La lutte contre la toxicomanie porte ses fruits : le Subutex et la méthadone, produits de substitution pour les héroïnomanes, figurent parmi les 20 médicaments les plus prescrits en France. Mais les fraudes restent encore trop importantes.
A lire le dernier bilan de l'assurance maladie (Médicam 2006), un phénomène saute aux yeux : l'incroyable boom du Subutex et de la méthadone, prescrits pour aider au sevrage des héroïnomanes. Depuis peu, ces deux produits ont d'ailleurs rejoint le club fermé des vingt médicaments les plus prescrits en France (11e rang pour la méthadone, 17e pour le Subutex en 2006) !
Si l'on tient compte du générique du Subutex (buprénorphine), arrivé sur le marché l'an dernier, ce sont plus de 18 millions de boîtes et autres flacons qui ont été prescrits. Quant au montant remboursé par la Sécu, il a dépassé 87 millions d'euros...
Pourquoi cette envolée ? Ces dernières années, la lutte contre la toxicomanie a été fortement améliorée. Aujourd'hui, plus de 100 000 héroïnomanes (sur 150 000 à 170 000 environ) suivent un traitement. « Et les résultats sont excellents », se réjouit Didier Jayle, le président de la MILDT (mission interministérielle de lutte contre les drogues et la toxicomanie), qui liste les effets positifs de cette « substitution ». Les morts par overdose ? En six ans, elles ont chuté, passant de 1 000 à 100 par an. Le sida ? Si, il y a quinze ans, un toxicomane sur deux était séropositif, ce taux avoisine désormais 0,3 % chez les moins de 30 ans - autant dire, donc, que l'épidémie a été enrayée. Sans oublier la vie sociale. Car même si Subutex et méthadone sont des opiacés, avec une dépendance forte, les patients qui les prennent (parfois pendant des années) peuvent conduire une voiture, avoir un travail, bref, ils peuvent vivre presque normalement.
Le nom du pharmacien inscrit sur l'ordonnance
Reste la question, récurrente, de la fraude au Subutex. Marché noir, petites magouilles ou gros trafics... Le mois dernier encore, 24 personnes (dont 11 pharmaciens et 5 médecins) ont été mises en examen dans le cadre d'un vaste trafic, qui aurait coûté 500 000 € à la Sécu. Soucieuse d'endiguer les dérives, l'assurance maladie a mis en place depuis 2005 un plan de lutte contre la fraude. Mais même si les progrès sont réels, « 15 à 20 % des prescriptions sont encore détournées par un petit nombre de personnes », regrette Didier Jayle. D'ici peu, selon nos informations, les médecins prescripteurs seront d'ailleurs tenus d'inscrire sur l'ordonnance le nom du pharmacien chargé de délivrer le produit. « Il y aura un mieux, mais cela ne résoudra pas le cas des patients qui se font délivrer plusieurs ordonnances par différents médecins », nuance Nathalie Attuil-Giffard, pharmacienne à Paris. En attendant de tordre le cou aux fraudeurs, décision a été prise voilà deux ans de prescrire plus de méthadone, à la place du Subutex. Et pour cause... Classée comme stupéfiant, la méthadone ne peut en effet être prescrite que dans le cadre très verrouillé de l'hôpital ou des centres spécialisés. Message reçu, apparemment : en 2006, tandis que le Subutex stagnait, la méthadone, elle, a bondi de 18 %.
© Odile Plichon, Le Parisien du 16 juin
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