Les quatre magistrats ivoiriens qui se trouvaient à Paris le 21 juillet dans le cadre du volet ivoirien de l’enquête sur la disparition de notre voisin le journaliste Guy-André Kieffer sont repartis bredouilles, indique le quotidien ivoirien Le Patriote, réputé proche de Alassane Ouattara.
En avril 2010, à l’occasion des six ans de sa disparition, des affiches ont été posées à Abidjan, par le comité de soutien local, avec l'aide de Reporters sans frontières. (AFP archives)
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Les Français parlent de «vice de procédure» de la part de leurs confrères ivoiriens, qui pour leur part dénoncent «le manque de collaboration» des Français, plus précisément du juge Patrick Ramaël. Ce dernier, depuis le début, a en charge le volet français de la disparition, le 16 avril 2004, sur un parking d’Abidjan (capitale économique de la Côte d’Ivoire) de Guy-André Kieffer (GAK). Un juge qui «fait tourner en rond» la justice ivoirienne, selon
ce qu’écrit Inza Kigbafory dans Le Patriote.Les quatre magistrats qui se trouvaient la semaine dernière à Paris en délégation voulaient entendre «des citoyens français dont quelques personnalités». Une quinzaine de personnes au total, semble-t-il.
Pour ce qui est des «personnalités», sans doute s’agissait-il de Nathalie Delapalme et Bruno Joubert, qui étaient à l'époque respectivement conseillère et directeur pour l'Afrique au ministère français des Affaires étrangères, comme l’avait annoncé L’Expression du 28 mai 2010. Tous deux se trouvaient à Abidjan, précisément au moment de la disparition de GAK. Au titre du Commerce extérieur, Nathalie Delapalme a été décorée de la Légion d’Honneur le 14 juillet dernier (lire ici le JO). Bruno Joubert, lui, a poursuivi sa carrière diplomatique comme ambassadeur de France au Maroc en octobre 2009 en remplacement de Jean-François Thibault.
Lorsque, voici deux mois, Raymond Tchimou (le procureur d’Abidjan Plateau) avait annoncé que «la procédure par voie d`une commission rogatoire internationale (avait) été enclenchée cette semaine» pour l’audition de Mme Delapalme et de M. Joubert, il avait relancé sa fameuse «piste française», déjà émise en septembre 2009, et émettant des doutes sur la disparition de GAK.
Et Le Patriote d’indiquer que «l’enquête n’a pas avancé plus qu’hier. Elle s’est engluée. La faute à deux justices qui nous semblent craintives compte tenu du caractère sensible de l’enquête et du rang de certaines personnalités politiques notamment à auditionner. "Tant que Laurent Gbagbo sera au pouvoir à Abidjan et la droite à l’Elysée, cette enquête aura du mal à aboutir", analyse un diplomate. Une hypothèse somme toute crédible au regard de toutes ces péripéties».
Les magistrats ivoiriens ont prévu de revenir en France à la mi-novembre.
Guy-André Kieffer habitait le 20e arrondissement depuis 1980 avec son épouse Osange. De leur union était née, en mai 1986, une fille, Canelle. Après avoir travaillé à Libération, GAK avait été journaliste à La Tribune (1984 à 2002, biographie sur le site de soutien, dossier régulièrement mis à jour sur ce blogue). Le 16 avril 2004, il avait un rendez-vous sur le parking d’un supermarché d’Abidjan. On ne l’a jamais revu depuis.
Ces derniers jours, la presse ivoirienne a beaucoup parlé de Guy-André Kieffer, à l’occasion de la publication d’un livre noir du cacao par Théophile Kouamouo et deux de ses collègues, dans Le Nouveau courrier, un quotidien ivoirien récemment lancé. Interpellés le 13 juillet, les trois journalistes n'ont été jugés que le 26 et libérés le 27. Ils étaient poursuivis entre autres pour «vol de documents administratifs» après la publication d’un dossier sur le cacao. Un ancien journaliste, travaillant pour le procureur Tchimou, était aussi poursuivi.
C’est notamment sur le cacao que travaillait Guy-André Kieffer. Une matière première dont la Côte d’Ivoire est le principal pays producteur. Comme l'écrit Zowenmanogo Dieudonné Zoungrana dans L'Observateur Paalga (Burkina-Faso), "les pisse-copie du Nouveau courrier n'ont connu que la prison" (lire ici), contrairement à GAK, disparu depuis six ans.
Fabien Abitbol
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