La France s'est attirée lundi les reproches de l'AIEA et de l'Iran pour avoir parlé de « risques de guerre » avec Téhéran s'il refuse de renoncer à son programme nucléaire. Ces déclarations provoquent de nouvelles divisions au sein de l'Union européenne.
« Nous devons toujours nous souvenir que l'usage de la force ne peut être envisagé (que quand) toutes les autres options sont épuisées. Je ne crois pas du tout que nous en soyons là », a déclaré le directeur général de l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA), Mohamed ElBaradei, à la presse au premier jour de l'assemblée générale de l'AIEA à Vienne. « Nous avons affaire à un dossier très lié à la paix, à la sécurité et à la stabilité régionale au Proche-Orient et c'est pourquoi je demanderai à tout le monde de ne pas se laisser emporter jusqu'à ce que nous soyons parvenus au bout de la procédure » de vérification, a-t-il souligné.
« Se préparer au pire »
Sur la base des dernières inspections menées par l'AIEA en Iran, « j'ai clairement signifié que je ne voyais pas en ce moment de danger clair concernant le programme nucléaire iranien », a ajouté le prix Nobel de la paix 2005, auquel certains pays occidentaux reprochent une position trop accommodante envers Téhéran.
Dimanche, le ministre français des affaires étrangères Bernard Kouchner avait estimé que le monde devait se « préparer au pire », c'est à dire à la possibilité d'une « guerre » avec l'Iran. Il a demandé des sanctions européennes, tout en appelant à « négocier jusqu'au bout » pour éviter que Téhéran ne se dote de l'arme atomique. Le premier ministre français François Fillon a renchéri lundi en évoquant une « tension extrême dans la relation entre l'Iran et ses voisins, dans la relation avec Israël ». Selon lui, « la menace que fait peser sur le monde l'existence d'une arme iranienne nucléaire est réelle ».
Copier la Maison Blanche
Le vice-président iranien, Reza Aghazadeh a déploré lundi devant l'AIEA le fait que les pays occidentaux « ont toujours choisi la voie de la confrontation à la place de la compréhension et des relations cordiales envers la grande nation de l'Iran ».
A Téhéran, le porte-parole de la diplomatie iranienne Mohammad Ali Hosseini a pour sa part jugé que les déclarations de M. Kouchner « concordent avec la position de la puissance dominante (les Etats-Unis, ndlr.) » et de ce fait « portent atteinte à la crédibilité de la France devant les opinions publiques mondiales ».
La première réaction de Téhéran dans la matinée avait été beaucoup plus virulente. Le président Nicolas Sarkozy « veut aujourd'hui copier la Maison Blanche », écrivait l'agence officielle IRNA en ajoutant que « cet Européen s'est mis dans la peau des Américains et imite leurs hurlements ». M. Hosseini s'est montré plus mesuré, en « espérant que ces déclarations soient de pure forme et ne correspondent pas aux positions réelles et stratégiques de la France ».
Divisions européennes
La politique de Paris envers l'Iran s'est nettement durcie et rapprochée de la ligne de Washington depuis l'arrivée au pouvoir de M. Sarkozy, suscitant des réactions mitigées chez les partenaires européens de la France. Mais si les Britanniques sont déjà partisans d'un durcissement de la position de l'UE face à Téhéran, et si les Pays-Bas se sont dits prêts lundi à des sanctions européennes en cas de désaccord à l'ONU, les autres Européens ne sont pas tous convaincus.
L'Allemagne et l'Autriche ont notamment critiqué lundi l'emploi du mot « guerre » par M. Kouchner. Ursula Plassnik, la cheffe de la diplomatie autrichienne a ainsi jugé « incompréhensible » que son homologue français « ait eut recours à une rhétorique martiale en ce moment ».
Les cinq membres permanents du Conseil de sécurité doivent se réunir le 21 septembre à Washington pour envisager un troisième train de sanction contre Téhéran.
© Agence télégraphique suisse (ATS)
A lire : USA/INDE/FRANCE/IRAN : nucléaire de partout, de Elisabeth Studer (3 mars 2006), sur Le blog finance
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