Elle officie à Paris, rue du Surmelin (20e)
Célia Surget a pris hier ses fonctions dans une synagogue libérale de Paris. Le rabbinat au féminin est courant aux États-Unis. Mais dans l'Hexagone, son ordination intervient dix-sept ans après celle de Pauline Bebe.
C'est lors d'une messe catholique qu'est née la vocation de Célia Surget. « J'ai voulu faire comme le prêtre, mais pour les juifs », explique celle qui vient de recevoir des mains du rabbin Marc Winer, la semikha (ordination rabbinique) à Londres, pour le Mouvement juif libéral de France (MJLF). Un mouvement qui revendique quelque 13 000 familles cotisantes en France, réparties sur une quinzaine de communautés.
Âgée de 29 ans, célibataire et d'origine franco-américaine, la jeune femme - qui a grandi dans un environnement familial juif libéral - sort d'un tunnel de sept années d'études intensives en Israël, aux États-Unis, puis au Leo Baeck College de Londres. Elle a débuté officiellement sa mission hier, comme « rabbin référent » de la synagogue de la rue du Surmelin, dans le 20e arrondissement parisien.
Premier objectif : préparer Roch Hachanah, le nouvel an juif, pour la mi-septembre. Pour elle, cependant, « impossible de prévoir un emploi du temps régulier. Je vais bien avoir un bureau pour recevoir et préparer mes enseignements, mais chaque jour va m'apporter son lot d'imprévus ».
La première femme juive libérale a été ordonnée en 1935, à Berlin. Il a ensuite fallu attendre 1972, aux États-Unis. Aujourd'hui, elles seraient 800 à travers le monde, dont 500 dans le mouvement libéral, et jusqu'ici une seule en France : Pauline Bebe, qui officie au centre communautaire Maayan, à Paris.
Célia porte toujours une jupe lorsqu'elle officie devant les fidèles sous la habima (sorte d'estrade). Mais elle revêt par conviction religieuse la kippa et le taleth (châle de prière) dans ce même environnement religieux, sans pour autant chercher à copier ses homologues masculins. « Être rabbin est aussi un métier de femme. Nous apportons notre sensibilité propre et en fin de compte, la mixité devient une véritable richesse pour la communauté. »
« La communauté a réfléchi à la question de l'égalité »
En dehors du MJLF, minoritaire au sein de la communauté juive de France, « madame le rabbin » sait cependant que ses responsabilités ne sont pas reconnues. L'hostilité est même franche dans les milieux orthodoxes. « Pas question pour moi de les provoquer ! Chacun ses convictions », dit-elle en se voulant conciliante.
Pauline Bebe, auteur d'un livre sur les femmes et le judaïsme (1), a essuyé « pas mal de plâtres » après son ordination. Elle estime pourtant que sa consœur devrait rencontrer « moins de difficultés ». « En dix-sept ans, dit-elle, les esprits ont évolué et la communauté a beaucoup réfléchi à cette question de l'égalité. »
De son côté, Francis Lentschner, président du MJLF, se réjouit de cette ordination, « très bien accueillie dans la communauté juive libérale ». « Dans les textes, soutient-il, rien n'empêche à une femme de devenir rabbin. Et elle n'est pas pour nous un objet de séduction, parfois impure, toujours à maintenir à distance lors des prières. » Peu lui importe, à lui aussi, que cette position « iconoclaste » suscite toujours l'ire de certains. « Le judaïsme libéral, dit-il, a pour tradition de bousculer les habitudes. »
© Sophie de Ravinel, Le Figaro du 2 août 2007
(1) « Dictionnaire des femmes et du judaïsme », chez Calmann-Lévy.
Notes :
• Le rabbin Célia Surget est née à Genève le 30 mars 1978 ; elle parle aussi bien le français que l’anglais, et également l’hébreu et l’allemand. Elle a commencé ses études à l’université de Genève, d’où elle est sortie diplômée en histoire des religions, en hébreu et en philosophie. Elle a ensuite suivi un cursus rabbinique, au Hebrew Union College à Jérusalem et à New York, puis au Leo Baeck College, à Londres, où elle a été ordonnée le 1er juillet 2007, en même temps qu’une autre femme.
Elle enseigne dans des Talmudé-Tora depuis de nombreuses années, a été responsable de programmes pour les enfants à New York et à Londres, et a animé plusieurs colonies et voyages de jeunes, y compris pour le Mouvement juif libéral de France (MJLF). Elle a parallèlement travaillé dans plusieurs synagogues, tant à New York qu’à Londres, et a fait un stage d’une année à la West London Synagogue. En stage pendant un an au MJLF, ainsi que dans deux autres communautés libérales, à Paris et à Lyon, le rabbin Célia Surget a rejoint l’équipe rabbinique du MJLF à l’été 2007.
Photo de Célia Surget étudiante : Union juive libérale de Lyon
• Jusqu’à présent, Pauline Bebe était la seule femme rabbin en France. Fondatrice, en 1995, de la Communauté juive libérale d'Ile-de-France, elle a ouvert en avril 2006, dans le 11e arrondissement, une Maison du judaïsme libéral. Pauline Bebe est l’auteur de trois ouvrages. Elle tient également le site Le rabbin Pauline Bebe répond à vos questions. Pour lui en poser, cliquer ici. Sa fiche wikipédia est là.
Pour en savoir plus sur le judaïsme libéral, cliquer ici.
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