Déclaration de fin de règne ou d’amour ?
Hier soir, à trois jours de la Saint-Valentin, sur France 2, M. Jacques Chirac a fait, devant plus de 6,3 millions de téléspectateurs (27,3 % de parts de marché, record d’audience depuis la création de « Vivement dimanche », battant TF1 (« 7 à 8 » de plus d’un million de téléspectateurs), une émouvante déclaration d’amour à son épouse (tout en disant du mal de ceux qui montrent leur vie dans les médias).
Cette déclaration était assortie de quelques déclarations politiques et de petits règlements de comptes entre amis et certains l’ont analysée comme un « testament ». C’est notamment le cas du « Nouvel observateur ». Ce n’est pas celui de certains jeunes de l’UMP qui, depuis le 5 février, bien avant que l’on ne commence à parler du livre-entretien qui s’apprête à sortir, pensaient que M. Chirac pouvait éventuellement se présenter devant les électeurs.
Ce pourrait être une bonne chose, car c’est sur la fin de son deuxième mandat que le président se penche sur certaines de ses promesses comme celle de 2002 sur le statut pénal du Chef de l’Etat. Mais, lors de sa première élection, en 1995, il avait été élu entre autres sur le thème de la fracture sociale, dont on ne peut pas raisonnablement dire qu’elle soit réduite !
Il serait temps de le lui rappeler. Dans « Le Monde diplomatique » de décembre 2006, sous le titre « Des experts aux idées fracassantes - Economistes en guerre contre les chômeurs », il écrivait : « Il y a douze ans, M. Jacques Chirac fit de la lutte contre la « fracture sociale » l’objectif de sa présidence. Il devait être atteint grâce à la baisse du chômage et à l’augmentation des salaires (« La feuille de paie n’est pas l’ennemie de l’emploi »). Alors que s’ouvre une nouvelle campagne présidentielle, le niveau de vie des catégories populaires continue à se dégrader, en particulier à cause du coût du logement. Et quand le chômage recule, cela tient pour beaucoup à l’importance des classes d’âge qui partent à la retraite, à la généralisation des stages et contrats sous-payés, enfin à la rigueur punitive de l’indemnisation des chômeurs. »
Lire le sujet de Laurent Cordonnier paru dans l’édition papier du « Monde diplomatique » de décembre 2006 en cliquant ici.
L’élection présidentielle est la rencontre entre un homme et le peuple, comme le rappellent tant le gaulliste M. Galouzeau de Villepin sur son blogue que l’extrême-centriste M. Bayrou. A quand une vraie rencontre entre le président et les Français, et que les promesses soient enfin tenues ? Faut-il attendre le 3 mars et le prochain Salon de l’agriculture (puisque les Français sont des veaux…) ? M. Chirac a déclaré qu’il s’exprimerait au premier trimestre 2007 sur ses intentions. « Jacques Chirac n'est pas homme à renoncer facilement au pouvoir », a déclaré à plusieurs reprises M. Raymond Barre, en faisant la promotion de son ouvrage « L’expérience du pouvoir » (Fayard, 2007, 20 €), ajoutant : « Je ne serais pas étonné qu'il soit, une fois encore, candidat, s'il pense qu'il a la moindre chance d'être élu. »
Le message d’hier soir s’adressait-il à Mme Chirac ou aux Français ? Sur le plateau de « Vivement Dimanche », Bernadette Chirac n’a pas masqué son désir de rester le plus longtemps possible à l’Elysée !
Fabien Abitbol
Dessin © Placide (extrait du dossier Jacques et Bernadette)
• Laurent Cordonnier est économiste et maître de conférences à l’université Lille-I. Il est notamment l’auteur de « Pas de pitié pour les gueux » (Raisons d’agir, Paris, 2000). Pour prendre contact avec cette discrète maison d’édition, cliquer ici. Il collabore également à la revue « Le Passant ordinaire » et, en 2003 y a publié un sérieux et amusant sujet sur le… chômage.
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