Coup de turbo sur L'Ecole en bateau
C’est cette fois à Papeete (Polynésie) qu’un animateur de l’association L’Ecole en bateau a été interpellé, la semaine dernière, dans le cadre de l’affaire désormais instruite à Paris par la juge Nathalie Dutartre, suite au retrait du dossier à la justice martiniquaise (pour cause de lenteurs, bien que la Martinique soit le département français, après la Guyane, le plus proche du Venezuela).
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L'interpellation de Papeete porte à trois le nombre de personnes aux mains de la juge parisienne Nathalie Dutartre dans ce dossier de pédophilie relancé deux fois. Les victimes grandissent, certaines deviennent trop âgées pour porter plainte, d'autres veulent oublier, et le principal mis en cause a déjà plus de 70 ans.
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La personne interpellée à Papeete la semaine dernière fait désormais l'objet d'un mandat d'amener et pourrait être présentée à la juge dans les prochains jours. Selon l’agence Thaitipresse en date du 3 juin à 15h14 locales, la personne interpellée à Papeete a déjà été transférée « de source judiciaire », ce qui n’était pas confirmé à Paris de source proche du dossier, ni à l’AFP mardi soir. Dans « l’ordre hiérarchique » des trois personnes jusqu’à présent interpellées, celle de Papeete est vraisemblablement l’une des moins responsables, mais sans doute l’une des plus intéressantes, dans la mesure où son âge et divers témoignages laissent à penser aux enquêteurs qu’elle a été victime d’abus sexuels ! « La personne mise en cause en Polynésie aurait joué un rôle bien moins important dans cette affaire, en ayant d'abord été elle-même victime de pédophilie, avant de tenir un rôle plus sombre. », écrit Thaitipresse.
Arrêté au Venezuela en mars dernier, Léonid Kameneff, fondateur de l’association, aujourd’hui âgé de 72 ans, et qui organisait des séjours en mer sur un ancien thonier est soupçonné de viols et d'agressions sexuelles sur une trentaine d'élèves jusqu’à la fin des années 1980. Au moins quatorze plaintes avec constitution de partie civile ont été déposées, et regroupées depuis 2002.
Extradé, il avait été arrêté à Roissy le 17 mai dernier, mis en examen pour « viols et agressions sexuelles sur mineurs de 15 ans par personne ayant autorité » et placé en détention préventive par le JLD. Son second, lui, avait été interpellé dans l’Aisne et aussi placé en détention, fin mars.
« Le voilier du viol », comme on appelle déjà le Karrek Ven dans le milieu journalistique des spécialistes de faits divers ou amateurs d'Audimat, fait l’objet de convoitises (et ceux qui l’ont fréquenté surtout). Ainsi, un « magazine d’investigation » de M6 est déjà sur le coup. Mais des « jeunes » (dont certains ont maintenant trente ans ou plus) souhaitent tourner la page. Par exemple l’un d’eux, dont la photo est la passion, avait entamé une carrière cinématographique, mais semble avoir, si j’ose dire, « replongé » dans la photo des mers. De « sa » Bretagne et des Confettis de l’Empire des diverses mers où la France est implantée et où le voiloier a pu l'emmener.
Climat libertin et dérive sectaire ?
Pourquoi une enquête martiniquaise ? Tout simplement pour deux raisons. La première, c’est un jeune homme de 26 ans (en 2002) qui dépose plainte à Paris, à la brigade de protection des mineurs (BPM) pour des sévices sexuels subis entre 1986 et 1991… en Martinique, alors que le « Karrek Ven », un ancien thonier, y faisait escale. Et l’on se rend compte que des plaintes, plus anciennes, ont mené Léonid Kameneff en prison en Martinique dans les années 90. Pour une courte durée, certes, mais c’est une piste. En fait, il n’y est resté que deux mois du fait d’un vice de procédure.
Dans l’espoir de relancer la machine, le jeune homme livre de nombreux détails. On apprend ainsi la « philosophie » de l'association pour « l'épanouissement intellectuel, psychologique et social de l'enfant ». Que certains membres de « L'Ecole en bateau » auraient encouragé les mineurs à satisfaire leurs pulsions entre eux d’une part, mais aussi avec les adultes.
Toujours d'après ce plaignant, il régnait un climat très libertin à bord du voilier pendant des séjours de plusieurs mois. L'entourage de Kameneff, lui, dénonce un complot. Les policiers parisiens retrouvent d'autres anciens élèves du « Karrek Ven » qui confirment les déclarations du plaignant. Les faits présumés s'étant déroulés dans les Caraïbes, l'affaire est transmise à un magistrat de Martinique.
Et là, le dossier va s'enliser, doucement mais sûrement. En 2006, les victimes présumées découvrent avec stupeur que rien n'a bougé. Le dossier est rapatrié en France hexagonale et confié à la juge Dutartre qui le confie de nouveau à la BPM.
Les policiers spécialisés ont identifié une trentaine de victimes - de jeunes garçons dans la grande majorité des cas - pour lesquels les faits ne seraient pas prescrits. Seule une partie d'entre eux se sont constitués partie civile.
Les aventures des adolescents fréquentant le « Karrek Ven » avaient fait l'objet d'émissions sur une chaîne publique dans les années 80.
L'association « L'école en bateau » prônait notamment « l'épanouissement intellectuel, psychologique et social de l'enfant », a expliqué une source proche du dossier, ajoutant que « le marin pédagogue aurait encouragé les adolescents à vivre nus ». Si une majorité d'enfants ont rapporté à la justice, selon cette source, avoir « passé un séjour formidable » à bord du thonier, d'autres ont dénoncé l'aspect sectaire et ambigu de l'éducation pratiquée. Ils ont notamment décrit des séances d'autocritique et d'accusation publique, des séances de massage ou de masturbation collective.
André Léger, avec agences
⇒ Le capitaine du Karrek Ven extradé (JDD, 9 mai)
⇒ Pédophilie : un animateur de « L’Ecole en bateau » interpellé en Polynésie (AFP/Dépêches de l’éducation)
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