Parti socialiste . Reportage dans la section de Paris 20e, qui part divisée aux législatives. L’échec du 6 mai a précipité les clivages, sur fond de bilan critique de la campagne de Ségolène Royal.
Conséquence inattendue du résultat de la gauche à l’élection présidentielle : depuis jeudi, la section du PS du vingtième arrondissement de Paris est déchirée. À l’élection législative, le 10 juin prochain, deux candidatures se réclamant des valeurs socialistes se présenteront aux électeurs.
L’arrondissement le plus à gauche de Paris
Jeudi soir, lors d’un meeting dans cet arrondissement, le plus à gauche de Paris où Ségolène Royal a obtenu 64,6 %, Michel Charzat, député sortant et maire du vingtième, a rendu publique sa candidature, contre l’avis des instances nationales du PS qui lui ont préféré George Pau-Langevin, candidate originaire des Antilles représentant la « diversité ». À l’issue d’une rude bataille, le député sortant avait, l’an dernier, jeté l’éponge et s’était rangé à l’avis de la direction du PS. C’était avant l’échec de Ségolène Royal, le 6 mai dernier. « La gauche devait gagner », estime Michel Charzat, qui voit dans sa « mise à l’écart » et dans celle de sa suppléante, Sophia Chikirou, le symbole des « diktats d’un appareil » coupé de la société. Proche de Laurent Fabius, il reproche au PS de n’avoir pas su déployer dans la campagne « la même cohérence que la droite sur les questions du pouvoir d’achat, du logement, de la politique industrielle... »
Une campagne réactive mais « déstructurée »
Des critiques que partagent les militants venus le soutenir. « À la fin, on connaissait par cœur le programme de Sarkozy... On ne peut pas en dire autant de Ségolène Royal », estime Michaël, trente-trois ans. Ce proche des animateurs de la « gauche » du parti a voté Dominique Strauss-Kahn aux primaires parce qu’il était « notre meilleure chance de battre Sarkozy ». Pour autant, pas question de « taper sur la candidate ». « Le problème est dans le manque de clarté du programme », mais aussi dans la demande de « tour de vis » que les Français ont exprimé en désignant Sarkozy. « Il a tapé dans le mille », soupire Michaël. Pour Pierre, enseignant-chercheur, la campagne « a été menée de manière très personnelle. On a privilégié l’image fédératrice de la candidate et un discours de la méthode qui a ses vertus », estime-t-il, à condition d’être « secondé par une vision politique claire et un discours de l’action ». Pour lui, cela n’a pas été le cas. « Sur les marchés, nous étions en difficulté pour argumenter. Pour être réactive, la campagne a été déstructurée. Cela a été un mauvais calcul, face à un adversaire martelant des choses simples mais apparaissant comme "justes" », analyse-t-il.
Laurent, trente-quatre ans, se présente comme un de ces « militants à vingt euros », qui ont cliqué sur Internet pour participer aux primaires socialistes, moyennant une cotisation symbolique. Il ne cache pas sa « grosse déception ». « Je suis allé au bout d’une stratégie en soutenant Ségolène Royal, les résultats montrent aujourd’hui que ce n’était pas la bonne. » Laurent veut désormais passer a à autre chose, « revenir aux fondamentaux, m’intéresser à ce qui se passe sur ma gauche. On s’est déterminé à partir des sondages. Cela sonne creux. J’attends de la gauche qu’elle me propose de brandir à la fenêtre ma carte de Sécu plutôt que le drapeau français... » Retraitée, Danielle a « voté Ségolène seulement parce qu’il fallait battre Sarkozy... On n’avait rien à proposer. Sur chaque question, on a dit : "on fera une réunion"... » « Ségo, c’est un gros coup de pub », résume Nadia, de « la poudre aux yeux » comme « le débat avec Bayrou », convaincue que « le résultat aurait été le même ». Pourtant, elle n’en veut pas à Ségolène Royal, qui « est partie de loin » et a fait « un score honorable ». Mais « les militants ont été mis devant le fait accompli ». Pour elle, « une refondation est indispensable, sinon c’est la mort du PS ».
« Responsabilité collective » de l’échec
Du côté des George Pau-Langevin, où l’on s’interroge aussi sur les causes de la défaite, on regrette « l’instrumentalisation » du résultat du 6 mai pour justifier la dissidence de Michel Charzat. « L’heure est au rassemblement. La gauche n’a pas besoin de division supplémentaire, tout cela est regrettable », estime la candidate « officielle ». Saluant « la performance de Ségolène Royal », elle entend situer sa campagne législative « sur une ligne de gauche », dans le prolongement du regain de politisation des quartiers populaires où « les gens sont revenus vers nous ». Yannis-Paul évoque une « querelle illégitime », rappelant « la responsabilité collective » du PS dans l’échec. « À mon avis, le programme du parti n’était pas assez à gauche », déplore-t-il. Et « l’approche participative a été à la fois une bonne et une mauvaise chose. Cela nous a privés de savoir quoi répondre aux gens, sur les retraites par exemple... » Hamidou, lui, estime qu’il ne faut pas « mélanger les choses ». « Si Ségolène avait gagné, personne n’aurait eu de souci pour s’en réclamer. On ne peut pas changer les règles du jeu en cours de route. Il faut aller jusqu’au bout et permettre d’élire le maximum de députés de gauche. On fera le bilan après. »
© Sébastien Crépel, pour L’Humanité du 12 mai 2007
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