Malgré des ventes en hausse de 7 % depuis le début de l'année, le journal peine à séduire les annonceurs. Sa nouvelle formule répond notamment à cet objectif.
« Redonner le goût de l'avenir » : telle est l'ambition affichée de Laurent Joffrin avec la nouvelle formule de Libération, en kiosques à partir du 15 octobre. En réalité, le PDG du quotidien veut surtout redonner le goût de Libé au marché publicitaire. Depuis qu'il a été appelé à la rescousse en novembre 2006, il a réalisé que la tâche n'était pas aussi facile qu'elle y paraissait. Ainsi, au lieu des 12 millions d'euros de recettes publicitaires sur lesquelles avait tablé la nouvelle équipe dirigeante, Libé ne devrait en engranger que 8 à 9 millions d'ici à la fin de l'année. Pour expliquer ce manque à gagner, le PDG avance le renouvellement des équipes de la régie Espaces Libération, la morosité du marché publicitaire mais aussi l'image du journal, égratignée par ses crises à répétition et son contenu « anxiogène ».
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Mi-octobre 2003 déjà, Libé se cherchait à nouveau, à l'occasion de ses trente ans.
Cette fois, le cabinet de Nata Rampazzo a apporté de la couleur et de la modernité au titre, qui souhaite redonner à ses annonceurs l’envie des « coups de pub » d’antan.
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Avec ce relifting, mis en scène par le cabinet de Nata Rampazzo, Laurent Joffrin espère donc renouer avec l'heure de gloire de Libération, habitué aux « coups de pub » dans les années 1980-90. « Pour cela, Libération doit redevenir tendance et apparaître en phase avec son époque », résume-t-on chez OMD. D'où la nouvelle recette éditoriale que le directeur du développement du titre, Max Armanet, résume ainsi : « Nous serons la chambre d'écho de l'avenir. » Et Laurent Joffrin de renchérir : « Nous défricherons ce qui arrivera demain dans des domaines aussi variés que la politique, l'économie ou la culture. »
Pour parvenir à cet objectif, le journal sera tout en couleurs et s'ouvrira sur huit pages de choix éditoriaux (L'Événement, L'Homme du jour, Le Contre-journal, L'Instantané et Le Making of de l'info). Reste la question de la couleur politique de Libé. Fait-elle peur aux annonceurs ? « Nous ne mettrons pas notre drapeau de gauche dans la poche, mais nous serons plus constructifs que par le passé », prévient Laurent Joffrin. De quoi satisfaire cet observateur qui suggère à Libération d'être « l'éclaireur d'une opposition politique complètement déboussolée ».
David Medioni et Muriel Signouret, pour Stratégies
⇒ Un publicitaire
Oui. Benoit Devarrieux, coprésident de l’agence H : « Le discours de Laurent Joffrin me semble plus important que la nouvelle formule. Quand le PDG de Libération parle de "redonner le goût de l'avenir" ou de "faire de Libé le laboratoire du futur", cela va dans le bon sens. Libération doit retrouver l'image d'un journal qui comprend son époque, qui est dynamique. Pour séduire de nouveau les publicitaires, Libé doit redevenir subversif et critique, sans être caricatural. La nouvelle formule marque l'avènement d'une nouvelle ligne éditoriale incarnée par Joffrin. »
⇒ Un annonceur
Oui. Didier Beauclair, chargé des médias à l’Union des annonceurs. « En tant que lecteur, je trouve la nouvelle formule agréable et sympathique. Avant de reconquérir la publicité, Libération doit reconquérir des lecteurs. L'un ne va pas sans l'autre. Le dynamisme éditorial doit aller de pair avec le dynamisme commercial. Le discours tourné vers l'avenir peut faire venir les publicitaires. Par ailleurs, la couleur et les photos supplémentaires insérées dans cette nouvelle maquette offrent de nouvelles possibilités pour une éventuelle campagne. »
⇒ Un conseil médias
Oui. Virginie Viot-Delain, directrice médias achat presse chez OMD. « Il est clair que Laurent Joffrin a enclenché une véritable opération de séduction depuis son arrivée. Avec lui, Libération restera Libération. Le journal doit à présent refaire parler de lui. Le passage au tout-couleur est positif car il va offrir davantage de possibilités techniques aux annonceurs. Mais ces illustrations doivent rester au service du contenu. Le journal ne doit pas devenir un "Petit Illustré". Il a tout intérêt à faire valoir ses plumes et sa couleur politique, d'autant que son niveau de diffusion est sain. »
⇒ Un tendanceur
Non. Vincent Grégoire, directeur de création au cabinet Nelly Rodi. « La machine s'est cassée. Ce n'est plus le journal subversif et percutant que les gens branchés aimaient. Et ce n'est pas juste une enveloppe plus graphique qui va changer la donne. Il manque à Libé une impertinence plus aristocratique. Son humour décalé est devenu agressivité, son élégance décadente s'est perdue. Désormais, c'est Le Parisien qui incarne le côté populaire, interactif et ludique de la presse. Avec la nouvelle formule, on a l'impression que Libération est mis sous respiration artificielle. »
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