Rencontre-débat ce soir à Paris et possibilité de suivre en direct sur la Toile
Ce vendredi soir, à 19h30, à l’issue du mois de Ramadan (qui sera célébré samedi en France), a lieu une rencontre-débat autour du livre Les Arabes, les femmes, la liberté (paru le 4 octobre chez Albin Michel), en présence de son auteur, Sophie Bessis.
Cette rencontre, prévue pour durer jusqu’à 22h, se déroulera à la Maison des associations du 3e arrondissement (5, rue Perrée) et sera présentée par Brigitte Allal.
Pour celles et ceux qui ne peuvent pas se déplacer, une retransmission en direct aura lieu sur le site du Manifeste des libertés, dont le coordonnateur est l’écrivain « à contre-coran » Tewfik Allal (Lire ci-dessous le portrait de Brigitte Bardet et Tewfik Allal, paru dans Le Monde du 28 février 2006 sous la plume de Catherine Simon).
Pour visionner la rencontre, le logiciel Adobe Flash est nécessaire et la conférence sera retransmise en direct ICI.
Il est possible de poser dès maintenant des questions à Sophie Bessis par courriel en envoyant un message LA
Pour lire les 27 premières pages (sur 180) de « Les Arabes, les femmes, la liberté », cliquer ici.
Sophie Bessis est professeur à l’Iris (Institut des relations internationales et stratégiques) et secrétaire générale adjointe de la Fédération internationale des droits de l’homme (FIDH). Dernier ouvrage paru : L’Occident et les autres (note de lecture lors de la parution originale à La Découverte en 2001 à lire ici). Franco-tunisienne, Sophie Bessis est aussi l’auteur de Le féminisme institutionnel en Tunisie (1999, Revue Clio).
Fabien Abitbol
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PORTRAIT - Brigitte et Tewfik Allal à contre-Coran
Méfiez-vous des modestes. Non pas qu'ils risquent de mettre le feu à la plaine, telle l'étincelle des slogans maoïstes qui bercèrent, un moment, la jeunesse parisienne de Brigitte Bardet. Non pas, non plus, qu'ils fassent du passé table rase, comme l'affirme le refrain de l' Internationale, qu'entonna, à la fin de l'hiver colonial, le jeune Tewfik Allal, devenu militant des Cahiers de mai, après avoir débarqué à Paris à l'âge de 20 ans, bac algérien en poche. Non ! S'il faut se méfier des modestes, c'est parce qu'ils sont patients. Ils résistent au mépris.
Brigitte et Tewfik Allal ont attendu deux longues années avant que leur Manifeste des libertés commence à être connu au-delà d'un cercle d'initiés. Ce texte, ils en avaient écrit le premier jet en 2004, au lendemain des défilés intégristes à Paris en faveur du voile islamique. Histoire de rappeler qu'on peut s'appeler Mohamed ou Fatima sans être croyant ni même musulman et a fortiori intégriste. A ce jour, quelque 1 800 personnes l'ont signé.
Vendredi 24 février, le Théâtre du Soleil d'Ariane Mnouchkine, à Vincennes, leur a ouvert ses portes, le temps d'un débat public sur « La censure au nom de l'islam » - affaire des caricatures de Mahomet oblige. Une manière de consécration pour le couple franco-algérien, qui a su rallier à sa cause des personnalités de renom, démocrates de l'aire musulmane et intellectuels réputés, comme l'historien Mohammed Harbi ou feu le philosophe Jacques Derrida.
La grande communauté des croyants, cette « oumma fictive et informatisée », qui projette le spectre d'une « société inégalitaire, répressive et intolérante », estime l'audacieux Manifeste, Tewfik Allal, issu d'une famille de Tlemcen (Algérie), installée à Oujda (Maroc), n'en a jamais voulu. Très tôt, il a deviné que foi et religion ne faisaient pas toujours la paire. Certaines nuits de l'année 1954, une de ses petites sœurs et lui-même étaient réveillés par les hurlements des hommes qu'on torturait dans le commissariat d'à côté. La maison familiale était située entre les locaux de la police et la mosquée. « Ces nuits-là, ma mère venait nous serrer dans ses bras. Elle priait », raconte-t-il. Cette foi, dont sa mère était habitée, c'était « une passion, une transcendance, quelque chose d'intérieur », ajoute-t-il. En comparaison, l'appel à la prière, lancé à l'aube par le muezzin, lui semblait « nasillard et ridicule », car sans rapport aucun avec les horreurs de la nuit.
Plutôt que l'école coranique, qu'il avoue n'avoir fréquentée que trois mois, le jeune Algérien d'Oujda préférait, de loin, les soirées d'étude organisées par les nationalistes. « Ceux qui nous donnaient les cours de grammaire ou de géographie, c'était l'élite arabe. De les voir, ça nous donnait de l'espoir : ils représentaient une possibilité de résistance à la domination coloniale - loin du poids mortifère du peuple et de la misère », explique-t-il.
Ses liens avec la religion, Brigitte Bardet-Allal les résume quant à elle d'une seule phrase : « Dans ma famille, bourgeoise et plutôt mécréante, on allait au catéchisme comme on apprenait le piano. » Elle, ce qui l'intéresse, c'est la littérature - Duras, Bataille, Apollinaire. Agrégée de lettres classiques, la future enseignante participe aux manifestations de soutien à l'indépendance de l'Algérie. Plus tard, elle se jette « à fond », comme son futur mari, dans la vague gauchiste de Mai 1968.
Féministe, elle participe au Mouvement pour la liberté de l'avortement et de la contraception (MLAC). Avec le recul, elle regrette que le mouvement ait été « trop peu présent » dans les collèges et les lycées : « Les choses n'auraient peut-être pas évolué pareil, par exemple, sur l'histoire du voile. » « Je crois que ça n'aurait rien changé », rétorque son compagnon.
Les deux complices, qui se sont rencontrés en 1970, alors qu'ils militaient dans le même « comité d'action » du 5e arrondissement de Paris, se sont mariés en 1997 - bien après la naissance de leurs deux garçons. Tour à tour ouvrier du bâtiment, puis correcteur dans le labeur et l'édition, Tewfik Allal passe du gauchisme au syndicalisme.
« Un couple mixte, c'est compliqué, soupire Brigitte. On n'a pas d'autre espace que le politique. » Car, à entendre les islamistes, et pas seulement eux, le fait de se prénommer Tewfik ou de se nommer Allal induirait automatiquement d'être musulman - et/ou arabe. Ces « assignations identitaires », les signataires du Manifeste les rejettent de toutes leurs forces. « Si on s'y soumet, toutes nos histoires perdent leur sens. »
Les propos des islamistes, qui défilent en janvier 2004 à Paris pour défendre le port du voile, les révoltent. Ils ne sont pas les seuls à réagir. Le psychanalyste Fethi Benslama, d'origine tunisienne, la chercheuse Nadia Tazi, d'origine marocaine, l'essayiste iranienne Chahla Chafiq, comme le juriste Nourredine Saadi ou l'ex-fonctionnaire de l'Unesco Wassyla Tamzali, tous deux Algériens, se lancent dans la bataille.
Le premier jet du Manifeste des libertés est travaillé et amendé. Le texte final est rendu public le 16 février 2004. « Femmes, hommes, de culture musulmane - croyants, agnostiques ou athées -, nous dénonçons, avec la plus grande vigueur, les déclarations et actes de misogynie, d'homophobie et d'antisémitisme dont nous sommes témoins depuis un certain temps ici en France, et qui se revendiquent de l'islam », commence-t-il. Reconnaissant là une « trilogie caractéristique de l'islamisme politique qui sévit depuis longtemps dans plusieurs de nos pays d'origine », les signataires du Manifeste des libertés prônent une « laïcité vivante », qu'ils considèrent comme l'un des héritages de la lutte menée par leurs parents, « qui appartenaient à des classes sociales, des cultures, des peuples, des nations, avant d'appartenir à l'islam ». Les uns n'empêchent pas l'autre : un des fils de Brigitte et Tewfik Allal s'appelle Mehdi (en arabe, « l'envoyé »), un des noms de Mahomet…
Catherine Simon, article paru dans Le Monde daté du 28/02/2006
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