Les bons résultats affichés en matière d'immigration de travail par Brice Hortefeux, jeudi 19 juin lors de sa conférence de presse, ont été obtenus grâce à un changement de mode de calcul. M. Hortefeux s'est félicité du « progrès spectaculaire de l'immigration professionnelle » : la proportion des cartes de séjour délivrées au titre du travail est passée, a-t-il expliqué, de 7 % du flux total des entrées durables en France en 2006, à 9,6 % en 2007 et même à 16 % sur les cinq premiers mois de 2008.
Le ministre a cependant omis de préciser que ce « rééquilibrage sans précédent » entre immigration familiale et de travail s'expliquait pour une bonne part par la prise en compte, dans les statistiques, des travailleurs européens de l'Est. Cette précision est importante. Car le nombre de travailleurs originaires des nouveaux Etats membres (NEM) de l'Union européenne (UE) a vocation à croître. En 2006, 3 421 personnes de ces pays sont ainsi venues s'installer en France pour travailler, 6 880 en 2007, et 4 079 sur les seuls cinq premiers mois de 2008. Ils représentent, en ce début d'année, près d'un tiers des salariés étrangers accueillis.
Régime dérogatoire
Jusqu'à une période récente, les tableaux officiels des flux migratoires ne prenaient en compte que les ressortissants des pays tiers, hors UE. Le gouvernement, encouragé par le chef de l'Etat à porter l'immigration économique à 50 % des flux migratoires, comptabilise désormais aussi les nouveaux Européens entrés dans l'Union depuis 2004. Ces derniers (à l'exception des Chypriotes et des Maltais) sont pour une période transitoire soumis à l'obligation de détenir une carte de séjour s'ils veulent travailler.
Cet habillage n'aura qu'un temps. Nicolas Sarkozy, lui-même, a annoncé, le 28 mai, l'ouverture, sans plus aucune restriction, du marché du travail aux ressortissants des NEM ayant rejoint l'UE en 2004. Cette ouverture sera effective dès le 1er juillet. Seuls, les Roumains et les Bulgares, qui n'ont intégré l'UE qu'en janvier 2007, resteront encore pour quelque temps soumis à un régime dérogatoire.
Dans son rapport annuel au Parlement sur « les orientations de la politique de l'immigration », le ministère s'interrogeait lui-même en décembre 2007, dans un encadré méthodologique, sur la prise en compte ou non des flux migratoires d'origine communautaire dans l'objectif d'une immigration économique à 50 %. Il reconnaissait qu'il ne s'agissait « pas à proprement parler de migration, mais de mouvements au sein d'une zone économiquement intégrée ». Il convenait toutefois qu'« une exception pourrait être faite » pour les NEM. Et ils évaluaient jusqu'à 15 % la contribution des nouveaux entrants dans l'UE à la réalisation de l'objectif de 50 % de l'immigration professionnelle.
Laetitia van Eeckhout, pour Lemonde.fr, photo AFP
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