Dans un entretien au Parisien/Aujourd’hui-en-France publié ce matin, la ministre de la Santé, docteur en pharmacie, annonce la mise en « libre-service » de certains médicaments (environ trois mille), au mois d’avril, mais uniquement dans les pharmacies. Elle pense ainsi que les consommateurs les malades feront jouer la concurrence et éviteront certains pièges.
Parallèlement, le groupe pharmaceutique Sanofi-Aventis, qui a des problèmes de patentes avec certains médicaments, lance un emprunt et est visé par une enquête européenne.
Et Mme Bachelot-Narquin est « optimiste » sur un accord pour le paiement des heures supplémentaires dans les hôpitaux.
F. A.
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Nicolas Sarkozy et Roselyne Bachelot, la ministre de la Santé, de la Jeunesse et des Sports lors du match de football France-Ukraine, Paris, le 2 juin 2007.
Photo Wojazer/Reuters
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Bachelot : « La concurrence fera baisser les prix »
Le pouvoir d'achat se défend aussi dans les pharmacies. La ministre de la Santé nous dévoile son plan pour réduire les prix de certains produits. Mesure principale : d'ici avril, ils seront vendus en libre-service. Mini-révolution en vue dans les pharmacies. D'ici trois mois environ, vous pourrez piocher directement dans les linéaires certains médicaments. Jusque-là, seuls les produits de parapharmacie étaient en accès libre.
Un accord a été trouvé avant-hier entre le ministère de la Santé et les professionnels concernés. Objectif de ce coup de pouce à l'automédication : faire bénéficier le patient d'une baisse importante des prix, en faisant jouer la concurrence. Les explications de Roselyne Bachelot, la ministre de la Santé.
Qu'attendez-vous de la vente en libre-service de certains médicaments dans les pharmacies ?
Roselyne Bachelot. Ces médicaments seront en libre-service dans les pharmacies, mais encadrés par un conseil personnalisé de la part du pharmacien. J'en attends une amélioration de l'information, plus de choix et une baisse importante des prix publics de ces médicaments. Quand un produit est vendu devant le comptoir, vous pouvez plus facilement comparer les prix. On est dans une démarche de concurrence dont on sait qu'elle fait baisser les prix. Les officines s'inscrivent aussi dans l'objectif national d'amélioration du pouvoir d'achat. Pour les y aider, nous allons aussi créer un statut de centrale d'achats. Je travaille à un décret. Ce texte permettra aux pharmaciens d'acheter à prix concurrentiel des médicaments non remboursables.
Quand les consommateurs pourront-ils trouver des médicaments devant le comptoir ?
Au cours du deuxième trimestre de cette année. Mais les pharmaciens restent libres. Ceux qui voudront continuer à mettre leurs médicaments derrière leur comptoir pourront le faire. Pour les autres, nous veillerons à ce que l'accès aux produits demeure encadré, avec des prix lisibles et une information de qualité du patient. Les patients aujourd'hui veulent être des acteurs de leur propre santé, ils veulent être plus autonomes, tout en pouvant avoir les conseils de professionnels avisés ; c'est cette dualité que je veux accompagner. Quant au prix, il y aura des évaluations. Mais je suis confiante, tout le monde à intérêt à jouer le jeu, y compris les laboratoires…
Est-ce vraiment si sûr, quand on voit la flambée des prix de certains médicaments déremboursés ?
Je condamne avec la plus grande fermeté ces dérapages, même si, globalement, on ne peut pas dire que le déremboursement a amené des augmentations de prix. Je vais rappeler sérieusement à l'ordre les laboratoires concernés.
« 3 000 produits sont potentiellement éligibles »
Quels vont être les médicaments vendus en accès libre ?
Environ 200 spécialités, répondant aux critères de sécurité définis par l'Afssaps, ont été déjà identifiées. Il s'agit d'antalgiques, d'antitussifs, de médicaments ORL, dermatologiques ou de spécialités indiquées en gastro-entérologie, en ophtalmologie, mais aussi des produits de sevrage antitabagique. C'est une première liste, sachant qu'au total 3 000 produits sont potentiellement éligibles. Mais je ne veux pas faire du volume. On reste dans une démarche de santé publique. Nous serons vigilants sur le choix. Cet accès libre concernera uniquement les médicaments délivrables hors prescription. Qu'ils soient remboursables ou pas n'a pas été le critère de sélection, ce sont des critères de sécurité sanitaire qui nous ont guidés.
Y compris les antidouleurs ?
Aux Etats-unis, leur surconsommation est responsable de 56 000 hospitalisations chaque année et les autorités sanitaires s'inquiètent.
Est-ce bien prudent ?
C'est aussi pour cela que nous souhaitons une signalétique bien adaptée pour ces produits. Pouvoir vendre des médicaments devant le comptoir ne signifie pas, effectivement, faire n'importe quoi. L'agencement doit être bien identifié, avec des messages d'éducation thérapeutique précis et les produits proches du comptoir du pharmacien. Pour l'aspirine, le paracétamol, l'ibuprofène, des fiches d'information détaillées seront mises à disposition. Ce sont des produits de consommation courante, mais ils ne sont pas pour autant anodins. Ils ont des indications, des contre-indications, des effets iatrogènes (NDLR : provoqués par la prise de deux médicaments incompatibles).
N'est-ce pas une façon déguisée d'inciter le consommateur à ne pas passer par la case médecin, donc Sécurité sociale ?
Cela n'a rien à avoir avec ce dossier, même si on peut parfois s'étonner de certains comportements. Quand, en France, on voit que 90 % des consultations se terminent par une prescription, contre 43 % aux Pays-bas, il y a de quoi s'interroger. Qu'il y ait des marges d'efficience pour obtenir les mêmes résultats de santé publique en consommant moins de médicaments, certes… mais ce n'est pas le but. Cet objectif, nous le poursuivons à travers d'autres démarches, le parcours de soin, la maîtrise médicalisée.
Propos recueillis par Aline Gérard, pour Le Parisien
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