Vers la fin de la raison d’Etat
L’Ivoirien Jean-Tony Oulaï, celui-là même dont le nom revient très souvent dans la disparition en avril 2004 à Abidjan, du journaliste franco-canadien Guy-André Kieffer, mesurait-il toute la gravité de son acte ? Ou bien, s’est-il tout simplement trompé de pays et d’époque ? Aux deux convocations qu’il a reçues de la justice française, l’ex-membre des services spéciaux ivoiriens, placé sous contrôle judiciaire en France, n'a pas répondu, d'où son interpellation. Ce que, évidemment, n’aurait pas osé Dominique de Villepin, tout Premier ministre de France qu’il a été. Alors, pourquoi Oulaï a-t-il bravé, défié la justice française ?
Oulaï devrait, en tout cas, se le tenir pour dit : la Côte d’Ivoire n’est pas la France. Encore moins la France sous la présidence Sarkozy où certaines affaires africaines de l’Elysée, jadis classées top secret pour « raisons d’Etat », sortent de plus en plus des tiroirs secrets de la Présidence pour être connues de la Justice et devenir ainsi des affaires relativement ordinaires. Au demeurant, il est quasi certain que l’affaire Guy-André Kieffer n’aurait sans doute pas connu cette nette évolution sous la présidence Chirac.
Toutefois, de quelle marge de manœuvre Sarkozy dispose-t-il, à un moment où les relations entre la France et la Côte d’Ivoire tendent à la normalisation sur fond de désir de préservation des intérêts mutuels ?
Quoi qu’on dise, Jean-Tony Oulaï a sans doute réalisé qu’il court moins de risques pour son intégrité physique, en séjournant en France qu'en Côte d’Ivoire. Sous cet angle, il devrait se sentir moins malheureux à l’idée de n'avoir à subir que la rigueur de la loi française.
En tout état de cause, pour les familles de la victime, c’est déjà un soulagement, un pas de franchi, que Jean-Tony OulaÏ soit aujourd’hui entre les mains de la justice française. Quant à savoir si la vérité triomphera, suite à la relance de l’affaire, c’est là, une autre paire de manches. Mais on s’achemine vers la fin de la raison d’Etat. Ce qui, en soit, est un signe encourageant.
© Cheick Beldh’or Sigué, pour Le Pays, quotidien indépendant burkinabé d’informations générales, du 19 octobre.
—————
A lire :
⇒ Arrestation de Tony Oulaï avant- hier en France : sa famille soupçonne un mauvais coup, sur les conditions de l’arrestation de Jean-Tony Oulaï, avant-hier à Paris, dans L’Inter, tabloïd ivoirien d’informations nationales et internationales.
⇒ « Une enquête qui n’ira peut-être pas jusqu’aux commanditaires », par Robert Marmoz, correspondant du Nouvel observateur à Lyon.
⇒ « L'assassin présumé a été arrêté, mais pas les commanditaires », par Aline Richard, présidente de l'association Vérité pour Guy-André Kieffer.
⇒ L’Article 224-1 du Code pénal (français) sur l’enlèvement et la séquestration.
⇒ Disparition de Guy-André Kieffer : La famille du journaliste et Reporters sans frontières portent plainte en Côte d’Ivoire, sur le site de Reporters sans frontières (27 avril 2004).
⇒ Trois ans après le kidnapping de Guy-André Kieffer, Reporters sans frontières, la famille du journaliste et les comités de soutien restent mobilisés, sur le site de Reporters sans frontières (16 avril 2007).
⇒ Nicolas Sarkozy a reçu la famille de Guy-André Kieffer (23 août 2007, sur ce blogue).
⇒ Le président de la République prend des engagements auprès de la famille de Guy-André Kieffer, sur le site de Reporters sans frontières (23 août 2007).
⇒ Le dépôt d’une plainte de Jean-Tony Oulaï contre Bernard Kieffer (le frère cadet de Guy-André) et le juge français Patrick Ramaël, l’un des deux magistrats chargés de l’affaire (dépêche AFP-Abidjan du 31 août 2007).
Pioché dans La Lettre du Continent du 25/10/07 :
Les amis socialistes de Gbagbo
Qui - en utilisant l'adresse IP de l'Assemblée nationale - a retouché l'article du Wikipédia consacré à Henri Emmanuelli pour supprimer toute mention de son amitié avec Laurent Gbagbo tandis que ce dernier traite toujours le député socialiste des Landes de « frère jumeau » ?
Rédigé par : André | 04/11/2007 à 21h47