Ils étaient partis ce matin, officiellement pour rencontrer Idriss Deby
La justice tchadienne a remis en liberté dimanche à N'Djamena les trois journalistes français et les quatre hôtesses de l'air espagnoles impliqués dans l'affaire de « L'Arche de Zoé », a annoncé en ce début d’après-midi une dépêche de l’agence Reuters. Le président Sarkozy et la secrétaire d’Etat aux Droits de l’Homme Mme Yade-Zimet étaient partis ce matin, peu après 9h, officiellement pour rencontrer le président tchadien. Leur avion est de retour vers la France, avec les trois journalistes français. Les autorités espagnoles ont précisé que les hôtesses de l’air devaient rentrer dans l’avion de la République française.
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Photo extraite du documentaire réalisé par Marc Garmirian (agence Capa) entre le 17 et le 25 octobre 2007 d'un membre de l'Arche de Zoé avec un enfant et diffusé cet après-midi sur M6. (Photo Marc Garmirian/AFP/CAPA)
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Le 28 octobre, le président Sarkozy avait jugé l’opération de l’Arche de Zoé « illégale et inacceptable ». Cela ne l’aura pas empêché de faire l’aller-retour dans la journée pour revenir avec les journalistes français et les hôtesses espagnoles, alors que ces sept personnes n’étaient pas encore innocentées par la justice tchadienne. Et des doutes planaient sur le statut des journalistes, bien entendu non entrés dans le pays uniquement à ce titre, et notamment à l’encontre de l’une d’elle, de France 3 Méditerranée, qui était en congés humanitaire, mais à qui le rédacteur en chef avait fourni une caméra appartenant à la rédaction… Ce qui a longtemps fait parler diverses personnes de « deux journalistes » et seulement ces derniers jours de trois… Pour Reporters sans frontières (RSF), il y en avait deux le 28 octobre ; aujourd’hui, l’organisation exprime « joie et soulagement » après la libération des journalistes, qui se sont enrichis de la consœur de France 3 Méditerranée. Dans certains pays, il est bon de ne pas se déclarer journaliste…
Le directeur général adjoint à France 3, Paul Nahon, arrivé à N'Djamena en même temps que le représentant de RSF et celui de Capa, a souligné que Marie-Agnès Peleran, de France 3 Méditerranée, « faisait son travail de journaliste » lorsqu'elle a été arrêtée. « Elle n'a jamais menti sur sa venue au Tchad et ne fait pas partie de l'Arche de Zoé. Elle est venue en congé sans solde », a-t-il déclaré.
Plusieurs magistrats tchadiens ont manifesté aujourd'hui, sous couvert de l'anonymat, leur mécontentement devant la libération des quatre hôtesses de l'air espagnoles et des trois journalistes français dans l'affaire de l'Arche de Zoé, dénonçant - sans davantage de précisions - des « pressions politiques ».
L'Afrique de papa…
« On nous a demandé dès samedi d'accélérer la procédure pour les libérer dimanche », a déclaré un magistrat tchadien qui a requis l'anonymat, joint depuis Libreville, au Gabon. « Nous avons expliqué que cela n'était techniquement pas faisable, et que pour rendre cette libération éventuelle conforme à la procédure, tant sur le fond que dans la forme, nous avions besoin d'au moins jusqu'à mercredi », a-t-il ajouté, avant d'affirmer d’un ton péremptoire : « les pressions politiques ont été trop fortes ». De source judiciaire, on indique que les ordres sont arrivés « du sommet de l'Etat » tchadien.
« C'est fini l'Afrique de papa ! », avait pourtant lancé mercredi en plein hémicycle la jeune Ramatoulaye Yade-Zimet, relayée ici par le journal suisse Le Matin. Comment en est-on arrivé à un dénouement si rapide, alors que le juge d'instruction de N'Djamena, chargé du dossier de la tentative de transport de 103 enfants du Tchad vers la France, n’a entamé qu’hier les auditions d'Européens et de Tchadiens inculpés dans ce dossier ? Sans doute parce qu’une « cellule de crise a été réunie autour du président Idriss Deby », comme on dit si bien dans les milieux diplomatiques. Ainsi, bien qu’inculpés de « complicité d'enlèvement de mineurs », les journalistes et les hôtesses ont été remis en liberté. Et ce en un temps record.
Le président tchadien Idriss Deby Itno avait « souhaité » jeudi que les journalistes et hôtesses « soient libérés ». Tout en précisant qu’il laissait la justice tchadienne suivre son cours. Mais voilà que, samedi, il réunissait une « cellule de crise », comprenant notamment le Premier ministre et le ministre de la Justice !
Ce matin, le consul d'Espagne à Yaoundé (Cameroun), Vicente Mas, se disait confiant que l'équipage de l'avion, composé de sept Espagnols, serait rapidement remis en liberté. Il n’a eu qu’à moitié raison. Le médiatique avocat français des bénévoles de l'Arche de Zoé, Me Gilbert Collard, arrivé samedi au Tchad, a indiqué qu'il espérait rencontrer « mercredi ou jeudi » les neufs Français détenus à N'Djamena. Il lui en manquera trois. Il avait aussi dénoncé une « cabale » menée par les organisations humanitaires à l’encontre d’un « concurrent » lors de la prolongation de la garde à vue.
L'avocat de l'Etat tchadien, Me Philippe Housseini, a indiqué à l'AFP qu'après les auditions, le juge transmettra le dossier au parquet pour les réquisitions. « Au vu de ces réquisitions, le juge procédera soit à un renvoi (devant la justice) soit prononcera un non-lieu », a-t-il précisé. Car ce qui a été prononcé ce dimanche à la va-vite n’est qu’une levée de mandat de dépôt (avec autorisation de quitter le Tchad), mais ne signifie en rien la fin de l’enquête…
Même si, selon le président Sarkozy, l’affaire de l’Arche de Zoé « n’a rien à voir » avec la présence militaire européenne au Tchad, l’affaire reste encore entre les mains de la justice. Et la secrétaire d’Etat aux Droits de l’Homme (dont on dit au sein de l’UMP qu’elle pourrait être tête de liste dans un arrondissement de l’Est parisien aux prochaines municipales) n’a pas manqué de rappeler que « Le Tchad est un Etat souverain et la France respecte sa souveraineté ».
Le pire est que l’électorat est capable d'y croire… alors que la Françafrique est loin d'être finie, et ce n’est pas le décès de Bob Denard qui y changera quoi que ce soit. Des réseaux existent encore partout et de tous bords. Pour preuve, la fiche wikipédia du député socialiste français cité dans l’Affaire Kieffer a été modifiée récemment depuis une adresse IP correspondant à l’Assemblée nationale et, ce 4 novembre encore, à 18h32, heure à laquelle revenait (du Tchad vers l'Espagne) l’avion présidentiel. Sinon, ce site n’aurait plus de raison d’exister, et cette rubrique non plus !
Enfin, sans Cécilia, Nicolas Sarkozy se montre (ou s’impose, ou les deux…) une fois de plus en « sauveur », et justifie ainsi (par avance) la faramineuse augmentation de ses émoluments… Et là, au moins, il ne pourra pas être critiqué en cas d’ouverture d’une commission d’enquête parlementaire. A moins de se défausser sur sa secrétaire d’Etat.
L'avion présidentiel devrait arriver vers minuit à l'aéroport de Vélizy-Villacoublay, après son escale espagnole. De belles images en perspective pour nos journaux télévisés de 13 heures, qui feront oublier (pour un temps) un mois de novembre qui s'annonce socialement lourd. Une journée, peut-être, sans parler du prix des carburants ? Quoi que… Mme Lagarde étant l'invitée de Jean-Pierre Elkabach demain matin, on y aura peut-être droit !
Fabien Abitbol
A lire :
⇒ Tchad : 103 enfants africains victimes d’une tentative d’enlèvement par la Françafrique humanitaire, publié le 29 octobre sur Afrikara
⇒ Paris dans le piège tchadien, dans l’Obs du 1er novembre
⇒ Rencontre Deby-Sarkozy à N'Djamena, sur Afrik.com
⇒ Kouchner et les branquignols de l’Arche de Zoé, dans Le Point en ligne du 2 novembre
⇒ Le très sélect club des minorités, dans Le Nouvel observateur du 30 août
⇒ Les dernières cartouches de Deby, dans Le Point du 30 novembre 2006
⇒ Rama Yade et « L'Afrique De Papa » : FDGC, sur « Vive Le Feu ! » le blog AJT de Sébastien Fontenelle
Pauvre monsieur Kouchner… Il aura loupé les images. c'est bête !
Rédigé par : Ouéla Kamera | 05/11/2007 à 13h38