La police italienne a retrouvé la sœur du docteur scientologue
Lorsque, le 22 février, l’Humanité titrait Les sectes font bon ménage avec l’Elysée, comme allusion aux propos tenus dans VSD par Emmanuelle Mignon (propos qu’elle avait par la suite démentis), le quotidien fondé par Jaurès ne croyait pas si bien dire. Une semaine plus tard, on apprend que la police italienne vient de libérer la sœur de l'un des pontes de la scientologie en France…
Un mois plus tôt, en Sardaigne, des Français avaient été arrêtés, qui été membres de l’Eglise de scientologie, nommément visée par la directrice de cabinet du président Sarkozy… et qui séquestraient Martine Boublil, 48 ans, Française originaire de Tunis (scolarité au lycée Carnot) et dont le frère n’est autre que le docteur Claude Boublil, médecin de son état, haut personnage de la Scientologie à Paris, initié à l’OT8.
Martine Boublil aura été séquestrée plusieurs semaines dans une maison isolée de la Sardaigne. Cette ancienne scientologue, et sœur de l'un des plus hauts « gradés » en France, Claude Boublil, a été retrouvée fin janvier après un mois et demi de séquestration dans des conditions sanitaires abominables. Un enfermement visiblement organisé par son frère qui aurait commencé - d'après ses déclarations - quatre mois plus tôt, sur le sol français.
Hospitalisée depuis sa libération, elle doit être rapatriée en France en début de semaine.
Le député Jean-Pierre Brard, qui surveille les dérives sectaires depuis plus de dix ans (notamment celle-ci dans le 12e arrondissement), aurait voici peu avisé le Quai d’Orsay du cas de Mme Boublil.
Ceci explique peut-être l’agacement et la mise en route de certaines actions par Mme Alliot-Marie, ce qui avait surpris la Mission interministérielle de lutte et de vigilance contre les dérives sectaires (Miviludes) qui, comme son nom l’indique, dépend du Premier ministre.
L’affaire Boublil est désormais entre les mains de la justice italienne. Qui a remis en liberté les quatre personnes interpellées (dont Claude Boublil) après les avoir assignées à résidence. Pour ensuite les laisser quitter l’Italie.
Du côté de l’Eglise de Scientologie, si prolixe d’habitude, rien de la part de sa porte parole Danièle Gounord, qui s’est contentée de déclarer au Parisien : « Il s'agit d'un drame familial. Cela concerne des individus d'une même famille, c'est un drame familial. Qu'est-ce que l'Eglise de scientologie à avoir avec cela ? »
A. L.
⇒ Attention : vos enfants regardent !
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« J'ai vécu l'enfer... »
En état de choc après sa libération, Martine Boublil se reconstruit peu à peu. Aujourd'hui, elle attend avec impatience son retour en France, malgré sa peur d'y redevenir la proie de ses geôliers.
Etes-vous membre de l'Eglise de scientologie ?
Martine Boublil. Plus depuis longtemps. J'y suis rentrée en 1978, j'avais 18 ans. J'ai toujours beaucoup aimé Claude, l'aîné de mes deux frères. Il a eu beaucoup d'influence sur moi. C'est lui qui m'a incitée à suivre un soi-disant « cours de communication ». En fait c'était la scientologie. Sans tout comprendre, j'ai découvert une théorie qui me passionnait à l'époque. Puis je suis devenue superviseur de cours. J'ai appris à me servir de l'électromètre (NDLR : un instrument électronique permettant de « mesurer l'état mental des individus »), j'ai grimpé les échelons. Au bout de huit ans, je m'en suis éloignée.
Pour quelles raisons ?
Je me suis rendu assez vite compte que, derrière la théorie, les gens qui disent la servir ne sont pas honnêtes. Les dirigeants, je les connais bien, ne veulent au fond qu'une chose : l'argent et la puissance. Ils manipulent. Je l'ai dit tout haut, ça a gêné, je me suis plus ou moins fait virer. Mais par la suite, mon frère est devenu l'un des plus importants d'entre eux.
Qu'avez-vous fait par la suite ?
J'ai vécu en donnant des cours de soutien scolaire tout en gardant des liens avec des amis scientologues. Il y a quelques années, j'ai fait une grave dépression. Claude m'a reprise sous sa coupe. J'ai été hospitalisée une première fois, contre son avis, pendant cinq jours. Il m'en a fait sortir : les scientologues combattent la psychiatrie avec une vigueur absolue. Lorsque ma mère est morte, en juin 2007, mon second frère, Gilbert, qui est médecin lui aussi mais n'est pas scientologue, m'a à nouveau fait interner. En août, Claude, qui cette fois m'a enlevée de l'hôpital, m'a emmenée de force en Normandie, dans une maison qui appartient à un scientologue. Puis dans la Sarthe, et enfin en Sardaigne. C'est à Nuoro, à partir de décembre, que mes conditions de vie ont été les pires.
« Au début, je dormais assise sur une caisse »
Qu'y avez-vous vécu ?
L'enfer... (long silence) C'était bien organisé. Les deux jeunes me surveillaient (NDLR : Julien Q. et Rachid K.), parce que je ne devais pas sortir de ma chambre, au premier étage. Enfin, c'était une pièce dégoûtante, avec seulement un matelas par terre. Au début, je dormais assise sur une caisse. Les autres dormaient en bas, dans le salon. La femme (NDLR : Marie D.) s'occupait de l'intendance. Ils ne m'adressaient pas un mot. Pour dire oui, ils clignaient des yeux, pour non, les laissaient ouverts. Ils m'apportaient de la nourriture, essentiellement des « cordons bleus », matin, midi, soir, et des fruits. Pour faire mes besoins, j'avais une bassine. Pour vêtement, un tee-shirt. Je n'ai pas pu me laver non plus. Si je voulais sortir de ma chambre, on m'y repoussait violemment.
Comment avez-vous fait pour vous sortir de cette situation ?
La maison où j'étais détenue était mitoyenne d'une autre. Mi-janvier, avec un tube de rouge à lèvres qu'on m'avait laissé, j'ai écrit « SOS ! », « Aiuto ! » (au secours en italien) sur une boîte vide, sur un vieux bout de journal. J'ai lancé mes messages dans le jardin des voisins, qui ne venaient dans cette maison que le week-end. C'est eux qui ont prévenu la police.
Vos geôliers présumés avancent, pour justifier votre séquestration, qu'ils voulaient « vous aider ». Qu'en pensez-vous ?
C'est faux ! C'est pour mon bien qu'on m'a séquestrée ? Maltraitée au point de n'en plus pouvoir marcher ? Ces gens sont des menteurs, des escrocs. Dès que je rentre à Paris, et que je suis en sécurité, je porte plainte. Je veux que les gens qui m'ont fait du mal soient jugés.
Propos recueillis par Anne-Cécile Juillet, pour Le Parisien, photos Aurélie Audureau
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