Les relations franco-ivoiriennes sont loin d’être au beau fixe
Les autorités de la capitale économique ivoirienne d’Abidjan ont indéfiniment suspendu les émissions en modulation de fréquence (FM) de Radio France Internationale (RFI). La raison invoquée est l’absence d’un correspondant permanent dans le pays, selon les médias et des sources locales.
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Correspondant de RFI en Côte d'Ivoire, Jean Hélène a été tué par un policier ivoirien en octobre 2003. Depuis, RFI n'a pas de correspondant. C'est ce que les autorités ivoiriennes reprochent officiellement à la radio française. La liberté de la presse relève du bon vouloir des dirigeants des différents pays mis en cause. La disparition de Guy-André Kieffer le 16 avril 2004 n'a rien arrangé. L'arrestation de Jean-Paul Ney à Noël 2007 non plus (alors que son présumé commanditaire est en Belgique)…Lorsque les journalistes se tairont, vous mendierez des nouvelles.
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Dans un entretien téléphonique avec le CPJ, Frank Kouassi, le secrétaire général du Conseil national de la communication audiovisuelle (CNCA) de la Côte d’Ivoire, a accusé la station de « traitement non professionnel » de l’actualité ivoirienne, citant « plusieurs cas d’informations déséquilibrées et d’interprétations pas toujours prises avec la réalité ». Il s’est refusé à donner des exemples précis, ajoutant que le gouvernement ne pouvait plus tolérer de telles pratiques. RFI, a-t-il dit, n’a pas pu nommer un correspondant permanent dans le pays jusqu’à jeudi dernier qui était la date limite fixée par le Conseil en décembre 2007.
La directrice de l’information et des antennes de RFI, Geneviève Goetzinger, a confié au CPJ que la station n’a pas pu tenir sa promesse de nommer un correspondant permanent avant fin 2007, mais a qualifié la décision comme étant « disproportionnée » par rapport au motif officiellement invoqué. Elle a souligné que le retard est dû à des évaluations internes d’ordre juridique liées à des questions de sécurité qui sont devenues une préoccupation majeure depuis qu’un policier a tué un correspondant de RFI du nom de Jean Hélène en octobre 2003. Jugeant que la présence d’un correspondant permanent à Abidjan pour couvrir les affaires ivoiriennes est « nécessaire » pour les besoins de la rédaction de RFI, Mme Goetzinger a indiqué que la station poursuivra ses consultations internes.
Des journalistes locaux ivoiriens ont dit au CPJ qu’un correspondant permanent de RFI basé à Abidjan travaillerait sous le contrôle intense du gouvernement, particulièrement à cette période préélectorale, le scrutin présidentiel en Côte d’Ivoire étant prévu pour le mois de juin de cette année.
En effet, le gouvernement ivoirien et ses partisans ont souvent accusé RFI, une station financée par l’État français, de couverture tendancieuse pendant les périodes de fortes tensions politiques. En 2005, le gouvernement avait alors frappé d’amende la station de RFI et interdit ses émissions FM pendant 10 mois sur des reportages controversés.
« Ce n’est pas du ressort des gouvernements de dicter aux stations de radiodiffusion quand et où elles devraient affecter des correspondants », a déclaré Joël Simon, directeur exécutif du CPJ. « Nous demandons aux autorités ivoiriennes de lever immédiatement cette interdiction des émissions FM de RFI », a-t-il ajouté.
Les tensions politiques restent fortes en Côte d’Ivoire, ce pays riche en cacao, du fait de la difficile mise en œuvre de l’accord de paix de mars 2007, prévu pour conduire à une transition démocratique et à la réunification entre le nord qui est sous l’emprise des rebelles et le sud contrôlé par le gouvernement, selon les médias.
Les relations entre la Côte d’Ivoire, ancienne colonie française, et la France restent tendues, notamment du fait de la disparition non élucidée du journaliste franco-canadien Guy-André Kieffer.
Un autre journaliste français, le photo reporter indépendant Jean-Paul Ney, est en détention à Abidjan depuis le 27 décembre sous des accusations de menace à la sûreté de l’État, depuis son arrestation en dehors des studios de la Radiodiffusion Télévision Ivoirienne, selon les médias. M. Ney a été accusé de complicité dans une tentative de coup d’État, suite à des images vidéo qu’il aurait prises sur les préparations présumées d’un coup d’état par un sergent exilé de l’armée ivoirienne, Ibrahim Coulibaly, et qui sont apparues sur Internet, selon les médias. Cependant, le Sgt Coulibaly, le cerveau d’une tentative échoué de coup d’État en 2002, a nié ces accusations dans une interview diffusée par RFI le mois dernier, selon les journalistes locaux.
Le CPJ est une organisation indépendante à but non lucratif, dévouée à la défense de la liberté de la presse dans le monde entier.
Source : Afrik.com, photo Laurent Cassala/AFP
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