«Aujourd’hui, dans plusieurs pays européens, les personnes atteintes de déficiences intellectuelles et/ou psychosociales sont habituellement placées sous tutelle – elles sont privées de leur “capacité juridique”. Aux yeux de la loi, ce sont des non-personnes, dont les décisions n’ont aucune valeur juridique», écrit ce lundi 20 février le Commissaire européen aux Droits de l’Homme Thomas Hammarberg. Une approche selon lui «contraire aux normes reconnues en matière de droits de l’homme».
Les Européens ayant des déficiences intellectuelles et/ou psychosociales sont estimés à un million. La plupart des dispositifs européens en matière de capacité juridique en vigueur en Europe sont dépassés, estime le Commissaire Hammarberg, et doivent être réformés de manière urgente.
Pour Thomas Hammarberg, «Jouir de la capacité juridique nous permet de choisir où et avec qui nous voulons vivre, de voter pour le parti politique de notre choix, d’avoir nos décisions en matière de santé respectées, de contrôler nos propres affaires financières et d’avoir accès au cinéma et autres loisirs» et tous les adultes majeurs sans exception devraient bénéficier de la présomption de capacité juridique.
Ainsi, l’article 12 de la convention des Nations Unies sur le handicap appelle une compréhension plus profonde de la notion d’égalité: toutes les personnes handicapées jouissent de la capacité juridique dans tous les domaines, sur la base de l'égalité avec les autres, et doivent bénéficier de l'accompagnement dont elles peuvent avoir besoin pour exercer leur capacité juridique, précise le Commissaire aux Droits de l’Homme.
Il s’appuie pour cela sur un arrêt rendu par la Grande Chambre de la Cour européenne des droits de l'homme, encourageant également cette évolution (affaire Stanev c. Bulgarie): la Cour avait souligné l’importance croissante qu’accorde aujourd’hui le droit international, dont la convention des Nations Unies, à l’octroi d’une autonomie juridique optimale aux personnes ayant des déficiences psychosociales. L’affaire concernait un homme qui avait été soumis à un régime de tutelle partielle et placé dans un foyer social pour personnes atteintes de troubles psychiques, équivalant à une détention de facto. La Cour a estimé que la privation de liberté subie par le requérant et l’impossibilité pour lui de s’adresser à un tribunal pour faire contrôler la légalité de sa détention et pour demander le rétablissement de sa capacité juridique constituaient des violations de la Convention européenne des droits de l'homme.
«Les gouvernements devraient cesser de priver les personnes handicapées de leurs droits de vote et de les soumettre à une détention de facto en les plaçant dans des institutions contre leur gré», écrit Thomas Hammarberg sans sa tribune à lire ici.
F. A., photo du compte twitter @CommissionerHR
A lire: A qui appartient-il de décider? Document thématique du Conseil de l’Europe sur le droit à la capacité juridique des personnes ayant des déficiences intellectuelles et psychosociales
... c'est la raison pour laquelle, en France, le Juge des Libertés et de la Détention est celui qui décide ... Mais voilà, entre les lois et la pratique ...
Attention quand même à la mythologie de l'internement abusif porté par la "sciento" ...
Rédigé par : Apolline | 20/02/2012 à 20h52
Ce sont des questions fort complexes. Quand une personne n'est plus en mesure de subvenir à ses propres besoins vitaux (penser à manger) et devient dangereuse pour elle et son environnement (cas du réchaud électrique ou à gaz que l'on laisse ouvert), sans s'apercevoir de ces déficiences, il devient urgent de la confier à une structure qui saura suppléer à ses manques.
En revanche, est-elle pour autant "incapable" juridiquement ? Je ne le pense pas. Tout au plus doit-on veiller à ce qu'elle reste surveillée pour qu'elle ne mette pas sans le savoir sa vie et celle d'autrui en danger. La nuance est délicate, je l'accorde.
Et si cette personne, par un reste de conscience, a un sursaut de lucidité lui indiquant que sa place n'est plus sur cette terre, au contraire des lois actuelles (je le précise bien) je considère qu'elle doit pouvoir librement décider d'en finir, à partir du moment où cela ne met en "danger" personne qu'elle-même.
Mais cela, la bienpensance abjecte actuelle le refuse.
Rédigé par : Achar | 21/02/2012 à 04h30