En Europe, la publicité pour les médicaments dits « de prescription » en direction des patients est interdite. Bruxelles est sur le point de faire une entorse à cette règle, en autorisant les fabricants à « communiquer » sur les qualités de leurs produits. Les associations de consommateurs réitèrent leur désaccord.
On pensait la menace écartée pour un temps. Car fin octobre, au grand soulagement des associations de consommateurs, la commissaire européenne chargée de la Santé avait bloqué le projet d'autoriser les laboratoires à communiquer en direction du grand public sur les médicaments de prescription. Malheureusement, l'offensive a repris aussitôt. Pour, cette fois, aboutir : sous prétexte de garantir aux citoyens l'accès à des données fiables, Bruxelles vient d'adopter un « paquet pharmaceutique » comprenant un texte sur « l'information aux patients » par les fabricants. Il sera soumis à l'approbation du parlement européen et du Conseil. Une fois voté, il entrera en vigueur dans les 18 mois.
Concrètement, l'industrie pourrait, à sa guise, acheter des espaces publicitaires afin de vanter les caractéristiques de ses produits - en particulier leurs indications thérapeutiques - à partir du moment où elles auront été validées par les organismes de contrôle. Les fabricants auraient également toute latitude pour citer des essais réalisés par leurs soins, même si on sait depuis longtemps qu'ils ont poussé loin l'art de faire passer pour solides des études totalement partiales. Seule limite à ce nouveau pouvoir : la communication serait cantonnée aux sites Internet visés par les autorités et à la presse « santé ».
Faux-semblants
Mais pour le BEUC, qui fédère les associations de consommateurs au niveau européen, ces précautions ne sont que des faux-semblants. Et le projet entier n'est qu'une façon de légaliser la publicité pour les médicaments délivrés sur ordonnance. L'industrie, elle, obtient ce qu'elle cherche de longue date : les moyens de pousser le grand public à la consommation et de faire encore plus d'argent sur le dos des systèmes d'assurance maladie. « Peut-on imaginer que les firmes pharmaceutiques vont divulguer des informations impartiales sur leurs médicaments et même sur la possibilité de ne pas prendre de traitement, quand on sait qu'elles consacrent plus d'argent au marketing qu'à la recherche ? » s'interroge le BEUC.
Anne-Sophie Stamane, pour Que Choisir, photo : Commission européenne
⇒ La version française du « paquet pharmaceutique » est disponible ici.
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