Le mouvement de grève dans l'audiovisuel public, lancé ce mercredi pour demander des garanties de financement du secteur après l'annonce de la suppression de la publicité par Nicolas Sarkozy, s'annonce de grande ampleur. Il s’agit d’un mouvement sans précédent depuis l’annonce par le Premier ministre Jacques Chirac de l’éclatement de l’ORTF le 7 août 1974.
Ce matin, les tranches d'informations de France-Inter, France-Info, RFI et l'émission « Télématin » de France 2 n’ont pas été diffusées. L'appel à la grève concerne les personnels de France Télévisions et de Radio France. Les salariés de RFI et TV5Monde sont également appelés à la grève dans le cadre d'une réforme attendue de l'audiovisuel extérieur. L'intersyndicale demande la « pérennité du service public audiovisuel, de son financement, de son périmètre et le respect du pluralisme ».
Sur France-Info et France-Inter, les programmes ont été remplacés par de la musique, avec un message diffusé de temps à autres pour expliquer le mouvement social. France-Culture a, diffusé son journal, en consacrant ses premiers titres à la grève. Une manifestation nationale est prévue cet après-midi à Paris entre la place de l'Alma et le rond-point des Champs-Elysées.
Hier, l'Elysée a tenté de rassurer les organisations syndicales de l'audiovisuel public, qui ont créé leur blogue - ouvert à tous - le 1er février. En recevant l'intersyndicale, le Château a « réaffirmé que le périmètre de France Télévisions serait maintenu, qu'il n'y aurait pas de privatisation, et que le manque à gagner, évalué à 1,2 milliard d'euros [800 millions de recettes publicitaires perdues et financement des programmes de substitution], serait compensé euro par euro », a expliqué Jean-François Téaldi, porte-parole de l'intersyndicale, à l'issue d'une rencontre au palais présidentiel (le compte-rendu de l’intersyndicale est ici).
L'intersyndicale a fait part de sa « grosse déception » concernant le refus de l'Elysée d'envisager une hausse de la redevance. Le gouvernement « travaille » sur des pistes pour combler le déficit publicitaire : taxation des opérateurs de téléphonie mobile et d'Internet, et taxation des recettes publicitaires supplémentaires des chaînes privées, qui devraient bénéficier d'un report de « 60 à 90 % » des recettes du groupe public, a ajouté Jean-François Téaldi. « Mais ils sont conscients que ces alternatives de financement ne répondront pas à la totalité du problème », a-t-il continué.
Les syndicats craignent aussi un changement de périmètre de France Télévisions, même si le gouvernement assure le contraire. Plus de trois-cents salariés de la régie publicitaire de France Télévisions sont par ailleurs directement menacés.
Le P-DG de France Télévisions, Patrick de Carolis, a convoqué un conseil d'admnistration extraordinaire pour le 27 février sur la suppression de la publicité, demandant aux ministres de tutelle des garanties de compensation dès 2008.
Les représentants des pouvoirs publics ont assuré aux représentants des salariés que l'objectif de cette réforme était le « développement d'un service public de la télévision puissant, centré sur ses missions de service public, financé à la hauteur de cette importante exigence, en préservant l'intégralité de son périmètre », a déclaré David Martinon, l'encore porte-parole de l'Élysée.
Ce soir sont annoncées dans les grilles de programmes des émissions en direct, dont « Un nouveau regard sur la maladie d’Alzheimer », de Jean-Luc Delarue (France 2), étrangement classée par la chaîne en… « Divertissements » et Les Victoires de la musique classique, une véritable mission/émission de service public (France 3), co-présentée depuis Toulouse par Marie Drucker et Frédéric Lodéon. Sans compter tous les directs de France 5 et des autres chaînes. D’autant que même Daniel Bilalian pourrait se mettre en grève, suite à sa dénonciation de la « privatisation totale » du football.
Dans les milieux généralement bien informés, il se dit que l’annonce surprise du président Sarkozy lui aurait été soufflée par Alain Minc (c’est aussi la thèse de Raphaëlle Bacqué et Ariane Chemin dans Le Monde daté de ce jour)… qui tient l’office vespéral du samedi sur Direct 8, la chaîne de l’ami du président, Vincent Bolloré.
Selon Jean-François Téaldi, une télévision de qualité (et sans publicité) passerait par une augmentation de la redevance. Il avance le chiffre de 90 € (par paliers) et argue du fait qu’elle n’a pas augmenté depuis sept ans. Elle a même en réalité baissé, puisqu’elle était de 116,50 € en 2002. Mais une hausse a déjà été votée par les sénateurs.
André Léger
⇒ La grève va se voir et s’entendre
⇒ Télé sans pub avec Frédéric Mitterrand
⇒ Le blogue de défense de la télévision publique
Le "direct" de France 2 n'en n'était pas un, mais c'était semble-t-il sans rapport avec la grève, selon ses dires. Mais pour des problèmes de mémoire !
Pour une émission sur Alzheimer, ça le fait, non ? Ne pas penser que des malades, dans un hôpital, aient besoin de se coucher tôt. C'était donc du direct enregistré trois heures avant… en quelque sorte. Géniale invention !
Rédigé par : Fabien | 14/02/2008 à 11h33