Paradoxe de l'omniprésidence Sarkozy, la déclaration de politique générale de François Fillon devant l'Assemblée nationale marque la véritable entrée en scène du Premier ministre, confronté au défi de faire entendre sa voix après n'avoir été que l'écho du chef de l'Etat.
François Fillon, rompu à la pratique parlementaire, se frottera à partir de 15h00 au rite obligé de la Ve République avec un discours de quelque 45 minutes devant les députés avant d'engager la responsabilité de son gouvernement conformément à l'article 49-1 de la Constitution. Une formalité, l'UMP détenant une majorité de 320 élus sur les 577 que compte l'hémicycle.
Auparavant les quatre groupes se seront exprimés, à raison de 20 minutes par orateur, le Premier ministre leur répondant.
Des réponses, François Fillon n'en a guère dans sa réserve personnelle. La feuille de route gouvernementale et parlementaire a été tracée sans retenue par Nicolas Sarkozy dans une interprétation maximaliste des institutions de la Ve République, d'ailleurs théorisée et endossée par le Premier ministre dans « La France peut supporter la vérité », notamment.
Le 20 juin, dans un exercice inédit, le président de la République avait prononcé avant l'heure un discours de politique générale devant les parlementaires de la majorité à Matignon.
François Fillon assure assumer sans états d'âme ce rôle inusité d'exécutant de l'ombre en contradiction apparente avec l'article 20 de la Constitution qui stipule que « le gouvernement détermine et conduit la politique de la Nation ».
Dans cet unisson orchestré sans ménagement par l'Elysée, le chef du gouvernement déclinera sa partition sur le thème de la méthode : la mise en œuvre de réformes connues pour provoquer le « choc de confiance » et de « croissance » annoncé avec pour règle la maîtrise des finances publiques, dès le budget 2008. Avec pour horizon inchangé, un retour à l'équilibre budgétaire en 2012.
« Surprendre »
Selon Les Echos, il devrait notamment confirmer pour 2008 et au-delà le principe d'une stabilisation des crédits en volume, hors inflation.
« Paquet fiscal », réforme des universités, avec un effort budgétaire attendu pour l'enseignement et la recherche, mise en place d'un service minimum, loi sur la récidive : le chef du gouvernement étaiera l'architecture du « nouveau contrat politique, social et culturel » qu'il appelle de ses vœux sans céder au travers du « catalogue ».
Rien d'inattendu a priori, mais le Premier ministre promet dans Le Monde qu'il va « surprendre ».
Même s'il exprime des « inquiétudes sur les finances publiques », François Bayrou, président du Mouvement démocrate (MoDem) veut « donner au gouvernement sa chance » et attend de François Fillon qu'il sorte du « rôle de décalque du président ».
Pour l'ancienne ministre socialiste Elisabeth Guigou, François Fillon devra démontrer que le programme de « rupture » de Nicolas Sarkozy « peut être efficace économiquement, supportable socialement et finançable dans de bonnes conditions ».
Il devra aussi convaincre dans ses propres rangs. Car après la victoire en demi-teinte de l'UMP aux élections législatives, imputée pour partie à François Fillon, et une ouverture à gauche parfois incomprise, c'est une majorité tout sauf docile qui décryptera le verbe gouvernemental.
« Les députés vont écouter François Fillon avec une petite feuille dans laquelle ils vont cocher les cases et sur la feuille, il y aura la liste de tous les engagements sur lesquels nous avons été élus par les Français », a prévenu dimanche Jean-François Copé sur Radio J.
« Et ils attendront d'abord que le Premier ministre nous confirme que sur tous ces points, il a la détermination, que nous lui connaissons d'ailleurs, pour mettre tout ça en œuvre », a ajouté le président du groupe UMP à l'Assemblée.
Dans « La France peut supporter la vérité », phrase empruntée à Pierre Mendès France, François Fillon écrit que « la politique n'est pas seulement un art de gestion et d'exécution » : « Elle doit s'inscrire dans une vision ».
De la théorie aux faits, le Premier ministre subira mardi son examen de passage.
© Sophie Louet, pour l’agence Reuters
Dessin © Placide (archives 2005)
Ce mardi soir, le Premier ministre est l'invité du 20 heures de France 2.
Mercredi, un forum est organisé entre le Premier ministre et les Internautes, de 19h à 20h, soit après la séance à l’Assemblée nationale et plus de 24 heures après sa déclaration de politique générale. Alors que les forums ministériels sont assez fréquents, ceux avec le Premier ministre sont plutôt rares, à en voir les archives.
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