A la maternité des Bluets, à Paris, le personnel soignant est inquiet. Inquiet qu’une possible suppression d’une vingtaine de postes couplée à une hausse de l’activité (avec 3 000 naissances prévues pour 2009 contre 2 700 cette année) altèrent la qualité des soins (lire ci-dessous). Cet hôpital privé à but non lucratif, situé à l’origine dans le 11e arrondissement de Paris, a intégré il y a un an le site de l’hôpital Trousseau (12e). Mais ce déménagement « dans des locaux 2,5 fois plus grands avec un personnel équivalent » ne s’est pas fait sans mal, soulignent les membres du personnel.
Va-et-vient
Infirmières, sages-femmes, pédiatre, psychologue, tous craignent une « remise en cause des valeurs de l’hôpital » : disponibilité du personnel, écoute et accompagnement des femmes dans le strict respect de leurs souhaits pour l’accouchement et des mesures de sécurité. « Nous ne voulons pas d’une usine à bébés où les mamans seraient renvoyées chez elles au bout de trois jours », explique Virginie Gossez, sage-femme depuis vingt-cinq ans et déléguée du personnel (SUD). Le téléphone à la main, elle fait des va-et-vient, passant d’une chambre à l’autre pour voir ses patientes.
Dans les locaux flambant neufs et calmes aux couleurs chaudes, les jeunes mamans restent en moyenne cinq jours après la naissance de leur bébé. Toutes installées en chambre individuelle avec douche privée, espace pour le nouveau-né et fauteuil pour permettre au père de rester le soir. « Mon mari a dormi ici trois nuits, ce qui m’a permis de me reposer quand mon bébé pleurait », précise Caroline, maman d’un garçon de cinq jours qui se tortille dans sa grenouillère rouge. « Mon mari a d’ailleurs fait tous les cours de préparation avec moi. » Car ici l’accouchement se prépare très en amont. Un premier rendez-vous est programmé avec les sages-femmes dès le quatrième mois de grossesse. Les patientes reviennent ensuite à partir du septième mois, pour huit séances de préparation à l’accouchement. « On crée les moyens de devenir parents en essayant d’apporter des réponses à leurs angoisses », juge Martine Chosson, conseillère conjugale et familiale. « On cherche à offrir à chaque femme un accompagnement personnalisé en étant attentives à leurs demandes. Par exemple, dans quelle position elles souhaitent accoucher », confie Michèle, sage-femme depuis 2004. « Mais, avec la hausse du nombre de femmes qui viennent ici sans hausse du nombre de personnels, on va être amenées à faire du bricolage », soupire-t-elle. Une de ses collègues explique qu’il sera plus difficile de s’occuper de trois patientes en train d’accoucher sans péridurale : « Quand on a peu de patientes, on a le temps d’attendre, même si le travail est long. Par contre, plus on a de personnes, moins on a de temps pour chacune d’entre elles. C’est mathématique .» Avant de souligner que le personnel est de plus en plus « irritable » et « fatigué ».
Saturation
Un jeune papa, pull bleu et écharpe bronze, soutient les revendications du personnel. « Je suis admiratif de leur disponibilité », commente Denis. Il sourit en repensant à la réaction de ses parents quand, avec sa femme, il a choisi cette maternité : « Pour eux, c’était un truc baba cool, limite une secte. Moi, je vois au contraire une totale sécurité médicale et un confort complet pour la mère et l’enfant. » Victimes de leurs succès, les sages-femmes enregistrent un nombre croissant de demandes d’inscription. Avec l’inquiétude d’une saturation des lieux qui entraînerait un travail à la chaîne. Fort du soutien des parents, le personnel appelle à manifester le 8 mars. Date de la journée de la femme.
Marion Mourgue, pour Libération, illustr. Ecole des Parents
Restrictions dans toutes les régions
La maternité des Bluets est l’une des victimes de l’équilibre budgétaire imposé par l’Agence régionale de l’hospitalisation (ARH). L’ARH planifie ainsi une « nouvelle restructuration » avec « 10 à 20 suppressions de postes », expliquent les membres du personnel, sur un effectif total de 170 personnes.
Cette situation n’est pas un cas isolé. L’année dernière, quelques jours après sa nomination en juin, la ministre de la Santé, Roselyne Bachelot, avait manifesté son intention de « forcer le pas sur les restructurations » hospitalières. Au grand désespoir des défenseurs des hôpitaux de proximité. A l’approche des municipales, ils ont décidé de se mobiliser contre «une logique purement comptable». Dans les départements de la Nièvre et de l’Yonne, une centaine de maires ont choisi, en début de semaine, de boycotter les élections organisées les 9 et 16 mars pour dénoncer la fermeture de la maternité de Clamecy (Nièvre), prévue le 31 mars.
M. M.
Commentaires