Pour la deuxième fois en mois de dix jours, le bâtiment du 36, rue Botzaris (et son annexe du 42, rue du Plateau) ont été évacués ce matin par la police française, malgré un communiqué en date du 9 juin des autorités tunisiennes assurant les occupants de leur protection. La fuite de documents commence…
Combien étaient-ils de Tunisiens à occuper ce matin le bâtiment «annexé à l’Ambassade sur décision de l'Etat tunisien» et à être emmenés vers un commissariat du 19e? Impossible de le savoir précisément, devant le mutisme de la préfecture de police (PP). Pas possible non plus d’estimer, car depuis la première évacuation du 7 juin, et la nouvelle occupation la nuit même, de nouvelles têtes avaient fait leur apparition et les soutiens étaient vus avec méfiance, y compris aux abords de la rue du Plateau et de la rue Botzaris.
Par surcroît, la plupart des occupants «historiques», ceux qui s’étaient installés rue Botzaris le 31 mai, avaient été déménagés rue du Plateau par les nouveaux, arrivés le dimanche précédant l’évacuation.
Selon certains occupants, qui conservaient des contacts avec l’extérieur, des tensions avaient éclaté, notamment régionales, mais aussi à caractère politique. Un soir, suite à une rixe, l'un d'eux —sérieusement blessé à une main— avait accepté d'être transféré à l'hôpital Tenon, dans le 20e arrondissement tout proche. Et la méfiance régnait, y compris entre les occupants, dont tous n’étaient pas, du coup, des migrants de fraîche date.
C’est au lendemain de l’arrivée de ce nouveau groupe, en fait, que les choses ont commencé à se gâter. Alors qu’une réunion s’était tenue paisiblement tout le lundi 6 juin de la fin d’après-midi au milieu de soirée à l’intérieur du «36», des séparations entre la rue Botzaris et la rue du Plateau étaient forcées dans la nuit, peu avant minuit. Ce qui provoqua l’intervention de la police, le mardi 7 juin dans l’après-midi, après accord des autorités tunisiennes. Des voisins auraient été gênés par le bruit.
Les occupants qui se trouvaient sur place (74 selon les chiffres donnés par la PP, mais en réalité un peu plus de cinquante) sont revenus pour partie dans la nuit [photo ci-contre], d’autres allant dormir ailleurs. C’est à partir de là, donc officiellement le 8 juin, que la bonne entente a pris fin. Et c’est le lendemain, le 9 juin, que l’Ambassade de Tunisie en France a publié ce communiqué indiquant qu’elle continuerait «avec le concours des autorités françaises compétentes ainsi que celui du tissu associatif a apporter son soutien total à ces jeunes», malgré les «actes graves et délibérés de vandalisme et de dégradation des lieux et équipements, biens de l'Etat tunisien, constatés dès la matinée du 7 juin 2011».
Ce qui a déclenché cette nouvelle intervention de la police française semble être, comme le fait remarquer OWNI, la «bataille des archives» des bâtiments de Botzaris et surtout du Plateau. Des bâtiments qui, outre le fait qu’ils ont pu servir dans un passé pas si lointain à des interrogatoires quelque peu “poussés”, recèlent des documents pouvant déranger. Parmi ces documents, Mediapart publie ce jour une lettre de Boris Boillon à un ancien responsable du RCD, le parti de Ben Ali (à lire ici, gratuitement). Il se trouve que Boris Boillon, à l’époque en poste à l’Elysée, est présentement… ambassadeur de France en Tunisie.
Il se trouve aussi que le ministre tunisien de l'Intérieur, M. Habib Essid, était hier en région parisienne et a rencontré son homologue français, M. Claude Guéant. Troublante coïncidence…
Officiellement, la Tunisie aurait eu un soudain besoin de bureaux, justifiant la demande d'évacuation par la police française malgré un accord tacite d'occupation des lieux de six mois. La liste des ambassadeurs successifs en poste en France (à consulter ici) montre que personne n'a été nommé depuis le 15 mars.
Cet après-midi, les bâtiments était encore étroitement surveillés par la police française avec des véhicules sérigraphiés, en sus des véhicules banalisés qui, ces derniers jours, se sont multipliés dans le secteur.
Fabien Abitbol, photos: L’Indic (haut, matin du 16 juin), F. A. (nuit du 7 au 8 juin), Elisabeth (bas, après-midi du 16 juin)
Merci à Mathieu Magnaudeix, de Mediapart, pour les deux articles qui se trouvent en accès libre parmi les rétroliens de ce sujet.
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