Rudolf Brazda, 98 ans dans deux mois, considéré comme le dernier survivant des déportés parce que qu’homosexuels, faisait partie de la promotion pascale de la Légion d’honneur, détaillée ici dimanche 24 au matin, où la précipitation à me préparer à me rendre aux commémorations du 20e arrondissement m’a fait écrire que le doyen «à première vue» semblait être Alfred Thomelin, 95 ans. Il recevra sa décoration jeudi 28 avril à Puteaux (Hauts-de-Seine), où sa venue était prévue.
Cette approximation —nobody's perfect— était due au fait que M. Thomelin totalisait, selon le JO, «76 ans d'activités professionnelles, associatives, de services civils et militaires» et se trouvait sur le contingent des Anciens combattants, alors que M. Brazda, de plus de deux ans son aîné, également dans ce décret, n’avait “que”, si l'on peut dire, «60 ans d'activités professionnelles et associatives» et se trouvait sur le contingent du Premier ministre. Aussi n’est-ce qu’à mon retour de la longue cérémonie au Père-Lachaise puis en mairie d’arrondissement que, découvrant la dépêche AFP publiée 2h30 après mon billet, j’ai découvert avec plaisir que, enfin, un homosexuel entrait dans l’Ordre de la Légion d’honneur en tant que tel, pour les persécutions qu’il avait subies.
Né en juin 1913 dans ce qui est actuellement le Land de Thüringen, dans le centre de l’Allemagne, Rudolf Brazda était considéré, après la Première Guerre, comme un ressortissant de la Tchécoslovaquie. Plusieurs fois persécuté pour “débauche contre nature” et considéré comme persona non grata en Allemagne, il est déporté à Buchenwald en août 1942, où il passera près de trois ans. A l’issue de la Seconde Guerre mondiale, il s’installera en Alsace.
Considéré comma apatride, il obtient la nationalité française en 1960.
Ce n’est que très récemment, en 2008, que les autorités (et les médias) commencent à s’intéresser à lui. Fin juin 2008, il est invité en compagnie du maire de Berlin Klaus Wowereit, à une cérémonie au monument inauguré un mois auparavant en mémoire des victimes homosexuelles du nazisme. Dans la foulée, il inaugure la Gay Pride de Berlin.
En mai 2010, il inaugure à Mulhouse une plaque mémorielle en hommage aux déportés homosexuels. En septembre 2010, c’est au Struthof qu’il se rend, pour un autre hommage (voir ici un extrait du journal de TF1). La photo de la plaque est en page d’accueil du site Internet de l’association Les Oublié(e)s de la Mémoire.
A bientôt 98 ans, Rudolf Brazda est considéré comme le dernier «Triangle rose» survivant. Et c’est à ce titre qu’il a été fait chevalier de la Légion d’Honneur. Lorsque les militants berlinois avaient inauguré leur monuments, la presse avait relaté qu’il n’y avait plus de survivant parmi les homosexuels déportés,et c’est ce qui l’avait fait sortir de l’anonymat si tardivement.
Rudolf Brazda recevra jeudi sa Légion d'honneur dans un collège de Puteaux (Hauts-de-Seine), où il doit intervenir devant des élèves. Elle lui sera remise par Marie-José Chombart de Lauwe, de dix ans sa cadette, présidente de la Fondation pour la mémoire de la déportation, et Grand Officier de la Légion d’honneur depuis juillet 2008.
F.A., photo: lors des commémorations, dimanche 24 avril, au Père-Lachaise, un drapeau des Oublié(e)s de la Mémoire
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