L’un des suspects était de confession israélite, selon la police
L'arrestation de six jeunes gens lundi à Paris (et non quatre comme précédemment indiqué) dans l'enquête sur des violences commises à l'encontre de trois jeunes juifs le 6 septembre rue Petit, dans le 19e arrondissement parisien, met à mal la thèse de l'agression antisémite, soutenue par le gouvernement et une partie de l'opposition.
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Il est de la police (ici le nouveau commissariat central du 19e) comme des élus : ceux localement implantés savent souvent mieux de quoi ils parlent dans les affaires à caractère local.
photo : préfecture de police de Paris
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L'usage d'un pistolet à billes par un jeune homme en direction d'un groupe d'autres jeunes passant dans la rue est à l'origine de l'incident, ont expliqué deux sources concordantes et proches de l'enquête. Mais la présence d'un suspect de confession juive parmi les agresseurs présumés arrêtés lundi affaiblit aussi, pour une de ces sources, la thèse d'une affaire antisémite défendue le 7 septembre par plusieurs associations de la communauté juive, le ministère de l'Intérieur et le porte-parole du Parti socialiste.
Selon le début des auditions, un des suspects aurait tiré une bille avec son pistolet, par jeu, vers un des trois jeunes juifs, ce qui aurait entraîné une riposte et une échauffourée, dit-on de même source. Il n'y a pas eu d'insultes antisémites.
La police va encore confronter les suspects et leurs victimes d'ici à la fin de la garde à vue, mercredi matin au plus tard, avant que la justice ne décide de la qualification à donner aux faits.
Dans un communiqué, la ministre de l'Intérieur, Michèle Alliot-Marie, avait condamné « les violences antisémites » commises à l'encontre des trois jeunes gens. Julien Dray, porte-parole du PS, avait également condamné ces faits dans un quartier « où les tensions sont très fortes et où des agressions antisémites répétées ont déjà eu lieu ».
Entre « tension » et « antisémitisme »
Le sénateur socialiste, maire du 19e, Roger Madec, fin connaisseur des lieux avait pour sa part « condamné avec la plus grande fermeté cet acte de violence et demandé à la police et à la justice de mettre tout en oeuvre pour arrêter et punir les auteurs et déterminer de manière exacte les circonstances et la motivation de cette agression », tout comme Jean-Christophe Cambadélis. Le député socialiste de la 20e circonscription de Paris (essentiel du 19e arrondissement) avait déclaré (aussi par voie de communiqué) : « Ca commence à faire beaucoup. Il faut maintenant prendre des mesures pour que cette tension cesse ». Il demandait « que les coupables soient identifiés et punis au terme de la loi » et que « le dialogue reprenne », estimant qu'il n'y avait « aucune raison pour que cette tension perdure dans ce quartier ». Le matin, invité sur Europe 1, Mgr André XXIII avait déclaré en substance qu’il ne fallait pas aller trop vite en besogne sur des conclusions et que la passé avait déjà montré ce que pouvait provoquer un emballement médiatique.
Si Mgr XXIII n’est pas un homme de terrain (au sens du 19e arrondissement), MM. Madec et Cambadélis sont a priori des personnes fiables. Qui ne demandaient que de la sécurité pour leurs (électeurs) concitoyens, contrairement à M. Dray, du même parti politique ou à Mme Alliot-Marie, membre du gouvernement et à la fois chargée de la sécurité (Intérieur) et des Cultes…
Dans le cadre de l’agression du jeune Ruddy, square Petit, le 21 juin, le fait divers avait rapidement fait le tour des médias sur le plan de l’antisémitisme.
Juste avant de prendre l’avion pour Israël, où elle accompagnait le président Sarkozy dans sa visite d’Etat, Mme Alliot-Marie était intervenue sur Europe 1 le dimanche matin… et avait parlé d’antisémitisme. Puis tous avaient embrayé, ou presque (le Grand rabbin Bernheim, à peine élu pour janvier 2009, s’était montré plus mesuré le dimanche soir). Mais sur les deux jeunes gens de 25 et 26 ans en détention provisoire depuis fin juillet pour « tentative de meurtre », avec la circonstance aggravante de l'antisémitisme (deux militaires, dont un domicilié dans le 19e), il semble que l’antisémitisme soit loin… Le scénario retenu initialement (une agression antisémite déclenchée par le fait que Rudy portait une kippa) a été démonté par l'enquête. Les policiers parlent maintenant d'une bagarre entre deux bandes qualifiées de « communautaires », l'une formée de juifs et l'autre de noirs. En décembre 2007, le jeune Ruddy (qui n’habite pas le 19e arrondissement au demeurant, mais en banlieue, dans cet endroit où la notion de « territoire » demeure très défendue) avait également été pris dans une rixe entre deux bandes, dans le 12e arrondissement, en plein pendant les fêtes de Hannouccah.
A l'autre bout de l'arrondissement, en revanche, un an plus tôt, on pouvait parler d'antisémitisme. L'affaire fut rapidement bouclée et jugée. Mais, la victime se dirigeant alors vers la synagogue de la rue Petit, qu'en aurait-il été si l'agression (verbale au début) avait eu lieu près de son point de destination ?
Fabien Abitbol, avec Reuters
⇒ La lecture attentive de cette dépêche AFP du 7 septembre au soir est riche d’enseignements.
⇒ M6 semble vouloir persévérer dans la thèse de l’antisémitisme dans l’affaire Ruddy, et a prévu une émission à quelques jours du Nouvel An du calendrier hébraïque.
« On dit souvent que la force est impuissante à dompter la pensée, mais pour que ce soit vrai, il faut qu'il y ait pensée. Là où les opinions irraisonnées tiennent lieu d'idées, la force peut tout. Il est bien injuste de dire, par exemple, que le fascisme anéantit la pensée libre. En réalité, c'est l'absence de pensée libre qui rend possible d'imposer par la force des doctrines officielles entièrement dépourvues de signification. »Simone Veil
Existe-t-il encore beaucoup de journalistes qui recoupent leurs sources ?
Les politiques devraient cesser de surfer sur la moindre agression pour se faire de la publicité, ils ne font que se ridiculiser avec leurs gesticulations médiatiques.
Ils devraient plutôt attendre les résultats des enquêtes et ne pas exacerber les tensions par leurs prises de position.
Rédigé par : raannemari | 16/09/2008 à 09h57
Je sais, je sais…
Autant en juin j'étais allé vite, mais prudemment, car il y avait la visite d'Etat en Israël du président Sarkozy qui avait lieu quelques heures plus tard et la presse locale ne parlait que de cela, autant, cette fois-ci, j'ai été plus que prudent et, bien que cela se passe près de chez moi, ai attendu près de deux jours pour publier le premier sujet.
Cette nuit, en revanche, j'ai réagi dès que j'ai eu connaissance des coups de couteau.
Rédigé par : Fabien | 16/09/2008 à 13h20