Notre voisin est évoqué dans un livre signé de l’épouse du président ivoirien
Dans le quotidien d’Abidjan « Fraternité Matin » du 17 février (soit au lendemain du sommet France-Afrique), sous le titre « Le cri de l’huissier demandant le silence », le Conseiller spécial du Président de la République de Côte d’Ivoire, chargé de la culture et de la Francophonie, M. Alphonse Voho Sahi, publie un article très élogieux sur l’ouvrage « Paroles d’honneur », essai « autobiographique » de « la présidente » ivoirienne, l’épouse de Laurent Gbagbo (qui ne s’est pas rendu au sommet France-Afrique de Cannes, « fâché avec Jacques Chirac », selon Europe 1). Dans ce livre, il est question du journaliste Guy-André Kieffer, notre voisin disparu depuis trente-quatre mois en Côte d’Ivoire. Non seulement cet ouvrage est déjà paru en France depuis le 9 février, mais il n’apparaît pas sur le catalogue de l’éditeur (dans sa version électronique)…
Bien entendu, le conseiller du président Gbagbo oublie de dire que Simone Gbagbo a eu recours à (au moins) un« nègre », en l’occurrence la Française Liliana Lombardo. Mme Lombardo est une ancienne proche de Jacques Chirac, selon Grioo et selon « L’Express », repris par Blogdei.com qui a annoncé la sortie de ce livre compromettant pour la Chiraquie un mois avant sa parution ; elle est chargée de mission à la présidence ivoirienne depuis 2005…, ce que relève le portail culturel français Evene.fr dans la très courte fiche qu’il publie sur ce livre.
Dans ce livre, discrètement paru chez Ramsay en France le 9 février, et à qui Wikio ne recense présentement que le très catholique et dithyrambique sujet publié sur le site Abidjan.net, il est entre autres question de notre voisin, le journaliste économique Guy-André Kieffer, disparu en côte d’Ivoire depuis le 14 avril 2004. Sa famille et ses proches attendent toujours des explications sur cette disparition, dans laquelle, selon la justice ivoirienne comme selon la justice française, l’un des beaux-frères de « la présidente », Michel Legré, est impliqué. En France, il est mis en examen pour « enlèvement et séquestration » ; en Côte d’Ivoire, il est inculpé d’« assassinat »… et est libre.
Ce livre n’est présentement pas encore paru en Côte d’Ivoire, selon le conseiller du président ivoirien ! Il devait sortir en octobre 2006 et est prévu dans son édition ivoirienne chez Pharos.
Pour mémoire, le 14 juillet 2005, Laurent Gbagbo était l’invité d’honneur du président Chirac… Le ministre des Affaires étrangères n’était plus Michel Barnier, mais Philippe Douste-Blazy.
Voici la liste des sujets recensés récemment par Wikio Beta au sujet de
Guy-André.
Lire ici l’interview du président Gbagbo publiée le 10 mars 2006 sur L’Occidental, le site dédié à l’Afrique occidentale et à la Côte d’Ivoire, sur la coopération franco-ivoirienne.
Notons que, à ce jour, cette « autobiographie » ne figure pas au catalogue de Ramsay… et que si l’on cherche sur le site de la République des Lettres le mot "gbagbo", on ne trouve que « Ecrits d’Afrique », du journaliste de RFI Jean Hélène, assassiné en Côte d’Ivoire, et dont le juge d’instruction français qui s’occupe du dossier est le même que celui qui suit le dossier de Guy-André Kieffer, Patrick Ramaël.
Le principal moteur de recherche ivoirien est Eburneanews. Le site de soutien à Guy-André Kieffer est ici et le blogue pour laisser un message de soutien à la famille est là.
Pour ceux qui en ont vraiment envie, voici ci-dessous « la critique » du Conseiller du président ivoirien sur le livre parlant de l’épouse de son employeur…
André Léger
Dessin © Gopré pour « Fraternité-Matin »
Nota : volontairement, ce sujet n’est pas publié dans « Bons livres » mais dans la rubrique « Actualités » de ce blogue par le ouaibemaître.
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Librairie : “Le cri de l’huissier demandant le silence”
La Première Dame de Côte d’Ivoire, Simone Ehivet Gbagbo, vient de publier un ouvrage imposant (510 pages), un livre sur la vie d’un pays, la Côte d’Ivoire; des paroles pour dire
la part de vérité d’une femme …Le titre du livre: Paroles d’honneur, un devoir de parole ! Il est édité chez Ramsay. Sorti le vendredi 09 février, en France, il sera disponible dans les librairies en Côte d’Ivoire début mars : ma lecture.
Ecrire un livre, pour un homme ou une femme politique, revient à demander à prendre la parole, publiquement devant l’histoire et non seulement devant un public. Le moment choisi pour publier un livre est donc aussi important sinon parfois plus important que le contenu du livre. Car il arrive des moments où la portée de la voix n’est plus assez forte pour se faire entendre et si, en ces moments-là, ce qui est à dire n’est pas écrit, il se dissipe dans les mots que le vent emporte.
Le premier intérêt de «Paroles d’honneur» que vient de publier Simone Ehivet Gbagbo, c’est donc d’être publié maintenant. Il vient comme le cri de l’huissier demandant silence dans un tribunal endiablé. Il fallait, en effet, que dans la cascade ahurissante des jugements à l’emporte pièce sur la Côte d’Ivoire, sur le Président Laurent Gbagbo, sur le couple présidentiel, sur les Patriotes, etc., une voix s’élevât pour crier l’indignation d’un peuple qui a parfois du mal à comprendre ce qui lui arrive.
Mais l’indignation se mérite. Et c’est le deuxième intérêt de ce livre. Simone Ehivet Gbagbo peut dire sa propre indignation au nom des blessures qu’elle a reçues ; c’est pourquoi elle peut aussi porter la voix des autres, de tous les autres, les sans voix qui offrent leurs cœurs et leurs corps pour une cause, sans pouvoir dire toujours jusqu’où ils ont mal.
Le livre se lit facilement, sans doute parce qu’il porte sur des événements que l’on a parfois vécus soi-même. La force du texte vient de ce qu’il est écrit avec le cœur et traduit une part de l’âme de l’auteur. Il aurait bien pu s’intituler simplement: «Crise ivoirienne ; une femme témoigne» mais cela aurait affaibli sa portée politique et d’engagement.
Ce n’est pas une «histoire» en tout cas pas une autobiographie classique. Il ne s’agit pas non plus de mémoires. C’est tout à la fois la vie et l’avis d’une militante au cœur de l’Histoire de son pays, je dirais un avis porté en témoignage d’une vie de combat dévoué à la liberté politique et sociale.
La trame du texte est constituée par une expérience du ravissement vécue le jour de l’investiture du Président de la République de Côte d’Ivoire, le 26 octobre 2000 qui se trouve être Laurent Gbagbo et le témoin qui vit et décrit l’événement n’est autre que Simone Ehivet Gbagbo.
Palais présidentiel d’Abidjan-Plateau. Ce jeudi 26 octobre 2000, la Côte d’Ivoire s’apprête à ouvrir une nouvelle page de son histoire avec la prestation de serment de Laurent Gbagbo…Il est 15 heures, mon époux et moi avons fait notre entrée dans la salle des pas perdus sous un tonnerre d’applaudissements. Reporters-photographes et cameramen se bousculent pour avoir les meilleurs angles de prise de vue. ... Je prends place aux côtés du corps diplomatique. Je crois que la dernière fois que j’ai été aussi émue, c’était le jour de mon mariage !
Ce sont les premières lignes du livre. Mais le cœur qui s’éleva ce jour-là lutte depuis lors contre une autre expérience, partagée celle-là avec la majorité des Ivoiriens: l’expérience de la révolte. «Ce que je ne savais pas, c’est que nous allions désormais être la cible de toutes les attaques et de toutes les vilenies et que tout allait être fait pour essayer de nous détruire. Ce que je ne savais pas, c’est que désormais des mains amies allaient se faire moites !»
Comment peut-on être ravi et révolté à la fois ? C’est le paradoxe de ce livre où se reflète le paradoxe des événements qui se succèdent en Côte d’Ivoire depuis la victoire de Laurent Gbagbo à l’élection présidentielle d’octobre 2000. On comprend pourquoi les Ivoiriens protègent de leurs corps nus leur Président, la République et les Institutions qui l’incarnent. C’est qu’ils ne sont pas seulement révoltés par ce qui leur arrive, car le sentiment de révolte est passager, mais ils sont aussi heureux d’avoir placé entre leurs propres mains, le destin de la Côte d’Ivoire, en portant Laurent Gbagbo au pouvoir.
Plus que tout sans doute, c’est cette joie qu’ils refusent le droit à quiconque de leur ravir. On peut laisser mourir une peine, c’est même un soulagement, mais on en veut pour la vie à celui qui tue la joie.
Il fallait témoigner de cette expérience, porter la voix des victimes d’une volonté de puissance illégitime sur le peuple ivoirien et, au-delà, sur les peuples africains. Pour Simone E. Gbagbo, devenue Première dame, les ores de la République ont subitement perdu de leur éclat quand il devient évident, dès le lendemain de la victoire électorale de son mari, que l’ancienne puissance coloniale entend coûte que coûte perdurer sa domination sur les vies et dans la conscience des Africains.
Il n’y a donc pas un mot sur les mondanités, ni même sur la Résidence et le Palais présidentiels sinon un regard furtif sur les tableaux des maîtres ivoiriens qui font leur entrée au Palais ou le sifflement des balles tirées depuis les hélicoptères français sur la résidence en novembre 2004. Du Palais lui-même, de tout ce qui fait le charme d’une vie de Première Dame pas un seul mot, parce que le charme est brutalement rompu dès le 27 octobre 2000 avec la découverte du charnier de Yopougon et depuis, tous les sens sont mobilisés pour réveiller le pays du cauchemar. L’auteur passe ainsi en revue toutes les «découvertes» cauchemardesques qui se sont succédé et qui sont reliées entre elles par un fil machiavélique que le livre met au jour : la généalogie des coups d’Etat, l’affaire des «escadrons de la mort», Linas Marcoussis et Kléber, l’opération Dignité et l’affaire Poncet, l’affaire Kieffer, les déchets toxiques, etc. etc. Tous les sujets sont abordés et sans tabou.
Le livre puise ses racines au plus profond de l’être d’une femme au caractère forgé au fer rouge du combat politique, dans une Côte d’Ivoire dominée pendant près de quarante ans par le parti unique, aux côtés d’un homme au grand cœur et au courage jamais pris à défaut. Les deuxième, troisième et cinquième parties sont consacrées au combat politique de Laurent Gbagbo, à sa vision et à son action politiques, à son charisme …
L’enfance et les couleurs de l’innocence ont de la peine à se frayer un chemin dans la mémoire de l’auteur. Quand Simone Ehivet évoque son enfance, elle en retient volontiers la contribution de cette période de sa vie à la formation de sa personnalité et de son caractère politiques: héritages d’un père qu’elle admire, héritages d’âpres luttes syndicales qui commencent dès le Lycée.
Mais qu’on ne s’y trompe pas. Ce livre qui revendique le droit à la révolte est écrit sans rancune, il invite plutôt au pardon au nom de Dieu, car c’est un texte écrit par une croyante, une femme profondément croyante.
Un texte d’espoir; espoir de liberté, hymne à la responsabilité, appel au rassemblement. Un livre à lire, sinon pour les sujets qu’il traite, au moins pour le style d’écriture ; une écriture pour ainsi dire «tambourinée», où l’on croit plutôt entendre les mots en les parcourant des yeux… L’auteur est une spécialiste de la tradition orale.
Le livre s’ouvre sur deux dédicaces. La première «à Laurent», la seconde «à toutes les femmes et à tous les enfants sacrifiés pour la patrie !»
Alphonse Voho Sahi,
Conseiller spécial du Président de la République, chargé de la culture et de la Francophonie
Alphonse Voho Sahi est l’auteur de « Une chronique de la révolution démocratique en Côte d’Ivoire (1989-1995) », paru en 2005 chez l’Harmattan, où il publie des textes rédigés lorsqu’il était dans l’opposition.
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