de cause, la disparition du journaliste semble encore très loin… de livrer ses secrets.
D'autant que Simone Gbagbo, la première dame de Côte-d'Ivoire, est, selon les témoins, un des personnages centraux de cette tragique affaire.
Cheick Beldh’or Sigue, pour le quotidien burkinabé Le Pays
⇒ La lumière tardera à jaillir, par Cheick Beldh’or Sigue
Cheick Beldh’or Sigue est directeur général adjoint des éditions « Le Pays ». L’entreprise de presse qu’il dirige a été récompensée en 2005 à Genève et en 2006 à Paris.
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