Un film documentaire sur la fusillade de Puteaux
En 1971, deux hommes, tous deux issus de la SFIO (de nos jours, on dirait « des amis de trente ans ») se disputaient la mairie de Puteaux. Charles Ceccaldi-Raynaud (82 ans depuis mai, père de l’actuelle mairesse) bénéficiait, de par ses origines corses, de l’aide du Service d’action civique (le SAC, de sinistre mémoire. L’ancien maire, qui cherchait à récupérer son fauteuil après deux années d’absence pour empêchements personnels, Georges Dardel (décédé en 1982 dans sa 63e année), n’avait que des colleurs d’affiches. L’un d’eux, Salah Kaced, d’origine maghrébine, domicilié dans l’Est parisien, fut assassiné. C’est cette histoire qui sera contée demain dimanche 9 septembre, à 14h30 à l'espace Reuilly. Utile piqûre de rappel pour celles et ceux qui n’ont pas regardé Canal + les 5 et 6 juin derniers.
Le documentaire diffusé ce dimanche à l’Espace Reuilly, dans le 12e arrondissement, relate, témoignages à l’appui, les faits qui ont inspiré à Pierre Granier-Defferre le film Adieu Poulet, sorti en 1975 (avec, dans les rôles principaux, Lino Ventura et Patrick Dewaere, et dans les seconds rôles une belle brochette d’acteurs) : l’Affaire de la fusillade de Puteaux.
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Employé de la SNCF, Georges Dardel a été maire de Puteaux pendant vingt-cinq ans. Il a été également sénateur de la Seine, puis des Hauts-de-Seine suite au découpage administratif faisant de Paris un département. Il est décédé en 1982, année où le SAC a été dissous.
Photo prise dans les années 70, aimablement fournie par la famille Dardel.
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Chicago-sur-Seine
Les campagnes électorales -de nos jours- sont pipoles, cathodiques, ou ne sont pas. Dans la France sans les nouveaux réseaux de communication, le moins que l’on puisse dire est qu’elle n’étaient pas très catholiques, ni très cathodiques. Il fallait être bien informé pour tenter de comprendre certaines affaires comme celle de Puteaux de 1971. La campagne électorale en vue des élections municipales faisait rage. Deux hommes s’affrontaient : Georges Dardel, l’ancien Maire qui avait démissionné à l’arrivée de Georges Pompidou au pouvoir (suite à un grave accident de voiture) et son quatrième adjoint devenu Maire, Charles Ceccaldi-Raynaud. Ce dernier a constitué un important et imposant « comité électoral » composé d’amis corses et d’employés municipaux et dirigé par son beau-frère. Leur mission : « rester maîtres de la rue ».
Georges Dardel, lui, a recruté dans le 12ème arrondissement de Paris des colleurs d’affiches et des accompagnateurs chargés de les protéger en cas d’attaque. Ils sont payés 100 francs la nuit et 100 francs de plus en cas de bagarres. Salah Kaced, 31 ans, serrurier à Paris, est l’un de ces colleurs d’affiches. Marié, père de deux enfants, il a trouvé ce moyen pour arrondir ses fins de mois. Dans la nuit du 26 au 27 février, les hommes de Dardel se rendent au rond-point des Bergères et commencent à coller leurs affiches. Le slogan : « Dardel revient pour rendre à Puteaux la démocratie ». Ils sont surpris par une ronde "ceccaldiste". Alerté, le régisseur des marchés de Puteaux, se rend sur les lieux dans sa DS, emportant avec lui sa carabine 22 long rifle. Il tire et blesse un adversaire avant d’être assommé.
Il est quatre heures du matin. Une heure plus tard, le « comité électoral » de Ceccaldi, averti de la tournure que prennent les événements, décide alors de se rendre en force sur les lieux. Cinq voitures partent en cortège à la recherche des hommes de Dardel. L’affrontement, cette fois, a lieu rue de la République, devant l’école maternelle.
L’un des colleurs d’affiches raconte : « En arrivant, les colleurs Froment et Salah ont voulu descendre de la camionnette mais tout de suite nous avons été attaqués. J’ai reçu un coup de bâton sur la tête. Mes copains sont remontés très vite et on s’est caché sur le plancher en attendant que ça se passe. J’ai entendu un paquet de coups de feu et les vitres ont volé en éclats. Kaced gémissait : "ils m’ont eu". Et dehors, j’ai entendu : "Allons-nous en, on les a tous tués." Quelques secondes d’affreux silence et on s’aperçoit que Kaced est mourant. On le transporte à l’hôpital Saint-Antoine mais pour lui c’est fini. »
Prime à la casserole ?
Dans l’équipe de Dardel, l’affrontement aura fait un mort et six blessés. Quelques jours plus tard, Charles Ceccaldi-Raynaud était réélu au second tour avec près de 65% des voix.
Après trois ans de procédure, le procès de la fusillade de Puteaux s’ouvre le 14 mars 1974 devant la 16e chambre correctionnelle de Paris, habituée à juger des délits mineurs. Pourquoi pas les assises ? C’est toute la question qui est débattue au cours de cette première journée. Poursuivis dans un premier temps pour tentative d’homicide volontaire ou homicide volontaire, MM. Pierre D., Marcel B. et Antoine C. ont vu leur inculpation disqualifiée au cours de l’instruction. Ils sont simplement poursuivis pour faits de port d’armes et violences avec armes.
Vingt membres de l’équipe de Ceccaldi sont inculpés. Quatre d’entre eux qui ont joué un rôle plus important sont restés près d’un an en prison. Le juge d’instruction a également inculpé douze membres de l’équipe de Dardel pour port d’armes de sixième catégorie, en l’occurrence… de bâtons !
La veuve de M. Salah Kaced s’est constituée partie civile et son avocat, Me Cohen-Bacri, a toujours soutenu qu’une telle affaire aurait dû être renvoyée devant la cour d’assises pour homicide volontaire. Les jurés auraient alors apprécié la culpabilité de ceux qui reconnaissent avoir tiré tout en niant l’avoir fait en direction de la victime. Il soutiendra donc dès le début de l’audience, l’incompétence du tribunal correctionnel. L’avocat entend également dénoncer la responsabilité personnelle de M.Ceccaldi-Raynaud : « Il ne fait aucun doute qu’il a constitué un groupe d’hommes en leur donnant pour consigne de s’opposer par tous les moyens au collage des affiches adverses et qu’il est bien l’auteur du rassemblement illicite dont les membres sont poursuivis devant le tribunal », rapporte L’Aurore du 8 mars 1974. M. Ceccaldi-Raynaud a toujours affirmé, quant à lui, avoir donné l’ordre à ses équipes d’abandonner leur tournée dans la ville à partir de 23 heures.
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Charles Ceccaldi-Raynaud, 82 ans aujourd'hui, souhaite redevenir maire de Puteaux en 2008 à la place de sa fille Joëlle. Il ne s'est pas représenté au renouvellement du Sénat en 2004.
Photo © Sénat.
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« Je n’ai rien vu. Après avoir reçu un coup, j’étais à demi-inconscient, mes souvenirs sont assez confus ». Cette déclaration résume celles de tous les inculpés, membres de l’équipe de Ceccaldi dont l’interrogatoire s’est poursuivi lors de la 2ème journée du procès. Qui a tiré ? Ils affirment être incapables d’apporter la moindre précision à ce sujet. Ceux qui, au cours de l’instruction, avaient déclaré avoir vu MM. Marcel B. et Antoine C. armés, l’un d’un pistolet, l’autre d’un fusil de chasse, se sont rétractés, lit-on dans Le Monde daté des 17-18 mars 1974.
Charles Ceccaldi-Raynaud sera jugé civilement responsable de la fusillade de Puteaux (il n’avait pas été inquiété en première instance), plusieurs des agresseurs étaient des employés de la ville de Puteaux et la cour ayant estimé qu’ils dépendaient de son autorité. Il fut condamné à verser plus de 200 000 francs de dommages et intérêts à la partie civile et cette condamnation a été confirmée par la cour d’appel d’Orléans deux ans plus tard, pouvait-on apprendre par Le Matin de Paris du 14 juillet 1977…
Charles Ceccaldi-Raynaud souhaite en 2008 retrouver son fauteuil de maire, actuellement occupé par sa fille.
Fabien Abitbol, avec l’aide de la section de Puteaux du Parti socialiste et de MonPuteaux.com
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Projection de « Racines : au pays des Kaced » et conférence-débat le dimanche 9 septembre 2007, organisé par l’association « Tranches de vies, mémoires d'ensembles » (qui a pour vocation de recueillir et de valoriser la mémoire des habitants de la cité Villiot-Rapée dans le 12e arrondissement de Paris afin d’y recréer du lien social).
Isabelle Bon-Boyadjian, la présidente de l’association, a servi d’intermédiaire et de référent à Christophe Nick, documentariste, pour rencontrer les membres de la famille Kaced d’origine algérienne qui est l’une des familles les plus anciennement installée dans cette cité parisienne. Cela a donné lieu à la réalisation d’un film documentaire sur l’histoire de cette famille meurtrie par l’Affaire de la fusillade de Puteaux.Le film relate plus particulièrement l’histoire de deux des membres de la famille, Deux cousines : Kahina et Katia âgées toutes deux de 25 ans, l’une née en Algérie, l’autre en France, et qui, à partir de documents personnels (des photos, des films, des images d’archives réunis avec l’aide de journalistes), effectuent un questionnement identitaire qui prend la forme et l’allure d’une quête et d‘un parcours à rebours à la fois géographique et temporel. Elles vont notamment en Algérie pour retrouver certaines traces familiales et tentent ainsi de renouer le fil de l’histoire de leurs parents et de mieux comprendre et connaître leurs racines.
Ce film constitue un des volets d’une collection documentaire dirigée par Christophe Nick fonctionnant en diptyque et intitulée « Racines ». Les films ont été réalisés par Jean-Denis Robert et Patricia Bodet. Ils ont été précédemment diffusés en deux parties, les 5 et 6 juin 2007 sur Canal +.
Racines : au pays des Kaced
Le 9 septembre 2007 à 14h30 à l'espace Reuilly
21 Rue Hénard (12e)
Métro : Ligne 8 : arrêt Montgallet, ligne 6 : arrêt Dugommier
Bus : Ligne 29 arrêt Mairie du 12e, ligne 46 arrêt Montgallet, ligne 62 arrêt Daumesnil
Merci de bien vouloir confirmer votre présence
Tél : 06 50 12 85 68
Courriel : ICI
La projection et le débat seront suivis d’une collation
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