Emouvante cérémonie au crématorium du Père-Lachaise
En cette fin de semaine, une aussi étrange qu’émouvante cérémonie avait lieu au crématorium du cimetière de l’Est parisien, dit « Cimetière du Père-Lachaise ». Il s’agissait d’incinérer un « oublié de la canicule » que personne n’avait réclamé depuis 2003 pour le ramener auprès des siens. A dix-huit mois près, cet ancien employé de Shell finissait dans l’oubli le plus… total !
Il s'agit du premier mort « anonyme » de Paris, victime de la canicule de l'été 2003, a voir été formellement identifié.
Claude Béchat faisait partie de la centaine de corps non réclamés par leur famille et décédé à Paris. Il avait été retrouvé mort, environ six jours après son décès, dans son pied-à-terre du 5e arrondissement, bien loin de son Ariège natale où il avait réservé depuis 1959 une concession à perpétuité dans le cimetière de Saint-Lizier d'Ustou, auprès des siens. Au lieu de cela, il s’est retrouvé auprès des chiens et des « indigents », au cimetière parisien de Thiais, à 11 kilomètres de Paris car personne n’avait remarqué son décès ! Il avait 78 ans et était bien portant. Il avait eu deux épouses et pas d’enfants. Aucun héritier direct… Il avait de la famille, mais encore fallait-il la trouver.
Le crématorium du Père-Lachaise. (© Ville de Paris)
En réalisant un documentaire sur les oubliés de la canicule (diffusé en 2004 sur France 3), Danièle Alet s’est penchée sur son cas. Elle a monté une chaîne de solidarité et mené des recherches. C’est ainsi qu’elle a trouvé, dans l’Ariège, Mme Jacqueline Fouchard, 84 ans, une ancienne collègue du défunt, qui n’avait pas eu de ses nouvelles depuis les années 70 ! Mme Fouchard a retrouvé deux cousines de Claude Béchat, afin d’obtenir un permis d’exhumer et d’incinérer, pour que les dernières volontés de son ancien collègue puissent être respectées. Très émue, Jacqueline Fouchard était - vendredi 1er décembre, au cimetière du Père-Lachaise pour assister à la crémation. Dans quelques jours, elle repartira pour l’Ariège pour des obsèques dignes de ce nom.
La loi française prévoit que tout corps non réclamé dans les cinq années suivant la découverte du cadavre est considéré comme abandonné et, par-là, peut être incinéré et mis à la fosse commune.
Sans la pugnacité de la documentariste et celle de l’ancienne collègue du défunt, tel aurait été le destin de Claude Béchat.
Le rapport d’enquête parlementaire sur les conséquences la canicule (publié le 29 septembre 2004 mais dont M. Jean-François Mattéi
avait donné des éléments dès le 11 septembre 2003 au 20 heures de France 2…) est ICI.
F. A.
La crypte du crématorium du Père-Lachaise. © Isabelle, pour les Journées du Patrimoine de…2003.
Un «oublié de la canicule» rendu aux siens
« Je ne pouvais pas supporter de le savoir là, enterré presque comme un chien. » Lorsqu'elle a appris que Claude Béchat, un ami de jeunesse, figurait parmi les quarante « oubliés de la canicule » inhumés au cimetière parisien de Thiais (Val-de-Marne), Jacqueline Fouchart a décidé de se mobiliser. Et après trois ans de démarches, elle a obtenu que le corps de son ami soit exhumé. La cérémonie a lieu aujourd'hui. « Il va enfin pouvoir rejoindre la tombe de ses parents, en Ariège, comme il le souhaitait de son vivant », soupire cette femme de 84 ans.
Claude a été retrouvé six jours après sa mort dans son petit appartement du 5e arrondissement, en pleine canicule de l'été 2003. Malgré les appels lancés par la Mairie, personne n'est venu réclamer son corps. Agé de 78 ans, fils unique, il avait été marié deux fois, mais n'avait pas d'enfants. Ni a fortiori d'héritiers. « Il est mort seul, vous imaginez ? », s'insurge la vieille dame. C'est la première fois que le corps d'un « oublié de la canicule » est ainsi exhumé. « C'est l'histoire de vivants qui s'occupent enfin de leurs morts », commente Danièle Alet, auteur d'un documentaire consacré aux personnes décédées en solitaire au cours de l'été 2003. C'est en partie grâce à elle que la chaîne de solidarité a pu se déployer. Jacqueline accompagnera le corps de son ami au crématorium du Père-Lachaise. Et dans quinze jours, elle ira déposer ses cendres dans la sépulture familiale. « Pour qu'il repose enfin en paix. »
© Laure de Charrette - 20 Minutes (édition du 1er décembre 2006)
Saint-Lizier
Il reposera en Ariège
Il était un « oublié » de la canicule
À Saint-Lizier, au pied du Palais des évêques qui fait la réputation de la commune couserannaise, aujourd'hui on se souvient de Claude Béchat. Pourtant l'homme est mort seul, oublié, de la canicule de l'été 2003 dans un hôpital parisien. Il avait été enterré avec les autres « oubliés » en banlieue.
L'histoire s'était arrêtée là. C'était compter sans l'obstination d'une de ses amies, Jacqueline Fouchard, âgée de 84 ans, collègue de travail quand tous deux travaillaient chez Schell. Apprenant sa mort, en 2004, elle entreprend des recherches pour savoir où il reposait et a été choquée « d'apprendre qu'il était enterré comme un indigent ». Ses recherches et celles d'une réalisatrice voulant tourner un reportage pour France 3 sur les « oubliés de la canicule », ont permis de découvrir que Claude Béchat possédait une concession à perpétuité à Saint-Lizier, qu'il avait acquise en 1959.
Étienne Dedieu, le maire de Saint-Lizier, avait rencontré Claude Béchat quand il venait en Ariège : « C'était un homme discret et très courtois. Il venait l'été pendant les vacances. Je vous parle d'il y a plus de 40 ans. La sépulture qu'il a acquise est celle où reposent sa mère, sa belle-sœur et un neveu. À l'époque, Claude Béchat était marié, puis il a divorcé. C'est à partir de ce moment-là qu'il a cessé de venir à Saint-Lizier. Mais sa première femme vit toujours dans le village ». Les traces des origines ariégeoises de ce mort « anonyme » lors de l'été caniculaire ont pu être retrouvées grâce à des cousines éloignées.
Le corps de Claude Béchat a été exhumé. Il sera incinéré aujourd'hui au cimetière du Père Lachaise à Paris.
Son amie conduira ensuite les cendres à Saint-Lizier, où elles seront déposées dans le cimetière, aux côtés de ses parents, d'ici une quinzaine de jours. Parmi toutes les victimes de la canicule de l'été 2003 qui ont été enterrées dans les cimetières parisiens et dont on n'avait pas retrouvé trace de la famille, Claude Béchat est le seul pour l'instant dont les origines ont été identifiées.
© Jean-Christophe Thomas - La Dépêche du Midi (1er décembre 2006)
« Aux oubliés de la canicule »(réalisation : Danièle Alet, 53' - 1ère diffusion France 3 – 2004)
Résumé du documentaire
En août 2003, près de 15 000 personnes décèdent, terrassées par la vague de chaleur exceptionnelle qui s'abat alors sur la France. La capitale n’échappe pas à la canicule. Parmi les victimes, des cadavres non réclamés, entassés dans des camions frigorifiques réquisitionnés à la hâte, pour être ensuite inhumés au carré des indigents du cimetière de Thiais, l’ancienne fosse commune.
Qui étaient-ils ? Où se trouve leur famille ? Pourquoi sont-ils morts seuls et oubliés ? Au cimetière, chacun arrive avec sa propre histoire.
Fabienne est la sœur d’une des victimes de la canicule, Patricia 44 ans, qui avait rompu avec sa famille depuis longtemps.
André Balateau, lui aussi décédé en août 2003, avait abandonné sa femme et ses trois enfants. Pour ses descendants, ce sont eux les oubliés et non pas ce père qui fut toujours absent.
Anastasia, elle, est la fille d’Auguste von Briesen, peintre hongrois, décédé seul et sans argent. Elle ne voyait plus son père depuis 2 ans.
Ils sont nombreux ainsi à avoir été délaissés par ceux que les médias ont considérés comme les « oubliés de la canicule ».
Mais la canicule d’août 2003 est révélatrice d’un phénomène qui se déroule tout au long de l’année dans la capitale : les Parisiens sont de plus en plus nombreux à mourir seuls. Pour les accompagner dans leur dernière demeure, des bénévoles du Collectif des morts de la rue assistent aux obsèques de ces dépouilles solitaires. Ce reportage donne la parole aux descendants de ces « oubliés » qui apportent le témoignage émouvant de leur histoire familiale. Et nous interroge sur notre responsabilité face à nos morts.
Pour acquérir ou visionner la vidéo, cliquer ICI.
• Sur Claude Béchat et les « sans famille », lire « L’Humanité » du 17 janvier 2004.
• Sur le même thème, lire également « L’Express » du 25/12/2003.
• Un ouvrage sur le sujet : « Canicule 2003 - Origines sociales et ressorts contemporains d'une mort solitaire » (par Victor Collet - collection Questions contemporaines - Editions l’Harmattan - ISBN : 2-7475-8083-0 - avril 2005 - 186 pages). Ce livre est téléchargeable ICI.
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