Histoire d’un Paris populaire
A l’heure des querelles entre le premier secrétaire du parti socialiste qui estime qu’à 4 000 € mensuels nets on est riche (soit 3 à 4 % des unités de consommations, ou plus que quatre fois le SMIC à temps plein), ce qui fait réagir le ministre du Budget, porte-parole du gouvernement, qui estime que cela concerne 1,2 millions de foyers (le syndicat de la rue de Montreuil estime entre 300 et 500 000 le nombre de foyers), il est peut-être bon de se souvenir que l’Est parisien n’est pas si riche que cela. Selon une étude publiée en janvier 2004 par l'Atelier parisien d'urbanisme (APUR), 12 % des foyers parisiens, soit 210 000 personnes, vivent avec moins de 670 euros par mois, soit au-dessous du "seuil de pauvreté" défini par l'Insee. Ces Parisiens pauvres, concentrés pour moitié dans les 18e, 19e et 20e arrondissements, sont plus nombreux à Paris qu'en Ile-de-France. Les dernières études (2003) de l’Insee ont montré qu’un Parisien perçoit 23 390 € de salaire annuel net (soit 2 000 €).
Alors, pour se changer les idées, replongeons-nous dans un ouvrage sorti en 2004 sur le Paris populaire… Le vrai !
Rue de La Tannerie, rue de L'Industrie, rue de La Manutention… Autant d'indices qui rappellent que Paris a longtemps été une ville industrielle peuplée d'ouvriers. Et si l'on écoute aujourd'hui de la musique à la Bellevilloise, ancienne coopérative ouvrière du 20e, en attendant la réouverture d'un Centre d'art contemporain à la Maison des Métallos, dans le 11e, c'est parce que la Ville-Lumière, avant de briller de mille feux sur ses boulevards haussmanniens, appartenait d'abord aux classes populaires.
En 1848, 40 % de la population parisienne est ouvrière. Nombreux sont les provinciaux et les étrangers venus s'installer massivement dans la capitale pour travailler à l'usine, principale employeuse d'une main d'œuvre abondante issue de l'exode rural. Les ouvriers dominent alors le paysage parisien, et, en 1931, ils forment encore plus de 30% de sa population, contre 10% des actifs aujourd'hui.
Si les ouvriers et leurs usines sont désormais "délocalisés" au-delà des limites de la capitale, ils forment au XIXe siècle un bastion politique de premier plan. Belleville joue le rôle de « sentinelle » républicaine, véritable montagne ouvrière d'où le peuple descend vers le centre pour se rendre au travail.
C'est là que l'on se remémore les souvenirs de la Commune, et que se forment dans l'entre-deux-guerres l'essentiel des militants communistes.
Dès les années 20, la radicalité politique s'estompe au profit du souvenir pittoresque et de la nostalgie, tandis que des années 1940 aux années 1960, l'Est de la capitale devient une vitrine du Paris populaire. En dépit de ces mutations, l'imaginaire des faubourgs, celui de Gavroche, du Front Populaire et des personnages hauts en couleur campés par Gabin, rappelle inlassablement une culture ouvrière passée. Des lieux phares subsistent : anciens sièges de partis ou de syndicats, coopératives, usines, manufactures ou logements ouvriers, sans parler du célèbre Mur des Fédérés au Père Lachaise.
Paris ouvrier : une balade dans le passé de la capitale
L'écrivain et journaliste Alain Rustenholz nous convie à une belle balade dans le passé, dans « Paris ouvrier : des sublimes aux camarades », aux éditions Parigramme. Il retrace la chaîne historique par laquelle l'ouvrier a fait Paris et a contribué à modeler la capitale. Il décrit, quartier par quartier, les lieux qui ont marqué l'histoire du peuple parisien à travers son travail.
Illustré par une iconographie soignée et de nombreuses descriptions, son ouvrage propose un véritable parcours guidé dans les vingt arrondissements, en décrivant la vie et le rôle des ouvriers à Paris. Un « tableau » se dessine, permettant de comprendre pourquoi au XIXe siècle les ouvriers changeaient, déménageaient souvent, et nous décrit ce qu'ils mangeaient ou encore où ils se rencontraient…
Même si les traces de ce passé sont de plus en plus enfouies sous les quartiers rénovés ou repoussées à la périphérie de la ville, elles demeurent bien présentes dans l'Est parisien : ne reste qu'à les reconnaître au détour d'une rue ou dans une ancienne musique ou d'instruments à vent…
Paris ouvrier : des sublimes aux camarades
Auteur : Alain Rustenholz
368 pages, 29 €
Editions Parigramme
Vient de paraître, du même auteur chez le même éditeur « Les Traversées de Paris ».
Dans « Libération » du 7 décembre 2006, Ange-Dominique Bouzet écrivait : « Les Traversées de Paris gîtent dans un gros pavé-bouquin, à la couverture bosselée en relief comme les pavés de la capitale. Le volume récuse la solennité du beau livre, dont il a l'abondance d'illustrations, mariée à un texte étourdissant, qui invite à toutes les balades...
Gageure inutile, au demeurant, qu'essayer de résumer ces 600 pages d'anecdotes, d'architecture, de vie sociale et d'imaginaire, où l'on croise et recroise tous les noms de l'art et de la politique. Négligeant l'exploration systématique ni rue par rue, ni immeuble par immeuble, Alain Rustenholz (à qui on doit déjà, entre autres, un fameux Paris ouvrier) brasse le passé et le présent des quartiers d'un seul discours. Ce qui s'y perd en exhaustivité et en précision y gagne en fluidité stimulante. »
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