Ali, 24 ans, de nationalité tunisienne, a été remis ce samedi 8 octobre aux autorités italiennes à la suite d’un accord de remise qui lui avait été notifié le 4 octobre à 17 heures à Lyon. Ces quatre jours, passés dans un centre de rétention, le mettent dans une situation kafkaïenne.
Ali (prénom modifié) était à la rue Botzaris depuis mai. Il l’avait quittée fin août, comme les derniers des Tunisiens qui avaient été mis à la rue le 16 juin après avoir été délogés de l’ancien bâtiment du RCD, le parti du président déchu Ben Ali. Son histoire était racontée ici jeudi, alors qu’il se trouvait depuis deux jours en centre de rétention.
Depuis, il a été possible d’avoir accès à son dossier qui, comme pressenti, ne fait mention d’aucune autre infraction ni d'aucun autre délit que d’être étranger non européen.
Pour rappel, les papiers tunisiens de Ali étaient valables en Europe jusqu’au 8 octobre. Ainsi en avaient décidé les autorités italiennes, lui octroyant en ce sens un visa et lui délivrant une carte plastifiée, du format d’une carte de crédit. Le 8 octobre, c’était ce samedi. Pour rappel également, il avait été interpellé à Paris le 29 septembre, comme des dizaines d'autres sans-papiers, mais avait été remis en liberté au début du week-end, sa situation administrative ayant été estimée correcte par la police parisienne pour quelques jours encore.
Ali avait pris le train mardi 4 octobre depuis Paris, en direction de l’Italie. Lors d’un arrêt à Lyon, alors que le train marquait une pause, la police n’a pas chômé, et l’a contrôlé, interpellé, emmené au centre de rétention. Un arrêté de remise aux autorités italiennes a été pris à son encontre dès le 4 octobre, qui lui a été notifié officiellement à 17 heures (n°11/69/3057/PR), assorti d’une décision de placement en rétention d’une durée de cinq jours prise par le préfet du Rhône.
La décision de placement en rétention mentionne «l’absence de moyen de transport immédiat» qui «ne permet pas le départ de l’intéressé», et est datée aussi du 4 octobre. Ce document a nécessairement été rédigé avant 17h, puisque tout a été traduit et signifié à Ali à 17h. Depuis, pourtant, il aura fallu attendre ce samedi 8 octobre 2011 —date de péremption de son visa— pour que Ali soit renvoyé en Italie.
Dès jeudi soir, quelques heures après avoir mis en ligne le sujet La France, fabrique à clandestins, j’apprenais qu’il ne serait “remis” à l’Italie que ce samedi, c’est-à-dire une fois ses papiers périmés, d’une part, et d’autre part la veille de la date butoir pour une présentation obligatoire à un juge, afin de vérifier la légalité de la procédure. Le mouvement de colère des cheminots n’a commencé qu’à la suite de l’agression subie par l’un des leurs le 6 octobre. Donc si, réellement, il n’y avait pas de «moyen de transport immédiat» le 4, il devait y en avoir le mercredi 5 octobre. Avec juste un peu de bonne volonté… ou sans mauvaise foi. A moins que ce ne soit une volonté kafkaïenne de lui faire perdre son visa, afin de tenter de le dégoûter de la France.
Et voici désormais Ali de nouveau en Italie, un pays où il ne connaît personne, avec des papiers périmés depuis la nuit dernière, et en plein week-end. Or l’Italie, question administration, ce n’est guère mieux que la France les samedis et dimanches: les traditions catholiques des jours de repos ont la vie dure. Il lui faudra lundi expliquer aux Italiens la fourberie des autorités françaises dans son cas.
F. A.
Reprise sur Mediapart le 10/10/2011
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