Dans
un courrier adressé en début de semaine au président François Hollande,
la famille du journaliste franco-canadien disparu en avril 2004 en Côte
d'Ivoire
Guy-André Kieffer exprime son mécontentement après que deux ministres
français ont octroyé une aide financière apparemment sans contrepartie à
la Côte d'Ivoire, et portant entre autres sur la Justice.
"Ne
serait-il pas possible", écrivent les proches du journaliste disparu,
"de rappeler aux plus hautes autorités ivoiriennes, à l'occasion de la
mise en œuvre de ce contrat, l'impérieuse nécessité de mener à leur
terme les investigations judiciaires afin d'identifier les
commanditaires de l'enlèvement de Guy-André Kieffer, de les traduire en
justice et d'obtenir des informations sur le lieu où se trouve notre
parent?". La lettre, datée du 3 décembre et dont le blogue a eu
connaissance, est signée de Jacques et Irène Kieffer, le père et la mère
de GAK domiciliés en région Rhône-Alpes, de Osange Silou-Kieffer, son
épouse qui réside dans le 20e arrondissement de Paris, de Canelle et
Sébastien (sa fille de 26 ans, à Paris, et son fils de 37 ans, au
Québec), et de Bernard et Éric Kieffer, les deux frères de Guy-André,
tous deux Rhônalpins.
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Le portrait de Guy-André Kieffer dans le hall de la mairie du 20ème arrondissement de Paris
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L'aide donnée par la France à la Côte d'Ivoire est, comme le
remarque ici Pierre Moscovici "d'un montant très important". Elle
représente, pour l'année 2013, 17% du budget de la Côte d'Ivoire, selon les indications de Pascal Canfin, qui avait aussi fait le voyage à Abidjan samedi dernier.
Plus
prosaïquement, ces 630 millions d'euros sont le double des 205
milliards de Francs CFA (312M€) qui, à la veille de Noël 2009, quand
Laurent Gbagbo était encore au pouvoir d'un côté et Nicolas Sarkozy de
l'autre, avaient
fait bondir Bernard Kieffer, le frère cadet de Guy-André. Des deux
côtés de la Mediterrannée, le pouvoir a changé de camp, mais les
habitudes semblent persister...
Aussi, la famille de Guy-André Kieffer, après huit ans et demi d'enquête, souhaite "rappeler" au président Hollande "que tous les efforts engagés depuis cette date [avril 2004, disparition de GAK, note du ouaibemaître] par la justice française sous la conduite du juge d’instruction Patrick Ramaël n’ont encore pas permis d’élucider les mystères qui entourent cette tragique affaire ni de savoir ce qu’est devenu Guy-André Kieffer, malgré les engagements pris à cet égard par les Présidents Laurent Gbagbo et Alassane D. Ouattara". Le courrier demande de "bien vouloir intervenir en ce sens auprès des autorités ivoiriennes" et précise que les membres de la famille se tiennent à la disposition du président Hollande "pour évoquer cette affaire (...) et envisager l’accompagnement politique nécessaire à son traitement judiciaire".
La
dernière rencontre politique française de la famille Kieffer remonte à
août 2007, où plusieurs membres avaient été reçus à l'Élysee, trois mois
après l'élection de Nicolas Sarkozy.
Les
seuls renseignements obtenus par les parties civiles le sont par la
voie judiciaire. Le juge d'instruction en charge du dossier en France
est Patrick Ramaël, qui, comme rappelait Slate le 3 décembre "agace la Françafrique". En charge de l'affaire Kieffer, de
l'affaire Ghelber (cet avocat parisien brièvement enlevé en Côte
d'Ivoire), ou encore de l'affaire Ben Barka, il n'a pas hésité à
débarquer sans prévenir à l'Élysée (pour l'affaire Kieffer) ou par deux fois à la DGSE (pour le dossier Ben Barka)...
Visé par une enquête interne en octobre 2010 (quand Michèle Alliot-Marie était Garde des Sceaux), le juge Ramaël à été renvoyé en janvier 2012 devant le Conseil supérieur de la magistrature (CSM), où il était attendu mi-novembre.
Coïncidence
de calendrier, c'est à cette époque que la Cour pénale internationale
(CPI) a levé les scellés sur le mandat d'arrêt qu'elle avait émis en
février sur Simone Gbagbo, comme l'indique ici Amnesty international. Dans
cette dépêche en anglais, on ne manque pas de rappeler les soupçons qui
pèsent sur l'ancienne Première Dame dans la disparition de Guy-André
Kieffer, le 16 avril 2004, sur le parking d'un supermarché d'Abidjan.
Présentement en visite en France, le président Ouattara a déclaré mardi que Mme Gbagbo pouvait être jugée dans son pays.
Fabien Abitbol
Le dossier Kieffer sur le blogue
Le site de soutien Vérité pour Guy-André Kieffer
A lire dans Le Figaro: Cacao, la peur a changé de camp
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