Un arrêt de la Cour de cassation rendu le 13 juin et trois propositions de loi de Frédéric Lefebvre déposées le même jour s'en prennent aux fumeurs. La deuxième chambre civile de la Cour de cassation en précisant sur quelles terrasses on ne peut plus fumer, le nouveau député en proposant à ses collègues une taxe additionnelle sur le tabac pour financer trois mesures destinées aux Français ne vivant pas en France.
La Cour de cassation était saisie par l'association Droits des non fumeurs. Cette dernière contestait un arrêt de la Cour d'appel de Paris du 11 mai 2012 expliqué sur ce site professionnel. Dans sa décision, la 2ème chambre civile renvoie les parties devant la Cour d'appel de Versailles et, surtout, précise ce qu'est une terrasse ouverte ou fermée, comme le détaille Lextimes.
La Cour relève par ailleurs que "l’huissier de justice mandaté par l’association, ayant procédé à un constat, depuis l’extérieur du café, s’est borné à une description de onze lignes, faisant état d’une terrasse hermétiquement close, tout en relevant des espaces d’ouverture d’environ 50 centimètres entre le store banne et la façade avant de la terrasse ; que les photos versées aux débats ne sont que des copies de mauvaise qualité, ne permettant pas une vision précise de la situation de la terrasse ; qu’en tout état de cause, l’existence d’un espace ouvert entre les châssis et le store banne, ne permet manifestement pas de dire que la façade est fermée, même si elle n’est pas complètement ouverte" dans son arrêt à lire ici.
La justice se serait donc prononcée tant en première instance qu'en appel sur la foi d'un piètre exploit.
Le 9 juin, le conseiller régional UMP d'Ile-de-France Frédéric Lefebvre était élu député des Français hors de France pour la première circonscription (Canada, USA). Arrivant à l'Assemblée le mardi 11 pour poser sa première question (expliquée la veille dans Soir Américain), il déposait aussitôt une proposition de résolution tendant à la création d'une commission d'enquête sur les services consulaires que l'on aurait cru écrite avec un correcteur orthographique.
Mais surtout, le 13 juin, le jour où la Cour de cassation interdisait les pipes dans les maisons closes, il déposait trois propositions de loi s'en prenant au portefeuille des fumeurs.
1/ la PPL 1146 vise à rétablir l'équité fiscale pour les Français établis à l'étranger. Elle concerne les propriétaires fonciers qui louent leurs biens et en tirent des revenus en France. Ces revenus sont désormais soumis à prélèvements sociaux. Or aux États-Unis on ne reconnaît pas la CSG comme un impôt mais comme une taxe affectée. Les Français qui résident aux États-Unis et y paient leurs impôts, s'ils louent des biens en France, sont donc doublement taxés.
Si la proposition de Frédéric Lefebvre est logique, d'aller vers l'équité de tous les citoyens extraterritoriaux devant l'impôt (du reste les différents candidats trouvaient cette mesure injuste), c'est l'article 7 de sa proposition de loi qui l'est moins: le député prévoit de compenser les pertes de recettes fiscales par... "la majoration des droits prévus aux articles 575 et 575A du Code général des impôts". En clair, augmenter les taxes sur le tabac consommé en France pour supprimer un impôt, si injuste soit-il, qui concerne des gens ne vivant plus en France et peuvent -s'ils fument- consommer des cigarettes hors taxes lorsqu'ils viennent en France par avion.
2/ la PPL 1147 vise à "rétablir une scolarité à coût réduit" pour les enfants de Français résidant hors de France. Et là aussi, le député Lefebvre veut créer une taxe additionnelle sur le tabac.
Dans la majorité précédente, pour respecter une promesse du président Sarkozy, un curieux système de "prise en charge" avait été mis en place sans condition de ressource pour les personnes désireuses de mettre leurs enfants dans un établissement français. En janvier dernier, un panorama dressé par Le Monde indiquait que 776 familles françaises installées aux États-Unis se partageaient à elles seules douze millions d'euros au titre de la PEC (prise en charge des frais de scolarité)... quand 1470 familles de Madagascar se partageaient la moitié de cette somme.
Dans ce document ministériel (page 78 et suivantes), on lit que le total des aides en 2011 était de 84M€ pour les bourses scolaires et de 33,7M€ pour la PEC en 2011, soit 113,7 millions d'euros pour les deux systèmes dans l'ensemble des pays.
Pour 2013, la gouvernement a annoncé 110M€. Cela n'empêche pas M. Lefebvre d'écrire dans son exposé des motifs que "le budget total d'aide à la scolarité" a baissé de 12%.
3/ la PPL 1148 vise de son côté à "garantir et améliorer la protection sociale" des Français résidant hors de France. Elle aussi devrait être supportée, selon son article 4, par les fumeurs.
Dans cette PPL, le député Lefebvre demande en matière de CMU l'application stricte de ce qui avait été décidé sous le gouvernement de Lionel Jospin, à savoir le bénéfice de la CMU pour tout Français sans délai d'attente. Il se trouve que les caisse de sécurité sociale ont une interprétation assez diverse du même texte. On peut s'interroger sur la nécessité d'une loi, là où une circulaire ministérielle devrait faire affaire.
Mais le nouveau député des Français de l'étranger fait aussi une proposition concernant les couples de pensionnés affiliés à la CFE (Caisse des français de l'étranger). En effet, lorsque l'on passe plus de six mois par an hors de France, on perd tout lien avec la sécurité sociale et on se trouve donc obligé de cotiser à une autre caisse, sauf à être couvert par un autre régime, ce qui est le cas de la majorité des Français expatriés.
Si le ministère des Affaires étrangères recensait 1,6 millions de Français au 31 décembre 2011, la CFE ne comptait que 105.140 adhérents, toutes branches confondues, soit 6,5% de la population expatriée.
Seuls 14% des adhérents de la CFE sont des pensionnés, et seuls les couples de pensionnés sont visés par la PPL de M. Lefebvre, car il n'existe pas de "tarif couple". Or ce document indique en page 8 que sur les 406,5M€ perçus en 2011 par la CFE au titre des cotisations, 259 millions ont été reversés à la CNAV (la caisse vieillesse), la CFE ne gérant pas elle-même le risque vieillesse.
On comprend mal pourquoi Frédéric Lefebvre s'en prend à la CFE, car c'est plutôt à la CNAV qu'il faudrait s'adresser on dirait.
Le nouveau député des Français de l'étranger, dont la fiche sur le site Internet de l'Assemblée indique qu'il est membre de la commission de la défense et des forces armées, était, dans la précédente législature, député suppléant de André Santini dans les Hauts-de-Seine. André Santini étant depuis vingt ans "président à vie" du Club des parlementaires amateurs de Havane (CPAH, dont le cigarettier BAT organise les déjeuners depuis 2001, selon ce communiqué de presse), on peut douter de l'avenir des trois propositions deFrédéric Lefebvre en l'état.