Vendredi, à la veille de la manifestation en faveur des sans-papiers ayant des enfants scolarisés, le gratuit « 20 minutes » publiait cet article.
Avant d'arriver en France, ils « ne savaient pas ». Les « papiers », ils n'en avaient jamais entendu parler. Aujourd'hui, c'est l'un des rares mots qu'ils comprennent en français. Et qui dicte leur vie. Quin, Sui, Tian et Chung*, trois femmes et un homme sont arrivés en France depuis la Chine entre 1999 et 2003. Tous ont des enfants scolarisés à l'école de la rue Rampal (19e), dans le quartier de Belleville. Tous vivent la peur au ventre. « Pas seulement depuis la semaine dernière. Ça fait un an qu'on sent que les contrôles sont plus nombreux », dit Quin. « Dans la rue, dans le métro, ou au boulot », explique Sui, qui travaille dans un atelier de confection, et qui craint une descente à tout moment. La tactique, quand ils aperçoivent un policier, est de ne « surtout pas courir, mais de repartir tranquillement à rebrousse-poil quand c'est possible. Ou entrer dans un café, un commerce, qui ne soit évidemment pas chinois. »
Une forme de solidarité s'est organisée dans le quartier. « Petit à petit, de plus en plus de Français se sont équipés de sifflets, pour pouvoir avertir de la présence de policiers », raconte Donatien, qui anime une association de rapprochement entre Chinois et Français, et qui traduit leurs propos. Mais ces Wheng Zhou d'origine n'ont jamais entendu parler de ces sifflets. Et s'ils disent apprécier les « parrainages républicains » des familles françaises, ils ne semblent pas convaincus de leur efficacité qui n'allègent guère leurs difficultés au quotidien. « Quand on n'a plus de travail, on ne touche pas l'allocation chômage », explique ainsi Tian. Aussi, le loyer qu'ils payent est « disproportionné, confirme Donatien, car les agences immobilières chinoises spécialisées prennent plus d'argent aux sans-papiers. » Travaillant « au noir », et transportant souvent de l'argent liquide sur eux, ils sont la cible privilégiée des délinquants du quartier qui les reconnaissent à leur style. Tous disent ainsi s'être fait agresser, souvent à plusieurs reprises. « Ils savent qu'on ne pourra pas porter plainte », dit Chung, dépitée. Fragiles, certains le sont aussi sur le plan médical. Tian a ainsi reçu hier matin, après plus de six mois d'attente et de démarches, l'attestation qui lui permettra de toucher l'aide médicale de l'Etat (AME). Elle va enfin pouvoir retourner chez le médecin et soigner ses calculs vésiculaires, ce qui jusqu'à présent lui coûtait trop cher. Ces difficultés font que plusieurs d'entre eux sont même aidés financièrement par leur famille, restée en Chine, et qui s'y est enrichie. Ils disent donc à leurs frères ou cousins : « Ne viens pas. Il n'y a pas de travail. » Malgré tout, eux sont contents d'être là. « Ne serait-ce, dit Chung, que parce qu'ici on peut avoir autant d'enfants qu'on veut. »
*Les prénoms ont été modifiés.
© Michaël Hajdenberg, pour « 20 Minutes »
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