« Je me demande ce que tous ces gens dans ces voitures pensent de nous, sourit Erdoan. Parfois, certains ont un accident à force de regarder notre campement. » Ce jeune de 25 ans confie sa « honte de vivre comme un Gitan », alors qu'il n'a qu'une idée en tête : amasser suffisamment d'argent pour rentrer en Bulgarie et reprendre ses études de vétérinaire. Comme une centaine d'autres Bulgares, tous des hommes dans la force de l'âge, il vit dans le provisoire au bord du périphérique, porte de Bagnolet (20e). Des tentes alignées comme dans un camping de part et d'autre d'un sentier, un minimum de vêtements, parfois un réchaud pour faire la cuisine, c'est tout ce que possèdent ces migrants.
En janvier dernier, lorsque la Bulgarie a intégré l'Union européenne, ils ont cru à l'eldorado. Dans la communauté turcophone de Razgrad, ville de 50 000 habitants située non loin de la mer Noire, dont la plupart sont originaires, le bruit a vite circulé qu'à Paris le bâtiment embauchait. « Sur des chantiers, on peut tout faire, mais on nous donne souvent le sale boulot », constate Erdoan. D'autres ont eu moins de chance que lui, comme Mehdin, 42 ans, qui tire sur sa cigarette en étalant sa rancœur. En deux mois, il n'a pas travaillé une seule fois, et cherche aujourd'hui le moyen de payer son billet de bus pour rentrer au pays. « Beaucoup repartent ces temps-ci, car avec les contrôles sur les chantiers, les patrons sont de plus en plus réticents à nous embaucher », avance Mehdin.
Mehmet, fraîchement rasé, vient de finir d'étendre son linge sur un fil tendu entre deux arbres, et plaisante sur « le charme de la vie au grand air ». Il rêve d'apprendre le français et de se marier ici, où il apprécie de gagner de 70 euros à 80 euros en une journée, contre 200 euros par mois en Bulgarie. Faute de trouver un appartement à louer, il imagine se faire domicilier sur cette pelouse.
Pas sûr que la préfecture de police laisse le campement se pérenniser. L'an dernier, elle avait déjà fait évacuer ces installations précaires. D'autres sont revenues aussitôt.
La Mairie de Paris dit « être en contact avec ce campement, le plus important de Bulgares à Paris ». Elle a demandé « une enquête sur les filières de travail clandestin » qui les emploient.
© 20 Minutes
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