Les antennes de Radio France vont-elles s'ouvrir plus largement à la publicité ? Cette question, que le gouvernement doit trancher prochainement, provoque une levée de boucliers. Les concurrents de la radio publique, radios privées en tête, qui se sont mobilisés les premiers, devaient être reçus à Matignon mardi 8 janvier. L'occasion pour eux d'exprimer leur crainte d'une déstabilisation de leur marché publicitaire. Mais la mobilisation est aussi le fait des syndicats et de la Société des journalistes (SDJ) de Radio France. Ils se préparent à faire entendre leur opposition et espèrent convaincre les auditeurs de les rejoindre.
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Photo du PDG de Radio France Jean-Paul Cluzel prise le 3 septembre 2004 dans un restaurant à Paris, lors de la 17e rentrée de la radio d'information continue du service pulblic français.
Photo AFP/Stéphane de Sakutin
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Le projet de décret a déjà été entériné par le conseil d'administration de Radio France, le 20 décembre. Il prévoit « l'ouverture du champ des annonceurs pour la publicité diffusée sur les programmes nationaux ». En clair, toutes les marques seront en mesure de communiquer sur les antennes publiques, à l'exception des boissons alcoolisées et des enseignes de grande distribution. Cet « assouplissement » est un changement de cap radical car jusqu'à présent, seuls les annonceurs publics ou mutualistes avaient droit de cité sur les ondes de Radio France. Pour donner des garanties, le décret prévoit toutefois que la durée maximale de publicité, fixée jusqu'à présent à 30 minutes par jour et par chaîne, soit ramenée à 20 minutes. Un seuil qui n'est pas atteint aujourd'hui puisque, selon Danièle Nizieux, directrice de Radio France Publicité, « la durée moyenne de publicité est de 15 minutes par jour sur France Inter et de 17 minutes sur France Info ».
Manque de concertation
Selon Jean-Paul Cluzel, PDG de Radio France, « ce projet ne saurait avoir ni pour objet ni pour effet de perturber les marchés publicitaires ». Il souligne que le chiffre d'affaires publicitaire de son groupe représente 45 millions d'euros, soit « moins de 5 % du marché publicitaire radio » et que l'objectif assigné par le contrat d'objectifs et de moyens table sur une progression de 3 % de ses recettes par an, soit 1,3 million d'euros.
Cette thèse n'est pas partagée par les radios privées et la presse, unies pour dénoncer ce projet et le manque de concertation du gouvernement. Dans un communiqué commun publié le 19 décembre 2007, ils chiffrent l'impact de cette disposition « à plusieurs dizaines de millions d'euros en année pleine ». Or, la radio, comme la presse, a subi en 2007 l'impact de l'ouverture de la grande distribution à la publicité télévisée et la concurrence d'Internet. Résultat, selon Guillaume Astruc, patron de la régie IP de RTL, « le marché publicitaire de la radio a baissé de 6 % en 2007 ». De leur côté, les syndicats de Radio France (CGT, CFDT, CFTC, SUD, SNJ, SJA-FO) et la SDJ craignent un effet d'engrenage. Ils ont mis en ligne fin décembre 2007 une pétition intitulée "Assez de pub à Radio France".
« Cette décision enclencherait, comme jadis à la télévision, un mouvement irréversible » et « conduirait à moyen terme à la destruction de l'identité même des stations de Radio France », indique la pétition. Les syndicats s'interrogent sur la résistance à la pression des annonceurs, qui risque d'être forte. Ceux-ci sont a priori très intéressés par le "profil" des auditeurs de Radio France.
Pour justifier la demande d'assouplissement, Martin Adjari, directeur administratif et financier de Radio France, souligne « la réduction du nombre d'annonceurs publics », en citant la privatisation de GDF. A l'inverse, la radio publique a profité de l'arrivée massive des banques mutualistes. Et si ses revenus publicitaires sont en retrait de 1 % à 2 % en 2007 par rapport aux objectifs, c'est le fait d'une année atypique où les élections ont provoqué une baisse des budgets de communication de l'Etat.
Laurence Girard, pour Le Monde daté du 8 janvier
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