Les derniers occupants ont été évacués mercredi
Dans un bâtiment laissé vide par l’Etat depuis une dizaine d'années ans, la Générale a ouvert en février 2005 un laboratoire de création artistique, d’action politique et sociale à Belleville, en plein Paris. Elle avait tenté de négocier avec le ministère pour présenter un projet à la fois artistique et de soutien dans le Nord-Est parisien, si possible à Belleville. Mais son appel n’a pas été entendu : la police a procédé hier matin à l’expulsion des vingt-cinq derniers occupants (certains se sont installés depuis quelques mois à la manufacture de Sèvres, dans les Hauts-de-Seine). Ce grand squat multidisciplinaire était ouvert depuis deux ans à Belleville (19e), mais la Ville de Paris voulait le récupérer pour y installer une annexe de l'hôpital psychiatrique Maison-Blanche.
Le collectif avait créé cette plate-forme sur des principes de gratuité, de mutualisation et d’échange. Plus de 10 000 artistes ont pu venir y travailler, y montrer leurs œuvres, y préparer leurs spectacles. Le bâtiment a également accueilli des associations jouant un rôle politique et social important dans le quartier.
L’expérience de la Générale, inédite par sa taille, s’est ancrée dans un territoire et connectée à divers réseaux militants, artistiques et intellectuels. La puissance publique ne s’y est pas trompée. En mai, le ministère de la Culture a relogé une partie du collectif (des plasticiens en majorité) dans 3 000 m2 de la manufacture de Sèvres. Aujourd’hui, à la suite de longues négociations, ceux pour qui l’ancrage dans le Nord-Est parisien était primordial ont obtenu de la mairie de Paris un bâtiment de 500 m2 dans le 11e arrondissement, disponible au printemps 2008. Il sera accompagné d’espaces satellites qui permettront aux artistes de travailler selon les principes fondateurs : mutualisation et échange. Le lieu central multipliera les invitations et sera ouvert aux associations. En attendant, le site de Belleville est voué, explique-t-on, à devenir une institution de psychiatrie publique. Les partants ont « espoir qu’il ne s’écoule pas de nouveau dix ans avant que l’Etat propriétaire trouve à faire bon usage de son domaine. Au vu de la situation immobilière à Paris, ce serait un outrage aux habitants du Nord-Est parisien. Immigrés avec ou sans papiers, gens modestes, personnes âgées, artistes, lieux émergents. Tous espèrent des politiques publiques une plus grande équité. L’occupation du bâtiment de la Générale se voulait aussi un symptôme de leurs attentes. »
C’est donc avec tristesse, mais sans nostalgie, que les occupants ont quitté les 6 000 m2 de la rue du Général-Lasalle. Une poignée d’artistes invités dans les lieux n’ont pas su trouver leur place dans les projets de Sèvres et du Nord-Est. Ils feignent d’ignorer la nécessité de la fermeture en agitant une ultime exposition. Dans le nouveau bâtiment, la Générale veut continuer d’être un lieu où l’on se protège des rafles de police, où l’on invente un mode de travail en coopération, où l’on encourage l’insurrection des contre-conduites artistiques, sexuelles et politiques. Le projet reste vivant et se poursuit, dans d’autres murs, mais sur le même territoire, indiquent les derniers partants du collectif.
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