L'éditorial du Journal du Dimanche
Les outrances des derniers jours n'y changeront rien : on peut se féliciter de la qualité des échanges qui ont précédé ce 6 mai décisif et peut-être historique. De la richesse des deux personnalités qui sollicitent, aujourd'hui, les suffrages de leurs compatriotes. De l'intérêt que chacun a su susciter chez les 45 millions d'électeurs de ce pays.
Dieu sait pourtant qu'ils (les Français) en avaient des raisons de se lasser, avant l'heure, de ce duel trop attendu. Voilà un an qu'on leur annonçait, serinait, claironnait - nous, les médias, les premiers - que cela finirait ainsi (entre parenthèses, on n'avait pas vraiment tort !). Qu'il n'y avait pas d'autre choix. Que l'affaire était bouclée. Au point qu'ils avaient, un temps, fini par se révolter contre ce scénario trop annoncé. Jusqu'à assurer la promotion puis la montée en puissance surprise d'un troisième homme jugé un temps susceptible de troubler l'ordre établi. Puis tout est revenu dans une sorte d'ordre: un bon vieux droite contre gauche. Parce que Ségo et Sarko sont les représentants des deux principaux partis du pays. Encore que la triste expérience de 2002 ait amplement démontré que ce n'était pas une garantie d'accès au second tour... Parce que, surtout, ils ont, tous les deux, fait preuve de qualités particulières. Deux notamment.
• La force dans l'adversité. Ils ont été, logiquement, les plus attaqués. De façon souvent exagérée, même si ce n'était pas toujours à tort. L'un pour ses colères et son degré de « dangerosité » supposé. L'autre pour son manque de préparation, ses improvisations parfois hasardeuses et son niveau d'« incompétence » lui aussi supposé. Ils en ont bavé. Ne serait-ce que pour s'imposer dans leur camp respectif qui ne leur voulait pas que du bien. Ils se sont battus. Ils y sont arrivés.
• Une façon nouvelle de faire de la politique. La preuve éclatante, décernée par les deux quinquas, que plus n'est besoin de ramasser obligatoirement deux gamelles (comme Mitterrand ou Chirac) pour prétendre enfin accéder à la magistrature suprême. Le « parler-vrai » - et fort - pour le premier, la « démocratie participative » pour l'autre. La droite décomplexée pour Nicolas, la gauche en voie de modernisation pour Ségolène. La pugnacité - voire plus… -, la détermination et quelque chose qui ressemble à du culot pour les deux. Ils sont tombés d'accord pour affirmer que leur « match » avait constitué un intense et vrai moment de démocratie. Ils ont raison. Ils ont chacun ajouté qu'en cas de victoire ils feraient ce qu'ils avaient dit. Ils ont intérêt.
Jacques ESPERANDIEU, directeur de la rédaction du JDD
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Ardéchois de 58 ans, Jacques Epérandieu (« Espé », dans le métier) est un homme fidèle en amitié, curieux, têtu, irritable (« mais pas rancunier », dit-il…). Il a notamment travaillé au quotidien économique « Les Echos », à l’hebdomadaire « L’Express » (nous avons collaboré occasionnellement, voici une vingtaine d’années, alors qu’il était responsable, au sein du « service France » du « service Enquêtes et investigations ») et pendant dix ans au « Parisien » (rédacteur en chef les deux premières années puis directeur adjoint de la rédaction).
Il est régulièrement invité le dimanche soir sur i>Télé (la chaîne tout info du Groupe Canal +) pour donner son point de vue sur l’actualité politique, son hobbie, le "métier" qu'il ferait s'il quittait le journalisme (en temps ordinaire, la première diffusion de i>Politique a lieu à 20h35).
En 2001, pour « Le Parisien », il avait dressé un portrait de Bernard Tapie, qui annonçait la publication prochaine d’un ouvrage intitulé « Jospin, non merci ! ». Déjà, l'homme d'affaires tombé dans la politique voulait tourner le dos au PS… Lire ici le portrait de Jacques Espérandieu peu après son arrivée à la tête du JDD.
F. A.
Photo © JDD
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