Dominique de Villepin a une nouvelle fois dénoncé vendredi « l'instrumentalisation de la justice » par Nicolas Sarkozy dans l'affaire Clearstream en saisissant le Conseil d'Etat contre un décret du président prolongeant les fonctions de l'un des juges en charge du dossier.
Le Conseil d'Etat a confirmé à l'AFP le dépôt de cette requête de l'ex-Premier ministre en expliquant qu'il disposait de trois mois pour produire un mémoire et étayer sa demande. « Ensuite démarrera une instruction de la demande qui peut prendre plusieurs mois », a-t-on précisé.
« Notre requête ne vise pas à interférer sur le cours de la procédure (Clearstream, ndlr), M. de Villepin entend surtout dénoncer une nouvelle instrumentalisation de la justice par une des parties civile du dossier », a expliqué à l'AFP Me Yves Richard, l'un des avocats de l'ancien Premier ministre, en désignant le chef de l'Etat.
Sollicité par l'AFP, l'Elysée n'a pas souhaité faire de commentaire.
« Par décret du 31 octobre 2008, le président de la République a prolongé de 17 jours les fonctions d'un des deux juges d'instruction chargé du dossier Clearstream, Monsieur Henri Pons », a rappelé Me Yves Richard dans un communiqué.
Vice-président de l'instruction au pôle financier du tribunal de Paris, le juge Pons a été nommé par décret daté du 27 août 2008 à la cour d'appel de Montpellier où il devait prendre ses fonctions le 3 novembre.
Cette date de prise de fonction a été repoussée au 20 novembre par un décret du chef de l'Etat, paru au journal officiel le 1er novembre.
« Cette décision a pour effet de permettre à Monsieur Pons de poursuivre, avec Monsieur Jean-Marie d'Huy, le règlement de l'affaire Clearstream », a constaté Me Richard.
« L'engagement actif, personnel et public de la partie civile dans l'affaire Clearstream simultané à l'usage de pouvoirs présidentiels dans la même procédure constitue un détournement de pouvoirs au titre duquel M. de Villepin a saisi le Conseil d'Etat », a ajouté l'avocat.
« Il apparaît ainsi que le président de la République a usé de ses pouvoirs pour prendre une mesure qui ne sera pas sans conséquence sur le règlement d'une affaire dans laquelle il est une partie civile particulièrement engagée, ainsi qu'en témoignent ses prises de positions publiques », a écrit l'avocat.
Pour le conseil de M. de Villepin, « les circonstances de cette prolongation de fonctions, à quelques jours de l'échéance de la procédure, ne peuvent qu'affecter la sérénité et l'indépendance de l'institution judiciaire ».
Après quatre ans d'enquête sur une simple affaire de dénonciation calomnieuse muée en affaire d'Etat, le parquet de Paris a requis le 7 octobre le renvoi en correctionnelle de M. de Villepin.
Il revient maintenant aux juges Jean-Marie d'Huy et Henri Pons, qui ne sont pas tenus par les réquisitions du parquet, de se prononcer sur l'éventuel renvoi de l'ancien Premier ministre devant la justice.
Mais les magistrats devaient pour cela attendre le 7 novembre, la loi accordant un délai supplémentaire d'un mois aux parties pour formuler d'éventuelles observations complémentaires. Une date à laquelle M. Pons aurait dû se trouver à Montpellier.
En réalité, rien dans la loi n'oblige M. Pons à signer l'ordonnance Clearstream, le juge d'Huy, premier saisi, pouvant parapher seul le document même si les noms des deux magistrats sont étroitement associés à cette affaire.
Pierre Rochiccioli, pour l’AFP, photo : José Cruz, pour l’agence brésilienne de communication (2003)
⇒ Villepin accuse Sarkozy de « détournement de pouvoir » (Reuters, via LePoint.fr)
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