Le « miraculé de la République » tient ce soir son premier meeting au gymnase Japy
On pouvait s’y attendre : le président d’honneur du Mouvement républicain et citoyen (MRC) est candidat à la présidence de la République. Il doit tenir ce soir à 19 heures 30 son 1er meeting de campagne dans le 11e, au gymnase Japy, sur les « terres d’élection » de Georges Sarre. Ce dernier, toujours maire du 11e mais qui a perdu son fauteuil de député aux législatives de 2002, se livre actuellement à une rude campagne d’affichage dans le 11e, face à l’actuelle députée (PS) Danièle Hoffman-Rispal. Cette campagne ne se voit pour l’instant pas dans le 20e arrondissement, alors qu’une grande partie de Ménilmontant dépend de la 6e circonscription de Paris…
Il s’est un peu fait attendre, mais il l’a fait. Le 6 novembre, au journal télévisé de 20 heures de TF1, M. Jean-Pierre Chevènement, l’un des fondateurs du Parti socialiste lors du Congrès d’Epinay (1971), quatre fois ministre (trois fois démissionnaire), a déclaré qu’il serait candidat à la Magistrature suprême. Celui (parmi d’autres, en oubliant toujours les 28 % d’abstentionnistes) que l’on considère comme l’un des principaux responsables du duel Le Pen-Chirac de 2002 vient une fois de plus à la rencontre des électeurs, comme il l’a annoncé à Patrick Poivre d’Arvor.
Ce mardi matin, alors qu’il avait prévu son meeting de lancement de campagne à Paris le mardi 28 novembre, à 19 h 30 au gymnase Japy (2, rue Japy, 11e, M° Voltaire ou Charonne), il accordait un entretien au « Parisien ».
« Mon but est de peser »
entretien avec Jean-Pierre Chevènement
Texte de l'entretien :
Le Parisien : Vous lancez ce soir votre campagne par un premier meeting. Serez-vous candidat quoi qu'il arrive ?
Jean-Pierre Chevènement : Je lance ma campagne ce soir pour porter des idées qui aujourd'hui ne sont pas présentes dans le débat. Et en particulier pour faire respecter le vote que le peuple français a émis le 29 mai 2005 pour réorienter la construction européenne, de quoi tout le reste ou presque dépend. Je n'ai pas de raison de retirer ma candidature. Mon but est de peser, pas de témoigner.La désignation de Ségolène Royal comme candidate du PS ne vous incite pas à renoncer ?
J'apprécie son caractère, je mesure ce qu'elle peut apporter au succès de la gauche. Mais la reconquête de l'électorat populaire doit s'enraciner dans un projet cohérent et construit. Pour le moment, Ségolène Royal s'est mise dans une position d'écoute. Moi, j'ai choisi de parler aux Français.Pour autant, elle porte des valeurs proches des vôtres...
Il est vrai que la sensibilité de Ségolène Royal sur bien des sujets - la nation républicaine définie comme communauté de citoyens, la lutte contre l'insécurité, ce qu'elle appelle l'ordre juste et qui pour moi est l'ordre républicain - rejoint les positions que j'ai prises dans le passé. A elle comme à moi, il en a coûté d'avoir brisé quelques tabous. Toutefois, le problème de fond me paraît être celui des délocalisations industrielles, et de la façon dont nous faisons face à une mondialisation libérale sans règles.Ne risquez-vous pas de provoquer un nouveau 21 avril en vous présentant ?
Cet appel au vote utile fait partie de l'arsenal de propagande du PS. Or on ne sait même pas si Le Pen obtiendra ses parrainages ! Et j'aimerais que le Parti socialiste fasse campagne pour qu'il ne les ait pas. Si le PS craignait tellement un nouveau 21 avril, il aurait demandé qu'on modifie la disposition qui prévoit que seuls peuvent se maintenir au second tour les deux candidats arrivés en tête au premier. Or ni le PS ni l'UMP d'ailleurs n'ont agi en ce sens.Le PS vous accuse de faire tout cela pour avoir des députés...
C'est ridicule, nous nous battons pour nos idées. J'observe que le PS a privilégié le Parti radical de gauche, avec lequel il n'a pas réellement de divergence, mais qu'avec le MRC les choses se passent tout autrement. Il est vrai que nous avons des sujets à débattre avec le PS, sur l'Europe notamment.Il n'y a toujours pas de discussion aujourd'hui entre vous et les socialistes ?
Aucune. Je n'ai pas revu François Hollande depuis le mois de juin.Quand Hollande dit qu'il vaut mieux des députés MRC et une présidente de gauche qu'un président de droite et aucun député MRC...
... Il a raison. Mais, le Parti socialiste ayant fait battre tous nos parlementaires en s'alliant le cas échéant avec la droite en 2002, il faut qu'il prenne en compte nos intérêts légitimes.« Le Parisien » du 28 novembre 2006. Propos recueillis par Nathalie Segaunes.
Hier 27 novembre, sur LCI, la chaîne d’information en continu du groupe TF1, il était reçu par Christophe Barbier (et y annonçait le lancement de sa campagne pour ce mardi).
Jean-Pierre Chevènement, qui aura 68 ans deux mois avant le premier tour de scrutin, est, depuis janvier 2003, président d’honneur du MRC. Il est également le Président de la fondation Res Publica (fondation reconnue d’utilité publique en décembre 2005).
Fils d’un instituteur et d’une institutrice, énarque (il était dans la même promotion que Lionel Jospin et Jacques Toubon), il a été conseiller commercial au ministère des Finances. Adhérent de la SFIO en 1964, secrétaire général du Ceres de 1965 à 1971, il a largement contribué à la formation du Parti socialiste en 1971 (face à MM. Rocard et Mauroy), en a été secrétaire national (1971-1975 et 1979-1981), et en a été membre du bureau exécutif et du comité directeur (1971-1981, puis 1986-1993).
Sa carrière politique locale s’est déroulée en Franche-Comté, et il est toujours maire de Belfort, qui fête ses 700 ans en 2007. Sur le plan national, il a été en 1981 ministre d'État, ministre de la Recherche et de la Technologie (il a démissionné le 22 mars 1983, dénonçant la « parenthèse libérale »). Il a aussi été ministre de l’Education nationale de juillet 1984 à la cohabitation de mars 1986 (il a mis fin à la guerre scolaire et rétabli l'instruction civique à l'école). Au retour de la gauche au pouvoir en mai 1988, il est nommé ministre de la Défense, poste dont il démissionnera avec fracas le 29 janvier 1991 pour protester contre l'engagement de l'armée française dans la guerre en Irak. Nommé ministre de l’Intérieur le 4 juin 1997, il a de nouveau démissionné le 29 août 2000 pour protester contre les accords de Matignon, qui reconnaissent les mouvements nationalistes corses sans que ceux-ci n’aient préalablement renoncé à la violence… Il était à l’origine de la loi Réséda sur l'accueil des étrangers, instaurant l'asile territorial (réfugié victimes d'une organisation politique) et la simplification des règles de la naturalisation et de régularisation des étrangers.
Le 21 avril 2002, lors du 1er tour de l’élection présidentielle, il avait passé la barre des 5 % de suffrages exprimés (5,33 %), se plaçant ainsi 6e des 16 candidats, nombre record sous la Ve République.
Il doit son surnom de « miraculé de la République » à l’accident opératoire qu’il a subi à l’hôpital militaire du Val-de-Grâce en septembre 1998 (allergie au produit anesthésiant). Sa guérison avait été qualifiée par la presse de « miracle » et son ami Georges Sarre, ne goûtant guère ce terme peu laïc avait à son sujet dit : « Un miracle, oui, mais un miracle républicain ».
Fabien Abitbol
photo © MRC
Les idées fausses de Jean-Pierre Chevènement
in Le point, par Alain Duhamel
Jean-Pierre Chevènement est de retour. A l'approche de l'élection présidentielle, l'odeur de la poudre et le bruit du canon l'attirent une fois de plus. L'ancien candidat au palais de l'Elysée n'est pas homme à rester à l'écart lorsque la bataille politique s'engage, et c'est tant mieux, car, si son poids électoral reste modeste, sa place dans le combat des idées n'a rien d'usurpé. Le Franc-Comtois appartient au cercle étroit des personnages politiques qui croient à l'influence décisive des doctrines, des concepts et des convictions sur les choix politiques. Lui-même, esprit cultivé et batailleur, féru d'histoire et frotté d'économie, se montre toujours prêt à monter à l'assaut pour défendre les couleurs du souverainisme de gauche et du républicanisme néosocialiste. Avant d'entrer en lice, il se fait rituellement précéder par un nouveau livre. En cet automne 2006, celui-ci s'intitule « La faute deM. Monnet » (1).
Bien écrit, nourri par d'abondantes références, il déborde d'idées, mais ce sont malheureusement autant d'idées fausses.
Sa cible s'appelle cette fois-ci Jean Monnet, mais l'objectif réel de l'auteur est d'opposer une vertueuse République européenne, naturellement chevènementiste, à la maléfique Europe américaine de celui que le général de Gaulle avait surnommé « L'inspirateur ». Toute la première partie du livre est donc consacrée à un portrait plutôt réussi et juste, mais méthodiquement à charge, du véritable père de l'Europe. Malgré ses préventions, Jean-Pierre Chevènement ne peut s'empêcher de reconnaître l'immense influence, la puissante originalité et l'inégalable efficacité d'un homme qui, à moins de 30 ans, a organisé l'approvisionnement allié durant la première guerre mondiale, puis a successivement été secrétaire adjoint de la SDN (Société des nations), le sauveur de plusieurs monnaies nationales, le Français de confiance des Anglo-saxons durant la seconde guerre mondiale, le commissaire général au Plan après la Libération, le fondateur de la Communauté européenne du charbon et de l'acier (Ceca) et, toujours dans l'ombre, le véritable organisateur de l'Europe.
Pour Jean-Pierre Chevènement, Monnet est cependant le diable en personne. Ne veut-il pas dépasser les souverainetés nationales pour construire une Europe solidaire ? Ne réconcilie-t-il pas la France et l'Allemagne à travers une économie de marché teintée de solidarité sociale ? Ne fait-il pas de l'alliance avec les Etats-Unis la base de la politique étrangère de l'Europe qu'il imagine ?
Pire que tout : n'entend-il pas transférer à des institutions supranationales une bonne part du pouvoir de décision politique ? Autant d'hérésies pour l'homme du non de gauche à Maastricht, à l'euro, à la Constitution européenne, autant d'occasions de proposer en alternative une Europe incluant la Russie, excluant le libéralisme, réservant aux seules nations le monopole de la légitimité démocratique. Jean-Pierre Chevènement rêve à une Europe subordonnée aux pouvoirs nationaux, rétablissant une protection douanière commune, mettant sur pied un gouvernement économique dirigiste et protectionniste : redoutable régression historique à un moment où le réveil des nationalismes et des populismes n'épargne pas le Vieux Continent. Jean-Pierre Chevènement est un homme d'envergure et de qualité dont la mise en oeuvre des idées serait néanmoins une catastrophe. L'hypothèse est heureusement peu vraisemblable, mais le pouvoir de nuisance de ses thèses n'a rien d'imaginaire. En contribuant ardemment à entraver la construction d'une Europe réaliste et ambitieuse, il fait le jeu de ce qu'il déteste le plus au monde : l'hégémonie américaine et le triomphe du capitalisme financier sans régulation économique ni conscience sociale
1. Jean-Pierre Chevènement, « La faute deM. Monnet » (Fayard, 148 pages, 10 E).
© le point 09/11/06 - N°1782 - Page 46 - 1082 mots
Rédigé par : André | 29/11/2006 à 00h37