Dans une décision rendue ce vendredi 3 février, le Conseil constitutionnel a estimé conforme à la constitution l'article L. 621-1 du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA), qui prévoit un emprisonnement de un an et une amende de 3750€ pour tout étranger qui a pénétré ou séjourné en France illégalement ou qui s'y est maintenu au-delà de la durée autorisée par son visa.
Le Conseil constitutionnel répondait à une Question prioritaire de constitutionnalité (QPC) posée par M. Mohammed Akli B., dont la Cour de Cassation l’avait saisi le 23 novembre 2011.
Le Conseil a répondu qu’en application d’une jurisprudence constante, il ne lui appartient pas d'examiner la compatibilité des dispositions contestées avec les engagements internationaux de la France. Cette compétence relève des juridictions administratives et judiciaires, précise le Conseil.
En outre, le Conseil constitutionnel ne dispose pas d'un pouvoir d'appréciation de la même nature que celui du Parlement. Il en va ainsi pour la fixation des peines pour laquelle il exerce un contrôle restreint, celui de la disproportion manifeste de la peine eu égard à l’incrimination pour laquelle elles sont instituées. En l’espèce, les “Sages” ont estimé que les peines prévues ne sont «pas manifestement disproportionnées».
Les associations à l’origine de la saisine du Conseil constitutionnel par l’entremise du cas de M. Mohammed Akli B. comptaient sur deux récents arrêts rendus par la Cour de Luxembourg (CJUE): l’arrêt El Dridi du 28 avril 2011 (expliqué en son temps sur Ménilmontant Solidarités) et l’arrêt Achughbabian contre Préfet du Val-de-Marne du 6 décembre 2011, qui avait eu pour suite une circulaire du Garde des Sceaux. Dans ces deux cas, la Cour européenne avait estimé que l'emprisonnement d'un étranger en situation irrégulière, au cours de la procédure de retour, était en contradiction avec le droit européen.
F. A.
L'arrêt du 6 décembre 2011 ne dit pas du tout cela :
"S’il résulte de l’ensemble des considérations qui précèdent que les États membres liés par la directive 2008/115 ne sauraient prévoir une peine d’emprisonnement pour les ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier dans des situations dans lesquelles ceux-ci doivent, en vertu des normes et des procédures communes établies par cette directive, être éloignés et peuvent, en vue de la préparation et de la réalisation de cet éloignement, tout au plus être soumis à une rétention, cela n’exclut pas la faculté pour les États membres d’adopter ou de maintenir des dispositions, le cas échéant de caractère pénal, réglant, dans le respect des principes de ladite directive et de son objectif, la situation dans laquelle les mesures coercitives n’ont pas permis de parvenir à l’éloignement d’un ressortissant d’un pays tiers en séjour irrégulier (arrêt El Dridi, précité, points 52 et 60)"
(...)En particulier, la directive 2008/115 ne s’oppose pas à ce que des sanctions pénales soient infligées, suivant les règles nationales de procédure pénale, à des ressortissants de pays tiers auxquels la procédure de retour établie par cette directive a été appliquée et qui séjournent irrégulièrement sur le territoire d’un État membre sans qu’existe un motif justifié de non‑retour."
Bises
Rédigé par : Apolline | 03/02/2012 à 20h02
@Apolline,
Le dossier documentaire mis en forme par le Conseil constitutionnel (19 pages) est à télécharger ici:
http://www.conseil-constitutionnel.fr/conseil-constitutionnel/root/bank/download/2011217QPCdoc.pdf
Tu verras si tu prends la peine de le lire qu'il y est fait référence à l'arrêt du 6 décembre 2011 (en page 12, si tu veux gagner du temps).
Mais l'important n'est pas ce que contient l'arrêt en question, c'est que le CC se sent (houpa) habilité à remettre en cause le droit. Dans le cas d'espèce, c'est houpa, d'autant qu'il ne juge pas la peine disproportionnée.
Rédigé par : Ménilmuche | 03/02/2012 à 20h11
Donc en un mot, l'arrêt CC d'aujourd'hui dit que L 621-1 CESEDA est conforme à la constitution, que la GAV dans le cadre des procédures de réadmission,sont licites et même la rétention administrative, dès lors que l'étranger est bel et bien en situation irrégulière sur le territoire et qu'il faut bien vérifier sa situation.
Ces deux derniers arrêts me satisfont pleinement : l'attachement au droit d'asile justifie me semble-t-il une sensibilité particulière à son instrumentalisation par certains étrangers comme à l'obstruction manifeste qu'y font certains gouvernants ...
Rédigé par : Apolline | 03/02/2012 à 20h16
Pour moi ce n'est pas l'intérêt de cet arrêt : ce que tu relèves est une évidence, puisque le CC a pour mission le contrôle de constitutionnalité, le contrôle de conventionnalité étant judiciaire.C'est pourquoi il y avait eu un avis du Conseil d'Etat à ce sujet ... qui faisait fi de la définition d'une directive telle que prévue dans le Traité. Mais l'arrêt CJUE du 6 décembre 2011 lui a recadré le sujet.
Rédigé par : Apolline | 03/02/2012 à 20h21
Ce que je relève est peut-être une évidence, Apolline, mais il n'y a rien d'autre.
Lis donc la décision du CC, accessible dès la première ligne de mon billet en cliquant dessus. Il n'y a rien de plus à en tirer.
Rédigé par : Ménilmuche | 03/02/2012 à 20h50
Petite question naïve : comment une personne poursuivie dans son pays pourra prendre le temps de demander un visa à l'ambassade de France pour entrer légalement en France et ne pas risquer prison et amende ?
Rédigé par : Caro | 03/02/2012 à 21h40
@ Caro,ce n'est pas ce qu'on lui demande.Les personnes qui sont concernées par nos propos ont déjà "palluché" dans un Etat de l'Espace Schengen et se balladent illégalement et conscience que ça l'est,sans papiers et sans autorisation, sur notre territoire.Elles sont donc "réadmises" dans le pays où elles sont arrivées initialement où dans un Etat auquel elle peut être "rattachée" selon une hiérarchie de critères prévue au Règlement Européen Dublin II.Mais cela dit, il est exact que certaines associations conseillent aux "clandestins" de demander l'asile pour justifier le fait qu'ils soient en situation irrégulière et le retour de manivelle est radical : les Ministres de M.Sarkozy ne se sont pas privés de faire du zèle e,demandant aux Préfecture de faire "du chiffre" ... des bâtons, comptabilisés pour l'opinion publique comme "expulsions" ... Ces dérives de part et d'autres nuisent à la bonne application des droits des "vrais" réfugiés et cela fait une situation "sinistrée" ... Ajoutons à cela que DUBLIN II s'est révélé inefficace pour régler des situations comme celles engendrées par l'arrivée massive en Italie de réfugiés tunisiens et lybiens ...
Rédigé par : Apolline | 04/02/2012 à 12h37
En tout cas, il y a au moins un enfant d'immigré qui devrait tomber sous le coup des lois sécuritaires actuelles. Il aurait, malgré la présomption d'innocence qui sied habituellement, accumulé depuis des années beaucoup de délits, et peut-être même des crimes par délégation.
J'espère que, bientôt, une armée de magistrats pourra s'occuper de son cas.
Rédigé par : Achar | 04/02/2012 à 17h53
excuse moi, Fab, mais ça ne concerne pas que les "Dublin II", puisque toi-même tu écris :
"l'article L. 621-1 du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA), qui prévoit un emprisonnement de un an et une amende de 3750€ pour tout étranger qui a pénétré ou séjourné en France illégalement ou qui s'y est maintenu au-delà de la durée autorisée par son visa."
;-)
Rédigé par : Caro | 04/02/2012 à 20h36
Ce n'est pas moi qui parlais de Dublin
Rédigé par : Ménilmuche | 04/02/2012 à 21h39
Bon d'accord ... s'il faut expliquer en retournant à l'âge de la pierre taillée ... je n'ai rien dit, c'est mieux comme ça ! ...
Rédigé par : Apolline | 04/02/2012 à 22h08