Chirac sur la voie de la sagesse ?
Pour la première fois aujourd’hui, Jacques Chirac, ès qualité d’ancien président de la République, siège de plein droit au Palais royal, où les « Sages » du Conseil constitutionnel, doivent rendre leur décision sur la loi Hortefeux, et notamment sur les deux seuls points mis en cause par le Parti socialiste, dont « l’amendement ADN ». Même le président Giscard d’Estaing, qui fait généralement montre d’absentéisme, a fait le déplacement ! Mais Chirac a devancé Giscard d’une demi-heure, arrivant à 9h35 pour le Corrézien contre 10h00 pour l’Auvergnat.
Ce matin, sur Europe 1, le président du Conseil constitutionnel a déclaré que l’ancien président de la République était déjà venu en repérage… De bon augure ! Même si son bureau est moins pacieux que celui de Giscard. D’autant que la curiosité quasi-maladive de Jacques Chirac et son envie de se « rendre utile à la France » ne sont un secret pour personne… Mais ce n’est toutefois pas la première fois que deux anciens présidents de la République se retrouvent au Palais Royal. Voici près de cinquante ans, en 1959, Vincent Auriol (qui a refusé d’y siéger… dès 1960) et René Coty avaient aussi siégé ensemble… avec un futur président (Georges Pompidou).
Le recours, déposé par les députés du parti socialiste, signé également par des députés communistes et Verts et par François Bayrou, député et président de l'UDF-Modem ainsi que les sénateurs socialistes, communistes et radicaux de gauche, vise deux articles.
Selon les signataires, l'article 13 constitue « une violation du droit au regroupement familial et du droit à la vie privée et familiale » et une « violation du principe d'égalité devant la loi entre les familles », parce qu'il aboutit à privilégier la famille nucléaire biologique au détriment des autres formes de familles recomposées ou adoptives. Quant à l’article 63, il est visé en vue d’une censure (un « retoquage ») sur les « statistiques ethniques ».
C’est donc sur ces deux points que les onze « sages » (en comptant les deux ex-présidents) devront se prononcer.
Si, lors de sa visite le 19 octobre à la très controversée et non inaugurée officiellement Cité nationale de l’histoire de l’immigration (dans le 12e arrondissement, là où se trouvait le Musée des colonies), le président Chirac n’avait pas voulu s’exprimer sur ces points litigieux (son devoir de réserve, de toutes façons, l’en empêche en public), on avait pu comprendre, par l’entourage de Jacques Toubon, qu’il était hostile aux tests ADN, au moins. Et la présence inhabituelle en ces lieux du président Giscard n’est peut-être pas sans rapport avec les propos d’un ancien membre du Conseil. En effet, Mme Simone Veil, qui n’est plus soumise au devoir de réserve depuis mars, s’est montrée, voici moins d’un mois, farouchement opposée aux tests ADN.
De Chirac, son épouse disait début octobre sur RTL que c’était « un retraité, comme beaucoup de monde en France »… A l’heure où la retraite fait l’objet de débats, de grèves à la RATP ou à la SNCF (se répercutant en Belgique, même si les médias « traditionnels » nous affirment l’inverse ou ne le disent pas), Jacques Chirac n’entend pas être un retraité inactif…
Alors que l’extrême droite disparaît du Parlement européen, le « Chi » semble vraiment intéressé par le « job » à temps partiel du Conseil constitutionnel, alors qu’il a dans ses tiroirs la préparation d’un livre et le lancement d’une fondation dédiée au développement durable et au dialogue entre les cultures.
L’inaction pesait à cet animal de la scène politique française. Le téléphone ne sonnait plus. Le « Chi », dit-on, était au bord de la déprime. Après des « traditionnelles » vacances au Maroc (où Bernadette n’a toujours pas trouvé de maison à acheter…), puis sur la côte basque, puis à Saint-Tropez (car lui aussi a des amis pour l’héberger…) il a faim. Et pas que de tête de veau ! Au point que Nicolas Sarkozy était discrètement allé le voir à la rentrée.
Ainsi, avant-hier, le nouvel Ex encore en vie a donné… signe de vie : il s’est installé dans ses bureaux de la rue Montpensier. Pour préparer sa rentrée politique d’aujourd’hui. « Je vais assumer ma tâche le plus sérieusement possible. Ce sont souvent des sujets délicats, raison de plus pour les traiter avec délicatesse », a-t-il déclaré mardi dans un entretien diffusé sur France 2. Une phrase qui peut lisser un certain espoir de voir au moins l'un des deux articles incriminés jetés aux oubliettes…
Il avait également - comme pour préparer le terrain ou lancer une pique à l’actuel président - reconnu que, avec les 12 000 € du Conseil constitutionnel et les diverses pensions qu’il touche (maire de Paris, député de Corrèze… et président de la République, essentiellement) il aurait, avec 31 000 € mensuels une situation plus confortable que « beaucoup de monde en France »…
On sait Jean-Louis Debré pour le moins en froid avec Nicolas Sarkozy. La présidence du Conseil constitutionnel lui a été offerte par le président Chirac. Une délégation de l’opposition s’est récemment rendue auprès du président du Conseil constitutionnel, qui aime tant qu’on s’intéresse à lui. Il est vraisemblable que les frères ennemis Valéry Giscard d’Estaing et Jacques Chirac s’unissent pour donner tort à Brice "de Clermont" Hortefeux (ou à Nicolas Sarkozy, si l’on préfère…). Sauf si les liens locaux ou… génétiques qui unissent Giscard à Hortefeux sont plus forts que la raison.
Fabien Abitbol, dessin de Placide (archives du dossier Jacques et Bernadette)
⇒ Le bilan 2007 du Conseil constitutionnel (mise à jour régulière)
⇒ La dépêche AFP sur les tests ADN en examen
⇒ Les sujets des correspondants parisiens de La Libre Belgique de leur blogue sur Jacques Chirac sont ici.
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