…enfin, ça dépend lesquels !
En 1994, en Une, « Le Nouvel observateur » publiait sous le titre « La France qui triche » une amusante photo prise le 5 décembre 1980.
On y voyait M. Jacques Chirac, maire de Paris depuis bientôt quatre ans, déjà par deux fois ministre (une fois de l’Agriculture et une fois de l’Intérieur en remplacement de M. Marcellin, suite à l’affaire des plombiers du « Canard enchaîné »), une fois Premier ministre sous M. Valéry Giscard d’Estaing, frauder dans le RPR métro. Cet homme n’a jamais été poursuivi bien que cette photo ait été publiée (il est vrai en 1994… pendant sa traversée du désert).
Pendant ce temps, Angelo Hoekele, présenté par l’actuel ministre de l’Intérieur comme un sans-papiers multirécidiviste est placé en détention provisoire en attendant son jugement qui doit intervenir entre les deux tours de l’élection présidentielle. Selon son avocat, il n’est pas en situation irrégulière et n’a commis que de petits délits.
M. Sarkozy, ancien ministre de l’Intérieur et candidat à l’élection présidentielle, souhaite une punition exemplaire de ce Congolais et dit lors d’un déplacement à Cruseilles (Haute-Savoie) : « Je ne suis pas du côté des fraudeurs, pas du côté des tricheurs » (…) « Je n'ai rien à voir avec des gens pareils, rien », ce en rapport avec les graves incidents de mardi dernier à la Gare du Nord.
M. Chirac a-t-il attendu en prison d’être jugé ? A-t-il payé une amende à la RATP ? Veut-on faire payer à Angelo Hoekele sa fraude, son « coup de boule » ou l’ensemble de ce qui a pu se passer mardi dernier à la Gare du Nord ?
M. Nicolas Sarkozy a démarré sa vie politique peu avant la création du Rassemblement pour la République (RPR). Et il a rejoint le RPR pour être auprès de M. Jacques Chirac dès 1976. Il vient de passer près de cinq ans au ministère de l’Intérieur et au ministère du Budget. Le premier poste consiste à tenter d’attraper des fraudeurs, des délinquants ou des criminels, l’autre à gérer les finances de la République. Et de fustiger la gauche qui, selon lui, prendrait le parti des fraudeurs. Aurait-il oublié que M. Chirac a vendu l’Huma-dimanche et a signé l’Appel de Stockholm, lancé par le communiste Frédéric Joliot-Curie et le Conseil mondial pour la paix ?
On peut me rétorquer que, en 1976, M. Sarkozy ne pouvait pas anticiper ce qui se passerait en 1980 (anticiper, c’est pourtant digne d’un dirigeant politique…).
On ne peut pas imaginer une seconde que, l’été 1994, alors qu’il était dans le camp du favori des sondeurs (M. Balladur), Nicolas Sarkozy n’ait pas ri en regardant la couverture de l’Obs.
Le candidat de la « rupture tranquille » a-t-il changé à ce point ?
« Ce ne sont pas les girouettes qui tournent, c'est le vent », disait en son temps Edgar Faure.
Fabien Abitbol
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