…et aux électeurs
En date du samedi 17 février, le Réseau éducation sans frontières (RESF) a publié le communiqué suivant :
Adresse du Réseau Education sans frontières aux citoyens et aux candidats
Dans la France d’aujourd’hui, des hommes et des femmes ne se déplacent qu’avec la peur au ventre, hésitent à ouvrir leur porte au petit matin, se demandent même s’ils doivent envoyer leurs enfants à l’école, parce qu’il arrive que la police vienne y chercher des enfants ! C’est insupportable. De nombreuses manifestations de solidarité ont eu lieu à travers la France à l’égard des enfants, jeunes, familles, et de tous ceux qui vivent avec nous dans nos écoles et nos quartiers, mais qui se trouvent privés du droit au séjour et menacés d’expulsion (24 000 en 2006). A travers elles, le Réseau Education sans frontières a pu mesurer les dégâts d’une politique inhumaine, indifférente au respect des droits de la personne et fondée sur la méfiance, voire l’hostilité vis-à-vis des étrangers.
Le respect des droits fondamentaux pour tous les étrangers
La famille Raba est devenue emblématique : un père de famille courageux refuse de participer à une violation des droits de l’homme dans son pays, tandis que sa femme est victime de violences. Contraint à l’exil, il croit trouver un refuge sûr en France où sa famille s’insère et ses enfants sont scolarisés. C’est sans compter avec la logique Sarkozy. Voilà les Raba expulsés de façon particulièrement brutale, ramenés au Kosovo après cinq années, avec le poids d’une angoisse quotidienne et des enfants élevés dans la langue française…
Comme eux, des milliers d’étrangers se voient refuser le bénéfice du statut de réfugié, sous prétexte qu’ils viennent d’un pays dit « sûr », ou parce que le récit qu’ils ont fait de ce qu’ils ont vécu n’est pas jugé fiable ou encore parce qu’ils n’auraient pas pu fournir des documents jugés suffisamment crédible : plus de 80% des demandes sont rejetées.> Le droit d’asile doit redevenir dans les faits un droit fondamental.
Le droit à l’éducation et à la vie privée
Comme Karim, Liquing ou Abraham, de nombreux jeunes sont arrivés en France alors qu’ils étaient mineurs, qu’ils aient été isolés de leur famille ou qu’ils soient venus la rejoindre. Ils ont fait une grande partie de leur scolarité en France, y ont passé leur adolescence, tissant des liens affectifs et sociaux, poursuivant une formation, forgeant leurs repères et y construisant leur avenir.> Nous savons que leur vie est ici et qu’ils ne repartiront pas, ils doivent être régularisés avec un droit au séjour durable.
Le droit de vivre en famille
La maman n’a pas de papiers, elle élève un fils mineur, le frère aîné est régularisé ; elle tremble chaque fois qu’elle voit un uniforme, car son dossier a été rejeté. C’est ici qu’elle veut construire l’avenir des siens.
La même situation existe pour des couples. Des longues années passées en France, des enfants scolarisés et souvent nés ici, souvent des liens de familles... : rien ne trouve grâce auprès des préfectures pour qui l’immigration familiale est devenue une cible et le refus la règle. Même l’amour et le mariage sont devenus suspects !> Vivre en famille, bénéficier du respect des liens privés : ces droits doivent être reconnus dans les faits et toutes les restrictions au regroupement familial supprimées.
Winnie est une petite malgache de trois ans et demi, née ici et scolarisée dans une école maternelle parisienne. Le 13-12-06, Mélanie, sa maman, est arrêtée alors qu’elle rentrait de Belgique, où elle souhaitait s’établir avec son futur mari. Elle venait chercher sa fille. Malgré les mobilisations de soutien et protestations, Mélanie passe Noël au centre de rétention, puis est embarquée de force, totalement paniquée par l’abandon de son enfant, dans un avion d’Air Austral le 26 décembre, laissant ici une petite fille, presque encore un bébé, qui pleure désormais sa maman.
> La Convention Internationale des Droits de l’Enfant doit être prise en compte, afin que l’intérêt supérieur de l’enfant soit réellement la préoccupation essentielle dans toutes les décisions administratives ou judiciaires le concernant.
Britto, enfant sri-lankais gravement malade, pourra-t-il être soigné ? Seule la mobilisation a permis d’empêcher l’expulsion de son père et d’arracher un titre précaire pour les parents !
Retté, arrivée il y a six ans du Congo, jeune majeure isolée atteinte d’une maladie évolutive, contrainte d’aller d’un hébergement d’urgence à un autre, aura-t-elle un jour un titre de séjour ?
Les étrangers qui demandent le droit au séjour pour soigner des pathologies graves se voient répondre qu’ils peuvent se faire soigner dans leur pays d’origine, au mépris de toute réalité.
Les sans papiers ne verront jamais un dentiste ou un opticien, et accèdent difficilement à l’Aide Médicale d’Etat, comme si les préoccupations de santé publique devaient s’arrêter aux portes des préfectures et des directions de l’action sanitaire et sociale.> Le droit à la santé doit être garanti pour tous, français ou étranger, avec ou sans papier.
Le droit d’avoir des droits
Un père de famille, qui vit en France depuis 18 ans avec sa femme et ses cinq enfants, a été arrêté et mis en rétention !
Pourtant certaines familles ont pu être régularisées dans le cadre de la circulaire du 13 juin. Mais elles ont été peu nombreuses, au terme d’une procédure injuste et discriminatoire qui laissait de côté des étrangers qui, pour être sans enfants ou célibataires, étaient aussi présents depuis des années. Quelques uns mêmes sont là depuis plus d’une décennie sans avoir pu bénéficier des procédures de régularisation pourtant inscrites dans la loi.
Vivre, se loger, travailler normalement, échapper aux marchands de sommeil, aux patrons qui les exploitent, payer leurs cotisations sociales et leurs impôts, bref vivre en concitoyens n’est pas exorbitant.> Nous demandons la régularisation avec un titre de 10 ans, qui permette de vivre sans angoisse et d’accéder aux droits (bail, prêt, contrat de travail...)
Des pratiques policières, judiciaires et administratives respectueuses de la dignité et des droits de la personneLes contrôles au faciès, les rafles dans certains quartiers, l’existence même de centres de rétention, où l’on n’hesite plus à enfermer femmes et enfants et qui sont des prisons pour innocents, des prisons qui n’en portent pas le nom, le caractère expéditif de la justice, les obstacles pour accéder au droit et à une défense équitable, le maintien de la double peine, tout cela témoigne du fait que les étrangers sont considérés comme des ennemis à traquer.
On retrouve trop fréquemment cette attitude dans l’accueil au guichet des préfectures, dans le traitement des dossiers où la logique des quotas l’emporte sur un examen respectueux, et plus généralement dans l’ensemble de l’espace social, le cas du logement étant le plus connu.
Nous refusons la création d’un Ministère de l’immigration. Pourquoi ne pas retirer au Ministère de l’Intérieur la responsabilité des questions d’immigration ? Les étrangers doivent retrouver le droit commun, c’est à dire relever du Ministère de l’Education Nationale pour les questions scolaires, du Ministère de la Santé pour la question des soins, etc...> Les étrangers ne sont pas dangereux, mais en danger. Les droits de l’Homme doivent être respectés pour tous et partout.
L’audience du RESF, le retentissement de ses actions citoyennes l’ont démontré : De plus en plus nombreux sont les Français qui refusent l’image d’une société repliée sur elle-même et tentée par la xénophobie, qui veulent l’abrogation des lois existantes et une législation respectueuse des droits de la personne.
Nous souhaitons que les prochains rendez-vous électoraux soient l’occasion d’un grand débat public sur la politique de notre pays à l’égard des étrangers migrants.
Nous serons attentifs aux déclarations et engagements des différents candidats, et plus encore à leurs décisions et à leurs actes. Mais nous poursuivrons nos luttes, persuadés que ni la protection des Sans-Papiers, ni une avancée réelle du droit ne sauraient être obtenues sans une mobilisation déterminée des citoyens.> Ces jeunes, ces hommes et ces femmes, nos voisins, nos proches, sont une richesse : ayons le courage de l’affirmer, construisons une société ouverte au monde, dynamique et chaleureuse.
Mettons fin aux expulsions, donnons à ceux qui vivent à nos côtés le droit au séjour, c’est-à-dire le droit à la dignité.
Rejoignez RESF : C/o EDMP 8 Impasse Crozatier 75012 Paris Nous écrire
Note : après les critiques du Conseil d’Etat sur le fichier ELOI (Lire ici), le ministre de l’Intérieur Nicolas Sarkozy a été de nouveau critiqué par la plus haute juridiction administrative compétente sur les condition d’interpellation des sans-papiers, ce qui a donné lieu à l’entrefilet suivant dans « Libération » du 25 janvier dernier :
«Malaise» au Conseil d'Etat sur la circulaire SarkozyPar Catherine COROLLER
Juridiquement, la circulaire ministérielle de février 2006 sur les conditions d'interpellation des sans-papiers est légale. Moralement, c'est une autre affaire. Hier, le Conseil d'Etat examinait un recours déposé par six associations contre ce texte. Le commissaire du gouvernement a demandé le rejet de ce recours, tout en confessant un «certain malaise à la lecture de la circulaire». Ce texte contient ainsi des «modèles de convocation» à adresser aux étrangers pour les inciter à se rendre sans méfiance en préfecture afin de les y cueillir. Précisant que la circulaire fait «obligation [à l'administration] de se montrer loyal [e]» et de procéder à un «examen réel» de la situation des sans-papiers, le commissaire a souligné que le rejet du recours ne devrait pas être compris comme un «chèque en blanc» aux pouvoirs publics.
A ce sujet, M. Caï, père de deux enfants scolarisés dans le 20e, n’a pas été expulsé vendredi…
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