Pioché sur le site de Denis Robert, qui a publié en janvier La Domination du monde et dont le site éponyme a publié hier le sujet suivant, qui en dit long sur l’état de la justice française…
Bienvenue à SarkolandCe matin, j’ai reçu un mail de Placid. Il avait réalisé la couverture de mon livre « le milieu du terrain ». Auparavant, il avait dessiné celle d’un petit guide très instructif sorti en 2001 qui avait pour titre « Vos papiers ! » et pour sous-titre « Que faire face à la police ? ». Le syndicat de la magistrature et un de ses membres Clément Schouler avait aidé à la publication de cet ouvrage. Le livre, paru en 2001, a été l'objet d'une double plainte (diffamation et injure) de la part de Daniel Vaillant, alors ministre de l'Intérieur. Placid, l’éditeur [Michel Sitbon, L’Esprit frappeur, placé en garde à vue dans le 20e en 2002, NDLR] et l’auteur avaient été relaxés en première instance. Le parquet a fait appel. Le 23 novembre 2006, à son procès, Placid s’est défendu seul sans avocat. Le jugement vient d’être rendu. « J’ai été condamné à 500 euros d'amende pour "injures publiques envers une administration, en l'occurrence la police nationale" » nous apprend Placid. Michel Sitbon, est condamné à 800 euros d'amende pour complicité et Clément Schouler, à 1000 euros à cause d'une phrase dans sa préface où il explique qu’ en France les contrôles d'identité aux faciès se multiplient… « Clément Schouler et son avocat ont fait un pourvoi en cassation. Je ne sais pas faire ça, ça me gonfle de m'occuper de quoi que ce soit, je me contente de faire cette lettre. Et pas particulièrement pour vous demander conseil, juste pour que l'information circule » écrit Placid qui poursuit : « Pendant ce procès en appel, je me suis défendu. J'ai produit des photocopies d'œuvres de dessinateurs célèbres pour leurs portraits ou caricatures de policiers (Siné, Cabu, etc.). Ce qui semblait m'être reproché était le nez retroussé du policier, proche du nez d'un cochon. J'ai aussi produit des exemples de ma production de dessins, où on peut voir des "nez de cochon" sur toutes sortes de personnages (…). J'ai enfin montré l'exemple d'une illustration que j'ai faite peu avant dans un magazine pour lycéens, où j'avais représenté une policière sympathique » Puis, Placid d’expliquer : « Ce que j'ai appris aussi, c'est l'intervention de Nicolas Sarkozy dans le procès Charlie Hebdo récent. La comparaison est simple : je suis condamné pour une image, suite à une plainte initiée par le ministère de l'intérieur, patron actuel : Sarkozy. Je ne cherche pas la bagarre. Je sais juste qu'une amende de 500 euros est plus compliquée à supporter pour moi qu'une amende de 500 000 Euros pour, disons, un responsable de Elf ». Il y a en ce moment un glissement brutal et visible vers la censure et la démesure dans la censure et l’injustice dans ce pays. L’affaire Placid intervient au lendemain de la plainte initiée par le Parquet de Paris contre un pauvre blogger qui n’avait fait que reproduire les notes confidentielles de Rondot ou le PV de Van Ruymbeke. Ces PV avaient déjà été largement publiés par le Monde, le Figaro, l’Express, le Point, etc… Aucune plainte n’a été déposée contre ces journaux. De la même manière, mon éditeur et moi sommes poursuivis au Luxembourg et à Paris par les banques ou par Villepin pour avoir chercher à écrire la vérité dans les affaires Clearstream, mais égratigné des édiles. Tous ces journaux qui, plus ou moins outrageusement, roulent pour Sarkozy sont là aussi épargnés. Tant mieux pour eux. J’indique qu’ une fois de plus le pouvoir, dans toute son hypocrisie et son aveuglement, tape sur le supposé faible. Ce pouvoir n’est pas anonyme. Il s’agit de la Chancellerie, du parquet général, du parquet de Paris et de tous ces magistrats au mieux procéduriers, au pire, rampants. Il s’agit du Ministère de l’Intérieur et de ses zélés sous-fifres, qui font campagne en ce moment pour l’édification d’un Sarkoland géant. Comme Placid, je suis troublé de voir les principaux leaders politiques de ce pays, et tous ces intellectuels en goguette et la plupart du temps sans courage, défiler pour sauver l’honneur du malheureux Val et de Charlie Hebdo au procès des caricatures. Devant les caméras de TF1, de France télévisions, etc… Et oublier le reste. La vraie censure est en marche. Elle est perfide, efficace et économique. Elle défend l’honneur des multinationales, des vedettes du foot ou du show biz et des premiers ministres. Elle s’attaque aux petits éditeurs, aux dessinateurs sans ressources, aux écrivains et aux journalistes indépendants. Elle use et abuse de mises en examen et de frais de procédure. Elle s’opère méthodiquement dans le silence des tribunaux, des campagnes électorales. Et des journaux. Elle est en train de gagner la partie.
Source : le blogue de Denis Robert.
Pour information, chers confrères, après avoir publié une série de sujets dans « Le Monde » en 1986 sur des affaires de financement de partis politiques à la Guadeloupe (essentiellement le RPR), j’ai essuyé une série de plaintes, pour la plupart devant la 17e chambre du TGI de Paris (lieu d'impression du quotidien du soir). Toutes ont abouti à une relaxe. Dans toutes, j’étais poursuivi pour « complicité » de délit de presse. Dans toutes, André Fontaine, directeur de la publication du quotidien de la rue des Italiens, était poursuivi en tant qu’auteur principal du présumé délit.
Sauf une, où j’étais le seul poursuivi pour « complicité » : complice d’un délit où il n’y avait pas d’auteur principal, son nom figurant pourtant dans l’ours, comme l’exige la législation française. Pour cela, en 1989, j’ai été condamné à 15 jours de prison ferme, une peine amnistiée par la réélection à la présidence de la République de François Mitterrand. Je suis ainsi devenu le premier (hélas pas le dernier…) journaliste condamné à une peine de prison ferme en France depuis la Libération et l’épuration qui s’ensuivit.
Cette peine a figuré sur mon casier judiciaire (volet n°3, consultable uniquement par les services spécialisés)… jusqu’à ce que je la fasse effacer en décembre 2005 par le Directeur des Affaires criminelles et des Grâces, en m’adressant au Garde des Sceaux, ministre de la Justice. Que je sache, seule l'édition de 2001 a été poursuivie (et pas les rééditions). Que je sache, des condamnations prononcées en 2007 sont postérieures à la réélection (à l'africaine) de Jacques Chirac en 2002. Il devrait donc y avoir aministie, non ? La Loi d’amnistie du 6 août 2002 prévoit (Section 1, Article 2, alinéa 3) d’inclure « Les délits prévus par la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse ». Ne te laisse pas abattre, Placid ! Fais ton boulot, rien que ton boulot, et du mieux que tu peux.
La France, état de droit ou état de droite ? J'attise la question…
Pendant ce temps, aujourd'hui, le Parlement, réuni en Congrès à Versailles, a adopté le statut pénal du Chef de l’Etat, à la demande du président Chirac, celui-là même qui était Premier ministre de cohabitation en 1986 lorsque je publiais mon feuilleton dans « Le Monde ». Un journal classé à gauche à l’époque.
Il y a des cas où l’on se sent seul au monde…
André Léger
Note : Le communiqué du Syndicat de la Magistrature du 26 janvier dernier à ce sujet est ICI.
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