Le ministre avait fait une rentrée anticipée… avec un public sélectionné
Daniel Guérin, vice-président du groupe Républicain, Radical et Citoyen (groupe 2RC) au conseil régional d’Ile-de-France (CRIF), a décidé de saisir la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF, ou DégéConCon) au sujet de la visite de Luc Chatel, es qualité de ministre de l’Education nationale, à l’Intermarché de Villeneuve-le-Roi (Val-de-Marne), lundi.
« Le PS demande des comptes », titrent Challenges et le Nouvel obs, au sujet du conseiller régional du mouvement chevènementiste… qui appréciera (ou pas) l’approximation politique.
« Je viens de saisir la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes afin que toute la lumière soit faite sur les véritables responsabilités dans cette affaire et les éventuelles distorsions de concurrence qu'elle générait au détriment des autres commerçants du secteur », indique dans un communiqué M. Guérin qui, dans le civil, est directeur général de société, comme l’indique sa fiche de présentation au CRIF.
Selon lui, « si la manipulation n'avait pas été révélée, cette visite aurait constitué une opération de promotion gratuite pour Intermarché au détriment des autres acteurs économiques locaux ». De son côté, l’Humanité a joliment titré hier : « Les Mousquetaires portent le chapeau ». Et même le très sérieux New York Times s’est emparé de l’affaire, avec - indique ici Fluctuat.net - un sujet dans l’édition imprimée, ce que n’avait pas eu, en mars dernier, ce sujet sur le feuilleton Plus Belle la vie.
La visite ministérielle, lundi, à l’Intermarché de Villeneuve-le-Roi, avait été amplement relayée par les médias. Le pot-aux-roses, levé par quelques-uns (rares) d’entre eux, soupçonnant l’UMP d’avoir organisé la « claque », avait fait l’objet d’une communication d’Intermarché, indiquant que la société avait tout organisé, et que la chose s’était déroulée à l’insu du lein gré du ministre. Mercredi, Luc Chatel a « condamné fermement » l'initiative prise par Intermarché d'inviter certains de ses salariés à « faire figuration ». « Cette initiative me choque parce qu'elle est à l'opposé de mes convictions et de mes pratiques », a-t-il déclaré.
L’ironie du sort fait que Luc Chatel, par ailleurs porte-parole du gouvernement, était, avant le remaniement, secrétaire d'État auprès de la ministre de l’Économie, des Finances et de l’Emploi, chargé de la Consommation et du Tourisme dans le 2e gouvernement Fillon (19 juin 2007 - 18 mars 2008), puis secrétaire d'État auprès de la ministre de l’Économie, de l’Industrie et de l’Emploi, chargé de l'Industrie et de la Consommation dans le 3e gouvernement Fillon (19 mars 2008 - 23 juin 2009). Il était donc rattaché aux services de Bercy, tout comme la Dégéconcon, désormais chargée d’enquêter…
Il avait à ce titre travaillé entre autres sur la fameuse Loi de modernisation de l’économie (LME), dont le premier bilan a été publié le 29 juillet, dans l’indifférence estivale, au surlendemain du malaise présidentiel. Il ressort (entre autres) de ce bilan l’ouverture de sept millions de nouveaux livrets A, ce qui maintenant donne lieu à la chasse aux doubles comptes. Mais c’est une autre histoire…
En d’autres temps, Olivier Stirn, surnommé par Le Canard enchaîné « l’Andouille de Vire » avant de devenir « l’Andouille de Vire à gauche » lorsqu’il devint, sous François Mitterrand, ministre délégué à l’Outre-mer (auprès du Premier ministre) puis du Tourisme (auprès du ministre de l’Industrie et de l’Aménagement du territoire), avait été poussé à la démission pour des soupçons de rémunération de figurants au cours d’un colloque sur l’avenir de la gauche. On l'oublie par trop souvent : Nicolas Sarkozy n'a rien inventé en matière de “ministres d'ouverture”…
Cette fois, Intermarché a
volé au secours du ministre. C’est donc la grande surface qui se trouve dans le
collimateur du conseiller régional chevènementiste. Rue89.com, qui a suivi
l’histoire, avait titré mercredi matin Bonne surprise pour Luc Chatel, un supermarché plein d'UMP. Tenant compte (sans avoir l'air de trop y croire) de la version officielle, le titre de la suite de jeudi
après-midi est sensiblement différent : Chatel à Intermarché : les dessous d'un coup de com'. Et David Servenay d’entamer son sujet par : « Supercherie,
suite. D'une banale opération de claque politique, l'affaire Chatel est en passe de devenir une opération de
publicité clandestine… C'est du moins la version qu'Intermarché essaie de
vendre, pour dédouaner le ministre de l'Education nationale. »
Tout
ce pataquès, à deux jours du début du versement de l’Allocation de rentrée
scolaire (ARS), était fait non seulement pour meubler une journée creuse en information
gouvernementale, mais aussi pour présenter cette enquête de Familles de France et Les essentiels de la rentrée scolaire, dont la liste n’a été mise en ligne par
les services de Luc Chatel que le 20 août, alors que le voyage organisé au
supermarché remonte au 17 (voir ici la vidéo ministérielle), M. Chatel ayant à présenter le lendemain
mardi son plan grippe, qui finalement respecte les recommandations européennes.
Fabien Abitbol, photo Daniel Guérin DR
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