Un portrait de Jean-Baptiste Eyraud, l’un des fondateurs du DAL en 1990, porte-parole de cette association, qui vit encore dans le 20e. Sur la page d’acueil de ce blogue, à la rubrique « Blogues et sites militants » (créée ce matin) se trouve un fil intitulé En direct de la rue de la Banque, pour accéder directement au « blog du campement ».
Ses poignets sont encore rougis par les « Serflex ». Deux stigmates de son arrestation musclée le 11 octobre par les CRS devant son squat rebaptisé « ministère de la crise du logement ». Sale temps pour « Babar ». Et pourtant il sourit derrière ses petites lunettes et ses cheveux gris en bataille. Si son bref passage en prison peut servir la cause, Jean-Baptiste Eyraud - dit « Jean-Babar », dit « Babar » - est prêt à recommencer. L'immeuble qu'il occupe avec plusieurs dizaines de familles rue de la Banque, à Paris, est devenu un des hauts lieux de la lutte des sans-logis. Disciple de l'abbé Pierre, de Léon Schwartzenberg et d'Albert Jacquard, « Babar » a une âme de martyr. Né en 1954 à Paris, fils d'artistes bohèmes, il est élevé par ses grands-parents maternels. A 16 ans, déjà, il pétitionne, manifeste. Pour calmer son asthme et ses ardeurs contestataires, il est envoyé dans un internat des Hautes-Alpes. Après son bac, il touche à tout. Bûcheron, maçon, animateur de colo, charpentier, défenseur des bidasses et des saisonniers... De retour à Paris, il construit des décors de théâtre et vit dans des squats. En 1986, un hôtel brûle place de la Réunion, près de chez lui. Les familles sont jetées à la rue. « J'ai découvert la question de la crise du logement », dit-il. Avec d'autres militants, il les installe dans un immeuble vide et crée un comité des mallogés, qui deviendra le DAL en octobre 1990. « Le syndicat des sans-logis », plaisante-t-il. « Babar » considère le logement comme « un droit fondamental ». Lui-même vit modestement dans un HLM du 20e à Paris avec sa femme, qui milite pour la défense des handicapés, et leurs trois enfants. « Et je paie mon loyer », tient-il à préciser.
Léna Mauger, pour Le Nouvel Observateur du 1er novembre
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Depuis un mois maintenant, la Rue de la Banque est sous haute surveillance policière. Et depuis la fin octobre, les expulsions du trottoir se multiplient.
(Photo DAL)
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Les associations maintiennent la pression sur Christine Boutin
Une rencontre pour rien, ou presque. C’est un peu le sentiment qui est ressorti vendredi soir, après que Jean-Baptiste Eyraud, porte-parole du Droit au logement (DAL), a rencontré pendant près de deux heures le chef de cabinet de la ministre du Logement, Christine Boutin. « La situation n’a pas beaucoup évolué, mais le dialogue n’est pas rompu », a assuré Jean-Baptiste Eyraud.
Comme prévu, le DAL n’a pas voulu remettre la liste des mal-logés comme le demandait la ministre. Tout juste remettra-t-il lundi « une description à grands traits » de la situation des familles, à savoir, sur les 300 concernées, 80 % qui vivent à l’hôtel, 10 % chez un tiers et 10 % étant menacées d’expulsion.
Bout de trottoir
Rue de la Banque, les familles restent déterminées, malgré une cinquième évacuation jeudi matin. Plus de traces de tentes sur le trottoir, mais toujours des femmes, des enfants, des hommes, adossés à la façade du Ministère de la crise du logement, ce bâtiment squatté par plusieurs associations d’aide au logement. « On n’a même plus le droit de s’asseoir, sinon ils nous tombent dessus », lâche Paulette, membre du DAL, en désignant d’un geste les gendarmes. Fermement évacués la veille et l’avant-veille par les forces de l’ordre, la plupart des mal-logés qui campaient depuis début octobre sur ce trottoir parisien se sont retranchés dans les locaux du Ministère de la crise du logement, entre 150 et 200 personnes selon le DAL. « Légalement, les forces de l’ordre n’ont pas le droit d’intervenir à l’intérieur de l’immeuble, donc pour les mal-logés qui campaient dans la rue, ici il y a un côté “résidence diplomatique” », explique Fanny, membre de Jeudi noir, l’association à l’origine de l’occupation de l’immeuble en décembre 2006. A la porte du bâtiment, on monte la garde. « La relève ! » s’exclame Paulette. Des femmes entrent alors dans l’immeuble, d’autres en sortent.
Djidrin et Abdou Aziz, eux, ne bougent pas de leur bout de trottoir. « Quoi qu’il arrive maintenant, on restera là. Même si ça doit devenir ma tombe », lance le second en faisant le signe de tracer un carré dans le bitume autour de lui. Ce Sénégalais, en France depuis dix ans et titulaire d’une carte de séjour, porte un atèle au poignet, « souvenir de l’évacuation d’hier ». A côté de lui, Djidrin, d’origine malienne, renchérit : « Ils peuvent nous évacuer à nouveau, on reviendra. C’est un peu le chat et la souris. » Laveur de carreaux le jour, commis de cuisine la nuit, il dit payer sa chambre d’hôtel 20 euros par jour et par personne, soit 3 000 euros par mois pour sa famille de cinq personnes, et ce depuis quatre ans, avec une aide de la mairie « de 500 à 1 000 euros par mois », selon sa fiche de salaire.
Cordons de CRS
Jeudi, le front des mal-logés s’est élargi à la place Stalingrad, dans le 19e, où une centaine de personnes se sont installées à l’initiative du CAL (Comité actions logement), pour y passer la nuit, sous une banderole « Relogez tous les mal-logés ». Sous la pression policière qui entourait les manifestants – deux cordons de CRS selon le CAL –, ils ont choisi de lever le camp en fin de soirée. « On est parti sous la contrainte, menacés d’expulsion par le directeur de cabinet du préfet de police. Il nous a dit appliquer les propos de Christine Boutin », explique Pascal Bidaux, membre du CAL. Mercredi, la ministre du Logement s’était dite « déterminée à ne pas tolérer que des campements s’installent dans Paris ».
« Maraudes »
Pourtant Christine Boutin pourrait faire face à une nouvelle action des Enfants de Don Quichotte. Fin septembre, Augustin Legrand avait annoncé de nouvelles tentes sur et autour du Pont des arts. « On va essayer de mettre des gens à l’abri cet hiver, vers la mi-novembre », assure-t-il, en dépit de « l’argent qu’il faut trouver pour acheter des tentes » et des « maraudes à lancer ». L’acteur engagé, qui se réjouit « du front commun associatif » qui s’organise, compte bien ne pas relâcher la pression : « 7 000 personnes dorment dehors à Paris. Ces gens sont désespérés. Sur les 27 000 places promises en janvier par Jean-Louis Borloo, alors ministre de la Cohésion sociale, il en manque 14 000. S’il faut faire un hiver 54 tous les ans, on le fera. »
Cordélia Bonal et François Vignal, pour Libération du 3 novembre
A voir et à lire :
⇒ A Paris, un campement de mal-logés installé rue de la Banque, par Zineb Dryef, pour Rue 89 (4 octobre)
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