Beyrouth, ville des journalistes martyrs, accueille la remise du prix Albert Londres
Pour son édition 2007, le comité du prix Albert Londres a choisi Beyrouth pour récompenser les lauréats du concours. C’est dans l’enceinte du musée, parmi les sarcophages et autres statuettes, que la cérémonie de remise des prix a été amorcée par une projection d’images tournées en 1919 et qui retracent l’arrivé du général Gouraud au port de Beyrouth, accompagné entre autres par le grand reporter Albert Londres. Des images du Beyrouth d’antan défilent, et Josette Alia, présidente du prix, indique que le Liban était pour Albert Londres « la porte de l’Orient » et que ce pays « l’étonne », un pays où « les gens parlent le français comme Anatole France et rêvent de Paris, la ville aux treize ponts ».
Après ces quelques images d’époque, c’est au tour du ministre de la Culture, Tarek Mitri, de prendre la parole. M. Mitri a dans un premier temps tenu à rappeler que le prix Albert Londres coïncidait avec la Journée du patrimoine national mais aussi avec la Journée internationale des musées [pour Paris, c’est ici, NDLR], ajoutant que « ce musée est la métaphore de la renaissance d’un pays qui s’efforce de se remettre debout » car les Libanais « se réinventent sans cesse ». Pour le ministre de la Culture, il n’est pas étonnant que le Liban accueille ce prix, Beyrouth étant « une ville emblématique de la liberté des journalistes et de leur courage ». Après avoir rendu un vibrant hommage à Samir Kassir et à Gebran Tuéni, assassinés tous deux pour leur lutte « contre la violence et l’aveuglement », mais aussi à May Chidiac [que le président Chirac a décorée de l’Ordre de la Légion d’honneur le 3 mai, NDLR], le ministre de la Culture a cédé la parole à l’ambassadeur de France, Bernard Émié. Ce dernier a, lui aussi, insisté sur le sang versé par les hommes de presse au Liban, plus particulièrement Samir Kassir et Gebran Tuéni dont le courage a été « sublimé par leur sacrifice suprême ». L’ambassadeur français s’est incliné « devant leur mémoire » et a souligné que « par cette cérémonie, la France (...) rend hommage à la liberté de la presse, au courage de ceux qui savent qu’aiguiser leur plume peut signifier leur arrêt de mort ». M. Émié n’a pas manqué de relever les valeurs du journalisme que la France s’efforce de promouvoir, « un journalisme éthique (...) fait d’indépendance, de rigueur, de respect et d’exigence » car le journalisme est « un métier, une vocation, une passion », mais aussi une liberté qui s’est « épanouie » grâce aux patrons de presse. L’occasion pour l’ambassadeur de rendre hommage au PDG d’an-Nahar, Ghassan Tuéni, venu assister à la cérémonie. Étaient aussi présents le député Ghassan Moukheiber, le frère et la veuve de Samir Kassir, Walid Kassir et la journaliste Gisèle Khoury, ainsi qu’un grand nombre de journalistes libanais et français.
Josette Alia a ensuite repris la parole, rappelant le parcours d’Albert Londres et sa recherche de l’excellence dans une écriture épurée, dénuée de fioritures. Un grand reporter épris de liberté, une liberté qu’il défendait bec et ongles et qui lui a d’ailleurs valu sa fameuse réplique à un rédacteur en chef qui lui reprochait de ne pas respecter la ligne éditoriale du journal : « Un reporter ne connaît qu’une seule ligne, celle du chemin de fer. » Le rôle du journaliste est de dénoncer dans l’espoir de faire changer les choses, non de prendre parti ou de polémiquer, a ajouté Mme Alia. Citant une fois encore Samir Kassir et Gebran Tuéni, elle a relevé que ces deux journalistes « se savaient menacés, et pourtant, ils n’ont pas renoncé », et c’est en cela qu’ils sont un modèle pour la liberté de la presse.
Deux prix Albert Londres ont ainsi été remis :
– le premier a été décerné à Luc Bronner, du quotidien français Le Monde, pour une série d’articles sur les jeunes des banlieues parisiennes ;
– le second a été décerné à Anna Poiret, Gwenlaouen Le Gouil et Fabrice Launey pour leur reportage télévisé commun sur Muttur, un crime antihumanitaire, qui relate l’assassinat de 17 Sri Lankais travaillant pour l’ONG Action contre la faim.
© Lé. M., dans L’Orient-Le jour, du samedi 19 Mai 2007
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