Un homme de tous les fronts
Noël Copin s’est éteint ce week-end à l’âge de 77 ans. Longtemps président de Reporters sans frontières, journaliste tant de télévision que de presse écrite, il avait fini sa carrière à La Croix, qui lui a rendu ce dimanche un hommage. Bruno Frappat, président du directoire du Groupe Bayard-Presse aussi.
Un journaliste marqué par l'esprit de résistance
par Ivan Levaï
Ivan Levaï et Noël Copin ont fréquenté les mêmes sphères politiques. Ces deux éditorialistes talentueux avaient une conception assez proche d'un journalisme exigeant, distancié.
Licence de philosophie en poche, il avait fait ses classes à L’Est républicain de Nancy au moment précis où Pierre Mendès France gouvernait la France. Comme Mendès, il aurait voulu comprendre, douter, sans jamais désespérer ni des hommes ni de la politique et s’impliquer dans la recherche passionnée de la vérité.Je l’ai connu plus tard quand il était déjà chef du service politique de La Croix et une signature respectée, reconnue, aussi bien par les hommes politiques de toutes tendances qui gouvernaient ou aspiraient à diriger la France. J’avais été frappé par le calme et le caractère raisonnable de ses éditoriaux, un calme qui n’avait rien à voir avec la plate neutralité des commentaires prétendument apolitiques qui fleurissaient alors dans la presse droitière et populiste, celle qui, sous prétexte de non-engagement, caressait le poil d’une France, dite profonde, mais en réalité superficielle et docile. Noël, lui, ne doutait pas de la politique et les batailles idéologiques des années 1960 et 1980 ne lui faisaient pas peur.
La douceur de Noël Copin, son humanisme profond
Il participait aux débats, à tous les débats, en bon chrétien, avec ses doutes et les certitudes nourries de sa forte croyance. Ce n’est que plus tard, bien après les bagarres du programme commun de la gauche et la chute du Mur de Berlin, qu’il écrivit sa Lettre aux chrétiens qui ont le blues et sur Vatican II retrouvé. Sa façon de lire, d’écouter puis d’analyser pour les lecteurs de La Croix conduisirent en effet les patrons de la télévision à le nommer à des postes de responsabilités au moment où la France balançait entre le libéralisme de Giscard et le socialisme de Mitterrand.Ses fonctions de directeur de l’information à Antenne 2, puis d’éditorialiste à TF1 ne lui plurent qu’à moitié. Au moins lui permirent-elles de vérifier que le commerce des idées et l’expression des engagements s’accommodent mal des pesanteurs de nos grandes entreprises de divertissement. Lui, si pudique, si secret, me dit un jour, à mi-voix, son découragement et son bonheur de retrouver sa place à La Croix. Devais-je lui dire que sa sagesse, son calme, sa distance critique, détonnaient quelque peu dans les médias électroniques où il convient on le sait de se montrer guilleret ou larmoyant en fonction des sentiments supposés du plus grand nombre.
La douceur de Noël Copin, son humanisme profond, sa croyance dans le progrès lent et constant de la civilisation avait mieux à faire dans la médiation, les combats de Reporters sans frontières, ou ceux de la commission de réflexion sur la justice. C’est là, me semble-t-il, que, journaliste crucifié par le génocide au Rwanda, il trouvera les meilleurs moyens de s’employer, de s’exprimer. C’est là, comme autrefois dans ses éditoriaux de La Croix, qu’il a pu, selon le mot de Max Weber, allier l’éthique de ses convictions à l’éthique de ses responsabilités. Quelques confrères n’ont pas apprécié son ton mesuré, l’ont jugé triste et me l’ont dit. Dieu sait que Noël ne l’était pas, je peux en témoigner, même si bonjour tristesse vaut pour aujourd’hui.
Les journalistes du siècle dernier étaient des êtres bien singuliers. Ils tenaient le monde à distance. Et les hommes aussi, qu’ils soient grands ou petits, pour mieux les comprendre, les aimer, et dans tous les cas les respecter. Noël Copin appartient à cette génération marquée par la presse de l’après-guerre et par conséquent l’esprit de résistance tel que l’incarnèrent Kessel, Camus, Mauriac et tant d’autres moins connus ou de moindre talent.
Ivan LEVAÏ
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Noël Copin en quelques dates
(Source : La Croix)
• Une carrière au service de l’information écrite et audiovisuelle et de la liberté de la presse
1954-1955 : rédacteur au quotidien L’Est républicain.
1955-1977 : rédacteur (jusqu’en 1967) puis chef du service politique de La Croix.
1977-1981 : chef du service politique intérieure d’Antenne 2 où il exercera aussi en 1981 les fonctions de directeur de l’information puis, jusqu’en novembre 1982, de rédacteur en chef, chargé du service politique.
1982 : rédacteur en chef de La Croix-L’Événement puis, de 1985 à 1994, directeur de la rédaction du quotidien.
Depuis 1991 : vice-président du comité liberté de l’information, développement de la communication de la Commission française pour l’Unesco.
1994-2003 : président de Reporters sans frontières France, dont il devient président d’honneur à dater de juin 2003. Le message de Reporters sans frontières est ici. Lire également L'Humanité du 17/10/1995 « Noël Copin : l’information n’est pas un produit ».
1998-2005 : médiateur de Radio France Internationale (RFI).
Depuis 2006 : membre du comité d’éthique du ministère des affaires étrangères.
Son installation au Quai d'Orsay (en novembre dernier) est relatée là (le site n'a pas été mis à jour pour son décès).
• Ses ouvrages
Noël Copin fut l’auteur de plusieurs ouvrages consacrés à la politique, à l’histoire de la presse et de ses grandes figures comme au domaine de la religion et de la spiritualité. Sa culture, sa connaissance des institutions et son indépendance d’esprit s’illustraient dans un style clair et passionné.
Georges Montaron, quoi qu’il en coûte, aux Éditions Stock (1975).
Alfred Grosser, la passion de comprendre, au Centurion (1977).
La Vie politique française, aux Éditions ouvrières (1978).
Je doute, donc je crois, chez Flammarion (1996).
Le Pari de la presse écrite, ouvrage collectif chez Bayard Éditions- Le Centurion.
Lettre aux chrétiens qui ont le blues, aux Éditions Desclée de Brouwer (2001).
Vatican II retrouvé, aux Éditions Desclée de Brouwer (2003).
ah flûte !!...j'étais copine avec sa fille...
je sais, tout le monde s'en fiche mais pas moi !
Rédigé par : Valérie | 04/03/2007 à 22h53
Valérie,
je suis désolée pour toi et pour ta copine. Un cancer à 77 ans pardonne rarement. Noël Copin jouissait du respect de la profession. Je suis simplement surpris que le quai d'Orsay n'ait pas encore réagi...
Rédigé par : Fabien | 04/03/2007 à 23h32