Ayant servi le IIIe Reich, 5 800 femmes pourront percevoir une (maigre) pension
Les femmes d'Alsace-Moselle incorporées de force dans les services paramilitaires du IIIe Reich pendant la Seconde Guerre mondiale, appelées les « Malgré-elles » par allusion aux « Malgré-nous » alsaciens, vont pouvoir être indemnisées après la signature d'une convention passé quasiment inaperçue, à Strasbourg. Signée peu après le 14 juillet entre le secrétaire d'État à la Défense et aux Anciens Combattants Jean-Marie Bockel (rétrogradé de la Coopération) et la Fondation entente franco-allemande (FEFA), la convention prévoit une allocation unique de 800 € (à réclamer entre le 1er septembre 2008 et le 31 décembre 2009) pour les quelque 5 800 Alsaciens et Mosellans, essentiellement des femmes, encore en vie, qui avaient été enrôlés de force dans le Reichsarbeitsdienst (RAD, service de travail du Reich) et le Kriegshilfsdienst (KHD, service d'aide à la guerre). Ironie de l'histoire, André Bord, président et fondateur de la FEFA a été par six fois ministre ou Secrétaire d'Etat aux Anciens combattants (trois gouvernements Messmer, un gouvernement Chirac, deux gouvernements Barre).
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Agé de 85 ans, André Bord, président et fondateur de la FEFA, a été débauché de l'Assemblée nationale… en 1967 après avoir été député deux mois. Parmi ses nombreuses fonctions gouvernementales, six fois aux Anciens combattants il fut nommé.
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Voici dix ans 1998, il y avait eu plus de 8 000 demandes de dédommagement, selon cet article paru dans l’Express en juillet 1999 et mis à jour en décembre 2003 pour indiquer que le dossier était sur le pont d’aboutir. Le RAD a été obligatoire dans l’Alsace-Moselle annexée en 1941 pour les hommes, et en 1942 pour les femmes qui rejoignaient après le KHD où elles étaient affectées dans les industries de guerre, les transports, l'administration ou encore les télécommunications.
Des décennies d’attente, pour des clopinettes
Plus de 65 ans après ces travaux forcés, plus de soixante ans après la fin de la Seconde Guerre mondiale, voici donc que « tombe du ciel » une allocation de 800 € (par… an), soit environ la moitié de l'indemnité versée aux 86 500 « Malgré-nous » indemnisés après un l’accord signé en 1981. Les caisses de l’Etat étant « vides », comme l’a dit M. Sarkozy le 8 janvier dernier, les 4,6 millions d'euros (maximum, sans compter les décès et les gens qui ne rempliront pas leur dossier avant le 31 décembre 2009) seront versés pour moitié par la France et pour moitié par la Fondation (FEFA). Une fois n'est pas coutume, les communiqués de presse de l'Elysée, des ministères ou de l'UMP n'ont pas fusé pour ce qui, en théorie, est une bonne nouvelle. Tardive, mais bonne. Notre omniprésident ou hyperprésident, enfin le mari de la chanteuse, l'homme qui a « cinq ou six cerveaux » ne s'est vanté de rien… Stupéfiant.
En juin 2009 se dérouleront en France (comme dans d’autre pays) les élections au parlement européen, et en mars 2010 sont prévues les élections régionales françaises. Cette reconnaissance fort tardive (de jeunes femmes essentiellement) qui avaient une vingtaine d’années à l’aube des années quarante a de quoi laisser perplexe. Il en reste moins de 6 000, contre au moins 8 000 sans le moindre battage en 1998. La machine à fabriquer des Anciens combattants se serait-elle mise en route subitement dans l’attente du retour de nos soldats de la Côte d’Ivoire, de l’Afghanistan, du Liban ou que sais-je encore ? Y aurait-il quelque malice à y voir une machine à fabriquer in extremis des électeurs votant « du bon côté » ?
Estimant clos le dossier des « Malgré-nous », Jean-Marie Bockel a souligné qu'« aucun montant » n'était « suffisant pour réparer les souffrances que ces personnes ont vécues ». Comme langue de bois, on a connu pire. Comme diplomatie aussi.
Germaine Rohrbach, présidente de l'Association des anciens incorporés de force (82 ans bon pied bon œil) a regretté pour sa part la somme, estimant que « 1 000 euros auraient été un minimum ». « Il est injuste que les femmes n'aient pas été indemnisées avant », a regretté Ady Rivet, présidente des Incorporées de force de la Moselle.
Pour visionner le reportage de France 3, cliquer ici.
Fabien Abitbol, photo Jean-Marc Loos
⇒ RAD-KHD, des victimes du nazisme enfin reconnues, par Nicolas Mengus, sur Comprendre l’incorporation de force.
⇒ La dépêche AFP du 17 juillet, via LePoint.fr
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