Le savoureux moment d'éloquence de l'avocat de Ryanair
Me Thierry Herzog avait raison de redouter les effets de la procédure judiciaire intentée par Nicolas Sarkozy et Carla Bruni contre la compagnie Ryanair devant le juge de référés. En droit, ses clients ont toute chance d'obtenir gain de cause sur l'atteinte au respect de leur image que constitue l'utilisation sans leur consentement d'une photo de leur couple à des fins publicitaires. Mais l'audience jeudi 31 janvier a donné lieu à un moment d'éloquence du bâtonnier Francis Teitgen, l'avocat de Ryanair, dont les plaignants ont été les victimes.
« Carla Bruni et Nicolas Sarkozy ont le droit à la protection de leur vie privée. Le couple - le beau couple - qu'ils forment, les mots qu'ils s'échangent, les rêves qu'ils caressent, n'appartiennent qu'à eux. Mais la révélation de cet amour est le fait du président de la République lui-même. Et ce couple va autoriser la prise de milliers de photos. De belles photos de ce très beau couple. » Rappelant les propos présidentiels - « Avec Carla, c'est du sérieux » -, Me Teitgen a observé : « Ce droit au bonheur qu'il revendique, je le lui accorde bien volontiers. » A propos de Carla Bruni, l'avocat poursuit : « On s'intéresse à la femme. Parce que cette femme, avouons-le, on a tous envie de se l'approprier un peu. Ce sera peut-être la première dame de France ! »
Quant à la réaction du couple face à cette publicité, Me Teitgen l'a jugée « un peu au premier degré. Car enfin, quand Carla Bruni dit (sur l'affiche) : "Avec Ryanair, toute ma famille peut venir assister à mon mariage", personne ne peut croire qu'ils vont fixer la date de leur mariage au 31 janvier pour profiter des offres promotionnelles de Ryanair ». Si cette photo est « impertinente », elle ne peut, selon l'avocat, être jugée « blessante ou attentatoire à la dignité ». « Le président de la République demande 1 euro de dommages et intérêts. C'est parfaitement digne de sa part. Mais la demande de Carla Bruni me paraît d'une nature différente. Elle demande 500 000 fois plus que le président de la République ! C'est beaucoup ! », s'est exclamé Me Teitgen. A l'adresse du juge, il a conclu : « Par souci d'équité, votre tribunal donnera la même réparation à Carla Bruni et à Nicolas Sarkozy. Maintenant, je vous précise que nous sommes tout prêts à verser à une œuvre de charité qu'(ils) nous indiqueraient… »
Décision le 5 février.
Pascale Robert-Diard, pour Le Monde daté du 2 février
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